Ecriture D'invention Monsieur Ling

Je me retrouve là. Au milieu de ce bateau bondé, les gens y sont tous perdus, comme moi. Je n'ai en tête depuis mon départ que mon fameux petit village. Mon petit village que j'adorais tant... A l'époque, avant cette monstrueuse guerre on y vivait heureux, ma famille et moi. Ma femme était alors épanouie, et faisait le bonheur autour d'elle. Elle éduqua notre fille et fit d'elle une personne dotée d'incroyable qualité. Je parle d'elles au passé, et c'est de loin ce qui fait le plus mal. Tous ces anciens souvenirs me rongent depuis notre départ. Je ne sais pas si ma vie pourra reprendre son cour, mais je me le dois. J'ai pu emporté avec moi ce pauvre petit enfant, nouveau-née, âgée de six semaines à peine et maintenant orpheline. Ce pauvre petit être ne connaîtra jamais sa mère, et ne peut désormais que compter sur moi, son pauvre grand-père.

Arrivés, nous nous précipiterons vers un abri. Je ne connais pas la vie là-bas, parait-il qu'ils ne séparent pas les familles d'innocents... Je n'ai jamais voyagé, mais là, j'en suis contrains, poussé dans ce bateau pour quitter les bombardements. Mon pays me manque. Mon pays d'avant me manque. Je me retrouve tard le soir à parcourir l'horizon, à la recherche d'une petite lueur d'espoir m'indiquant que tout cela sera bientôt fini. Mais ma vie est désormais bien derrière moi. La guerre a tout emporté, mon bonheur, ma famille, mes amis. Comment vivre maintenant ? Les affreuses images défiles dans ma tête. Quand tous ces souvenirs remontent je me pose et regarde cet enfant demeurant dans mes bras, Sang Diu. Par sa douceur, elle me rappelle sa mère. J'aime quand elle se blottit contre moi, elle s'y repose toute la journée. C'est de ses yeux innocents que mon espoir renaît.

Je suis dorénavant un pauvre homme meurtri de l'intérieur, rongé par l'horreur de ses souvenirs. J'essaye de garder mes pieds à terre dans ce monde qui s'écroule. Je me retrouve seul face à cette photo abîmée et jaunie, comme repère. Elle est vieille, mais belle, on y voit mon enfant, heureuse, accompagnée de sa mère dans notre ancienne campagne. La joie s'échappe de cette photo et me coupe le souffle, elle me replonge dans cette ancienne vie, maintenant aboutie. Ce sourire j'espère le revoir sur le visage de Sang Diu, et j'espère parvenir à le lui fournir. L'idée de son bonheur m'aide à garder espoir, garder l'envie de me battre pour l'enfant de mes gênes.

Aujourd'hui je suis et demeure inconnu au reste du monde, j'ai sauvé cet enfant qui ne me reconnaît pas. Je la sers contre moi quand tout m'entraîne à aller mal, elle ne comprends pas dans quelle horreur elle va devoir grandir. Je devrais alors lui raconter, le traumatisme, la tristesse qu'a enchaîné la guerre. La perte de notre famille, et comment nous arrivons à vivre loin de notre pays, loin des nôtres. Nous devrons être forts, soudés. A elle seule, elle se trouve être ma lueur d'espoir et ma seule et dernière envie de vivre. Car malgré ma présence, mes mots, je suis mort avec les miens, et je navigue tel un fantôme vers un pays qui n'est pas le mien. Un pays qui ne nous attends pas.

J'ai peur de me tromper, d'emmener cet enfant dans un endroit dangereux. Mais ce matin là,

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