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Invention de seconde, gueule cassée

Dissertation : Invention de seconde, gueule cassée. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  3 Novembre 2018  •  Dissertation  •  740 Mots (3 Pages)  •  412 Vues

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Ce matin, cela fait deux semaines, ou trois jours, même deux heures ! Je compte le nombre de traits graver sur le mur que mon compagnon d’ambulance, fait depuis notre arriver… Un, ce qui veux dire seulement deux jours qui paraissent cent, puis milles, selon ma douleur. Je suis enfermé dans cette salle sans miroirs avec ses trois hommes, je n’ai plus la notion du temps ; deux jours que je vois leurs visages complétement déformés. L’aube ne va pas tarder ; mes camarades dorment encore. Il me reste quelques minutes avant de les voir se lever et esquisser les pas macabres qu’ils reproduisent tous les jours dans l’hôpital, le visage dévasté, comme des spectres sortis d’un dessin morbide.

Mais moi ! Moi, à quoi puis-je bien ressembler ? Suis-je tout aussi repoussant à voire pour être dans cette salle ? Quand je rentrerais enfin chez moi, les autres vont ils me reconnaître ? Est-ce que… est-ce que je vais leur faire peur ?! Je me pose tant de questions qui resteront pour la plupart sans réponses un bon moment.

C’est la tête remplie de questions que je m’avance avec peine vers l’une des deux fenêtres de la salle. Déconcerté, je laisse mon regard errer… Le ciel est noir, les éclairs transpercent le ciel comme s’ils essayaient de le tuer en ce temps de guerre. Et cela m’apparaît ! Je voyais l’horreur trop loin : elle est plus près de moi, elle est en moi ! La créature m’apparaît soudain… sur la vitre ! C’est à ce moment-là que je vis l’horreur que je suis devenu grâce à mon reflet. De tout mon côté droit sur le visage, ma peau avait laissé place à ma chair. Je n’ai plus d’oreille droite et il me manque une partie de la gauche. Ce qui avant été mon nez, n’est aujourd’hui plus que deux infâmes trous. Je n’ai plus de lèvre, je ne reconnais que le reflet de mes yeux. Fasciné mais à la fois troublé, je m’approche de la vitre pour mieux étudier ces créatures qui ont élu domicile sur mon corps et je les palpe doucement. Ce n’est pas mon visage, me semble-t-il, que je sonde : d’ailleurs, je ne sens rien lorsque ma main touche cette oreille gauche reflétant sur cette vitre… Je me penche toujours plus pour mieux scruter ses bêtes boursouflées qui semble attendre mon heure pour finir de dévorer ce qui me reste de visage.

Mon premier réflexe en me voyant ainsi est de rire comme si tout cela n’était qu’une mauvaise blague. C’est une blague pas vraie ? Je suis juste dans un mauvais rêve ? Ça ne peut pas être la réalité… C’est impossible ! Et pourtant, je suis bien là incapable de me réveiller malgré mon avant-bras que je pince le plus fort possible avec deux de mes quatre doigts restant à la main droite.

Je n’ai que vingt et un ans et je me retrouve défiguré à vie. Mais comment vont réagir mes parents, ma femme…

Mais pourquoi moi ? Pourquoi le sort m’a-t-il frappé ? C’est seulement lorsque je m’arrache à ce reflet ignoble, inconnu que je reviens à moi. Maintenant, je vois braqué sur moi, par milliers, le regard que je portais hier sur mes camarades de combat, ce regard à la fois fatigué et apitoyé qu’on porte sur des êtres marqués par le fer rouge de la guerre…

Je retourne me tapir dans mon lit et me tourne vers le mur pour échapper encore quelques temps à ces regards dont je sais qu’ils me suivront toute ma vie. Que vais-je devenir ? Où est mon identité ?! Si moi-même je ne me reconnais pas, qui me reconnaîtra ? Mes enfants ne voudront m’appeler du doux nom de « Papa » … Épouvantés, sur mon visage ils liront seulement la cruauté et l’inhumanité absurdes des hommes qui s’acharnent sur leurs semblables… Se peut-il que le hasard d’un obus fou anéantisse toute une vie ?

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