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Gargantua et le thème de la soif

Commentaire d'oeuvre : Gargantua et le thème de la soif. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  21 Mai 2019  •  Commentaire d'oeuvre  •  3 807 Mots (16 Pages)  •  1 147 Vues

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Rabelais, Gargantua : « Si je en boy je suis à sec »

Introduction :

Accroche :  

        Au XVIe siècle, le vin est un principe vital, notamment de par la pollution de l’eau.  C’est un élément unificateur à tel point que la consommation moyenne du breuvage est estimée à plus de trois litres par jour. Cette boisson, Rabelais l’élève au rang de fil rouge au sein de son œuvre, à tel point qu’il en devient l’idéal de son Cinquième Livre. Mais déjà au sein de Gargantua, le thème du vin est omniprésent, apparaissant comme un motif essentiel répété, créant toute une mythologie autour de lui, un questionnement.

Explication :   

        Si le sujet de la boisson est fondateur de l’œuvre, puisque ce serait le déclencheur même de l’écriture, c’est au sein du chapitre V que ce thème semble abreuver, avec un titre particulièrement équivoque : « Des propos bien yvres ».

        Situé juste avant la naissance de Gargantua, et juste après le récit du festin de tripes exécuté par sa mère ; il choque notamment par sa forme en dialogue déconstruit, fondé une totale libération digressive, mais non sans une véritable musicalité.

        Dans cette apparente cacophonie, Rabelais obscurcit la provenance de la parole en empêchant son lecteur de distinguer les différents personnages, créant une parole libre en total discours direct, sans embrayeur linguistique, ni narrateur. C’est lors d’une de ces répliques qu’un personnage, cherchant justifier son goût pour la boisson, affirme « Si je ne boy, je suis à sec ». Il semblerait que l'action s'arrête et seul règne le banquet et la boisson, laissant lieu à la parole.

        

        Cette expression finale, justement inventée au XVIème siècle, utilise l’idée de sécheresse comme pénurie. Ici elle est reprise sous la forme d’un truisme qui semble justement nous appeler à interroger son véritable sens. En effet, la formulation en enthymème nous porte ici à croire à une boisson absolument nécessaire, puisque l’idée de sécheresse y est perçue comme un travers.

        Problématique : Il nous faut donc nous interroger sur le sens que donne l’auteur de l’idée d’être à sec, et les différents enjeux de la symbolique du vin à travers cette expression, créant un réseau métaphorique autour de la soif.

I- L’ivresse comme contrainte nécessaire : un impératif pour échapper à une lecture rigide.

 A) Le vin comme inspiration : une exclusion du lecteur et de l’auteur sobre.

        Avant même de commencer son roman, au sein de son prologue, Rabelais introduit dès les premières lignes une allusion au vin. En effet, il s’adresse à son lecteur par les qualificatifs de « buveurs illustres ». Par cette création d’un lecteur idéal, il s’empresse d’exclure de son lectorat, tout ceux qui ne boirait pas, les désignant par « aultres », à qui le roman n’est pas adressé.

        Ce début n’est pas innocent, puisqu’en plus de faire de « beuveur » le premier mot de son roman et donc de placer la thématique du vin comme au cœur de son œuvre, car c’est bien de cet alcool dont il sera question tout au sein de Gargantua, Rabelais fait du vin un impératif à la lecture, voire même un outil.

        Sans le vin, l’on ne saurait accomplir une qualité de lecteur idéal, on ne saurait comprendre. C’est cette métaphore qu’il file par la suite avec l’idée d’une silène, comme quelque chose à creuser.

                                                → La boisson semble donc dès le début, être une                                                 clé de         compréhension et l’auteur insiste largement                                                 dessus avec cette liaison avec son lecteur.

        

        En condamnant la sobriété et ainsi en rejetant la figure du lecteur sobre, Rabelais présuppose une capacité de la boisson à parer un manque de raison, propre à la rigidité abstinente.         

        Déboucher la bouteille, c’est briser l’os pour en sucer la substantifique moelle, parer au manque du vide sec. Boire, c’est l’impératif premier à un art de lire. La sécheresse ici, c’est celle d’une lecture passive, incapable de comprendre l’ambivalence du texte : « si je ne bois, je suis à sec ». Celui qui ne boit pas est tout simplement invité à refermer le livre car il ne peut pas faire tomber les barrières pour atteindre une vérité

                                                → Rabelais parvient ainsi à déclamer une                                                         véritable éthique de la vie qui prône l'adoption                                                         d'une consommation de vin, érigée en vertu.

B) Le vin comme esthétique littéraire au sein du roman, la création d’un lieu commun.

        L'esthétique littéraire par le biais du vin est visible par une exhibition volontaire du désordre dans le livre à travers des digressions très longues du narrateur. Lorsque l'on boit en effet, l'on divague et la pensée est confuse : ici l'intention d'écriture de Rabelais transparaît sur la mise en forme (notamment au chapitre 5).

                                                → Cette impression chaotique de graphie n'est en                                                 fait qu'un leurre : le livre fait l'objet d'une véritable                                                 architecture textuelle.

        Rabelais lui-même contribue à propager le lieu commun d'une création littéraire favorisée par l'euphorie éthylique. Il se place en effet dans la tradition du poète inspiré à travers le motif de l'ivresse : c'est l'écrivain de la facilité, de l'improvisation et de l'inspiration. Si on le critique parce que ses livres sentent le vin plus que l'huile de la lampe de son bureau, il fait croire qu'il écrit en buvant, « le plus friand de ces deux liquides » (prologue) comparé à l'écrivain de l'huile avec comme référence l'orateur Démosthènes (l’exemple même de l'orateur qui s'est formé essentiellement par le travail puant l'huile passant ses nuits à travailler à l'ombre de la lampe à l'huile).

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