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Homme Au Sable de HOFFMANN

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Par   •  14 Mai 2013  •  3 161 Mots (13 Pages)  •  913 Vues

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L'HOMME AU SABLE, HOFFMANN

Les pas approchaient de plus en plus, l'Homme toussait, soufflait et murmurait singulièrement. Le cœur me battait d'attente et d'effroi. - Tout près de la porte, un pas sonore, un coup violent sur le bouton, les gonds tournent avec bruit. - J'avance malgré moi la tête avec précaution, l'Homme au Sable est au milieu de la chambre, devant mon père; la lueur des flambeaux éclaire son visage! - L'Homme au Sable, le terrible Homme au Sable, est le vieil avocat Coppelius qui vient quelquefois prendre place à notre table! Mais la plus horrible figure ne m'eût pas causé plus d'épouvante que celle de ce Coppelius. Représente-toi un homme aux larges épaules, surmontées d'une grosse tête informe, un visage terne, des sourcils gris et touffus sous lesquels étincellent deux yeux verts arrondis comme ceux des chats, et un nez gigantesque qui s'abaisse brusquement sur ses lèvres épaisses. Sa bouche contournée se contourne encore davantage pour former un sourire; deux taches livides s'étendent sur ses joues, et des accents à la fois sourds et siffleurs s'échappent d'entre ses dents irrégulières. Coppelius se montrait toujours avec un habit couleur de cendre, coupé à la vieille mode, une veste et des culottes semblables, des bas noirs et des souliers à boucles de strass, complétaient cet ajustement. Sa petite perruque qui couvrait à peine son cou, se terminait en deux boucles à boudin que supportaient ses grandes oreilles d'un rouge vif, et allait se perdre dans une large bourse noire qui, s'agitant çà et là sur son dos, laissait apercevoir la boucle d'argent qui retenait sa cravate. Toute cette figure composait un ensemble affreux et repoussant; mais ce qui nous choquait tout particulièrement en lui, nous autres enfants, c'étaient ses grosses mains velues et osseuses; et dès qu'il les portait sur quelque objet, nous avions garde d'y toucher. Il avait remarqué ce dégoût, et il se faisait un plaisir de toucher les gâteaux ou les fruits que notre bonne mère plaçait sur nos assiettes. Il jouissait alors singulièrement en voyant nos yeux se remplir de larmes, et il se délectait de la privation que nous imposait notre dégoût pour sa personne. Il en agissait ainsi aux jours de fêtes, lorsque notre père nous versait un verre de bon vin. Il étendait la main, saisissait le verre qu'il portait à ses lèvres livides, et riait aux éclats de notre désespoir et de nos injures. Il avait coutume de nous nommer les petits animaux; en sa présence il ne nous était pas permis de prononcer une parole, et nous maudissions de toute notre âme ce personnage hideux et ennemi, qui empoisonnait jusqu'à la moindre de nos joies. Ma mère semblait haïr aussi cordialement que nous le repoussant Coppelius; car dès qu'il paraissait, sa douce gaieté et ses manières pleines d'abandon, s'effaçaient pour faire place à une sombre gravité. Notre père se comportait envers lui comme si Coppelius eût été un être d'un ordre supérieur, dont on doit souffrir les écarts, et qu'il faut se garder d'irriter: on ne manquait jamais de lui offrir ses mets favoris, et de déboucher en son honneur quelques flacons de réserve.

En voyant ce Coppelius, il se révéla à moi que nul autre que lui ne pouvait être l'Homme au Sable; mais l'Homme au Sable n'était plus à ma pensée cet ogre du conte de la nourrice, qui enlève les enfants pour les porter dans la lune à sa progéniture à bec de hibou. Non! C'était plutôt une odieuse et fantasque créature, qui partout où elle paraissait, portait le chagrin, le tourment et le besoin, et qui causait un mal réel, un mal durable. J'étais comme ensorcelé, ma tête restait tendue entre les rideaux, au risque d'être découvert et cruellement puni. Mon père reçut solennellement Coppelius. - Allons à l'ouvrage! s'écria celui-ci d'une voix sourde, en se débarrassant de son habit. Mon père, d'un air sombre, quitta sa robe de chambre, et ils se vêtirent tous deux de longues robes noires. Je n'avais pas remarqué le lieu d'où ils les avaient tirées. Mon père ouvrit la porte d'une armoire, et je vis qu'elle cachait une niche profonde où se trouvait un fourneau. Coppelius s'approcha, et du foyer s'éleva une flamme bleue. Une foule d'ustensiles bizarres apparut à cette clarté. Mais mon Dieu! quelle étrange métamorphose s'était opérée dans les traits de mon vieux père! - Une douleur violente et mal contenue semblait avoir changé l'expression honnête et loyale de sa physionomie qui avait pris une contraction satanique. Il ressemblait à Coppelius! Celui-ci brandissait des pinces incandescentes, et attisait les charbons ardents du foyer. Je croyais apercevoir tout autour de lui des figures humaines, mais sans yeux. Des cavités noires, profondes et souillées en tenaient la place. - Des yeux! des yeux! s'écriait Coppelius, d'une voix sourde et menaçante.

Le marchand de sable est passé

Et bien loin il va m'emporter

Il m'est venu des ailes / (…)

Je suis monté au ciel / (…)

Un ange m'a donné

Son flambeau d'argent

Et je m'en suis allé

Dans le firmament

Pour allumer les étoiles du soir

Qui ne brillaient pas encore dans le ciel noir

Et je leur ai dit bonsoir

Dans son coin, la lune m'a souri

Sur son croissant, je me suis endormi

(Henri Salvador)

Celui qui nous a bercés avec Une chanson douce a ainsi chanté la figure protectrice du marchand de sable. Ce personnage fabuleux, bien différent du Sandman, laisse tomber du sable sur les yeux des gens pour les endormir. Le Sandman, littéralement l’homme au sable, version bien moins édulcorée de notre Morphée, est un esprit maléfique appartenant au folklore germanique. Selon la légende, cet ogre vient vérifier si les yeux des enfants couchés sont bien fermés. Si ce n'est pas le cas, il y jette du sable. Ceux-ci saignent et finissent par tomber. L’homme au sable les rapporte alors chez lui pour nourrir ses propres enfants. Ce personnage semble avoir particulièrement inspiré

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