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Critique Diop, Frère d'âme

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Par   •  4 Juin 2019  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 883 Mots (8 Pages)  •  1 006 Vues

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LA COMMUNICATION NON-VERBALE DANS FRÈRE D’ÂME : LE REGARD

MARÍA TELLERÍA SEOANE

DIOP, David, Frère d’âme, Éditions du Seuil, 2018

Frère d’âme, le deuxième roman de David Diop, a su attirer l’attention du publique et de la critique aussi bien française que mondiale. Sélectionné pour le prix Fémina, finaliste du prix Goncourt 2019 et vainqueur du Prix Goncourt : Le Choix de l’Espagne 2019, entre autres, cette histoire de guerre, amitié et souvenirs d’enfance ne nous a pas laissés indifférents.

Grâce au style narratif et à la manière de raconter l’histoire, David Diop nous fait pénétrer dans l’histoire d’Alfa : un soldat sénégalais qui lutte pendant la Première Guerre Mondiale et qui subit la morte de Mademba : « Ah ! Mademba Diop, mon plus que frère, a mis trop de temps à mourir[1] ». La guerre apparait dans un premier plan, mais avec la mort de Mademba, elle commence à s’écarter pour nous laisser pénétrer dans la guerre interne qu’Alfa livre toujours. Dès le début du roman, on parait entendre les pensées du personnage principal et en raison d’un narrateur en première personne, d’un style narratif simple et très répétitif, en nous rappelant parfois le chant africain, le lecteur se retrouve plongé dans un monde de tranchées, d’hommes « plus que frères » et de leurs confidences et leurs peurs. En plus, la lecture rapide et agréable fait que le lecteur soit capable d’entrer plus facilement dans le roman. En outre, ce que nous allons traiter ici comme point fort du roman c’est la « non-communication », vue comme le langage du corps et comme toute conversation qui ne repose pas dans des échanges de parole mais dans les gestes, les expressions faciales, etc. Il faut souligner qu’Alfa est un jeune sénégalais qui ne parle pas le français ni le comprend non plus. Alors, c’est formidable comment il traduit les yeux et les regards des différents personnages.

Alfa, représentant de la force et du corps mais parfois aussi de l’audace et de la vivacité, il n’a appris que sa langue d’origine, même s’il est en train de lutter pour la France : « la patrie ». Bien qu’il ne comprend rien de français, il aborde la communication, en grande partie, à travers le regard. Il lit le regard comme un livre ouvert : « je l’ai lu dans leurs yeux[2] ». À la guerre, il voit la peur de l’ennemi dans ses yeux et c’est ce regard terrifié qui le touche et qui le fait être plus humain. C’est à travers ce qu’il voit dans le regard d’autrui qu’il nous raconte ses pensées à lui et sa conception de la guerre d’une manière très descriptive.

« Je suis libre d’imaginer ce que pense l’ennemi d’en face parce que je sais, j’ai compris. En observant les yeux bleus de l’ennemi, je vois souvent la peur panique de la mort, de la sauvagerie, du viol, de l’anthropophagie. Je vois dans ses yeux ce qu’on lui a dit de moi et ce qu’il a cru sans m’avoir rencontré auparavant [3]».

Les ennemis sont décrits et reconnus par ses yeux bleus : traits très caractéristiques des soldats allemands. La peur apparait souvent dans les yeux des soldats qui vont être tués par Alfa et aussi comme symbole de la mort, puisque peu à peu, ils vont s’éteindre à jamais : « Les yeux bleus de l’ennemi d’en face s’éteignent définitivement[4] ». Ils sont la traduction du désespoir, de la peur, mais aussi de la pitié : ils demandent de mourir rapidement, sans beaucoup de souffrance et c’est pour cela que aussi bien que les soldats avec ses yeux bleus, Mademba implore Alfa, pas seulement avec les mots mais aussi avec le regard, de le tuer : « Je le lis dans ses yeux bleus comme je l’ai lu dans les yeux noirs de Mademba Diop, l’espoir que j’abrégerai ses souffrances[5] ». Pas seulement les ennemis avouent leur respect ou leur peur à Alfa, mais aussi ses camarades de tranchées dont, après plusieurs mains coupées et la mort de Jean-Baptiste, commencent à éviter son regard en pensant qu’ils vont regarder la mort aux yeux :

« Certains, juste avant de sortir en hurlant des entrailles chaudes de la terre, évitaient même de me voir, de poser leurs yeux sur moi, de m’effleurer du regard, comme si me regarder c’était toucher avec les yeux le visage, les bras, les mains, le dos, les oreilles, les jambes de la mort.

Comme si me regarder c’était déjà mourir [6]».

La communication a lieu quand les regards se croisent mais aussi quand les yeux s’évitent, c’est à travers la vue qu’on est capable « d’entendre » la vérité des autres. Quand Alfa regarde dans le blanc des yeux des soldats amis et ennemis, il est capable de lire la peur à la mort, l’envie de vivre et de finir cette guerre où personne n’est vainqueure. Mais le fait d’éviter les yeux d’Alfa transmet aussi un message de peur, de honte et de haine. La peur à un homme différent, qui réfléchit, qui est « fou » et qui cherche la vengeance à cause de la mort de son « plus que frère », fait que les autres soldats le rejettent et que finalement le haïssent. Cette haine menée par la peur et la méfiance de l’inconnu, sont les instigateurs qui surnomment Alfa « dëmm » : « Donc, je ne suis pas un dëmm, un dévoreur d’âmes. Ça, ce sont ceux qui ont peur de moi qui le pensent. Je ne suis pas non plus un sauvage. Ça, ce sont mes chefs toubabs et mes ennemis aux yeux bleus qui le pensent[7] ». Esquiver le contact visuel est aussi une manière de l’ignorer et de le faire devenir invisible. Ses camarades de tranchée, après la mort de Jean-Baptiste, se sont éloignés de lui, pour crainte d’être les suivants. La guerre fait que les soldats croient à n’importe quelle chose ou qu’ils signalent à un individu comme la cause de leurs malheurs. Donc, ils étaient tellement superstitieux, qu’ils cessent de regarder Alfa pour ne pas mourir, comme si ses yeux étaient l’entrée à l’enfer, à une mort assurée.  

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