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Commentaire D'arrêt : Cass. Civ. 1ère, 22 févr.1978 (arrêt Poussin): la nullité du contrat

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Par   •  4 Avril 2013  •  3 204 Mots (13 Pages)  •  6 094 Vues

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Commentaire d’arrêt : Cass. Civ. 1ère, 22 févr.1978 (arrêt Poussin).

Comme l’a dit Malinvaud, la toile de Poussin a «fait couler plus d’encre que de peinture »…

Les époux Saint-Arroman, ont chargé un commissaire priseur de la vente d’un tableau attribué par un expert à «l’école des Carrache ». Après la vente aux enchères publiques, ce dernier a été vendu et la réunion des musées nationaux a ensuite fait jouer son droit de préemption et a présenté cette toile comme étant une authentique toile de Poussin. Les époux Saint-Arroman ont demandé la nullité de la vente pour erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue ; Ils ont tout d’abord saisi le TGI de Paris qui leur a donné gain de cause, mais la réunion des musées a interjeté appel ce qui a été accueilli favorablement par la cour de Paris. L’arrêt que nous allons étudier constitue le pourvoi en cassation des époux Saint-Arroman. Par la suite, l’affaire se trouvera dans les mains d’autres juridictions judiciaires pour finalement être tranchée en 1987 par la Cour d’appel de Versailles qui a admis la nullité de la vente.

Une erreur est une conviction ou une croyance qui n’est pas conforme à la réalité ; par cette définition, quelle est la portée que l’on doit accorder à une erreur ? L’erreur d’un contractant suppose-t-elle la nullité du contrat ou n’aboutit-elle jamais à rendre un contrat nul ? La jurisprudence et le code civil ont mis en place un système qui concilie ces deux thèses, à savoir la stabilité juridique, source d’une bonne économie, et la justice contractuelle.

L’affaire du « Poussin » en est une excellente illustration ; Elle soulève le problème de l’erreur en tant que vice du consentement (I) et malgré le fait que cet arrêt ne soit ni un arrêt de principe, ni la base d’un revirement, son apport est considérable (II).

I LE PROBLEME DE DROIT SOULEVE PAR L’ARRET : L’ERREUR

Le problème de droit mis en valeur dans cet arrêt concerne l’erreur ; le consentement ne crée pas de contrat quand un vice est venu altérer cette volonté. L’erreur peut être source d’un vice du consentement. En l’espèce, quels caractères revêt l’erreur des époux Saint-Arroman (A), peut-elle être considérée comme portant sur la substance( , condition essentielle à la nullité du contrat ?

(A) L’erreur «indirecte » des époux Saint-Arroman

1) l’erreur déterminante et excusable

L’erreur, peut être considérée comme étant un vice du consentement, comme l’exprime l’article 1109 du code civil, ainsi, «il n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur... ». Pour que l’erreur soit considérée comme telle, il faut qu’elle soit déterminante et excusable.

En l’espèce l’erreur commise par les époux a été déterminante : c’est parce qu’ils ont commis cette erreur, qu’ils ont voulu contracter. Croyant que le tableau n’était guère un Poussin et qu’il était l’œuvre de l’école des Carrache, les époux ont voulu vendre ce tableau. S’ils avaient eu un quelconque doute sur l’authenticité du tableau, ils n’auraient sans doute pas voulu s’en séparer : Ils ont cru à tort que le tableau n’était pas authentique et c’est pourquoi ils ont manifesté leur intention de le vendre.

De même en l’espèce, malgré la négligence des époux de n’avoir «pas demandé la moindre explication complémentaire » comme a pu le soutenir la Cour d’Appel de Paris, l’erreur des Saint-Arroman est excusable : Il ne peut être reproché «aux profanes qu’ils étaient de s’être rangés à l’opinion péremptoire émise par M. Lebel, expert réputé, et entérinée par M. Rheims, commissaire-priseur de grand renom ». En d’autres termes le couple qui ne semblait pas avoir de connaissances particulières en matière d’art avait pris la précaution de consulter un expert et avait toute confiance en son verdict étant donné sa qualification donc on ne peut qualifier leur erreur d’inexcusable. La seule erreur inexcusable que l’on peut déceler dans l’affaire Poussin est celle commise conjointement par l’expert et par le commissaire-priseur qui ont commis une véritable faute professionnelle en ne décelant pas l’authenticité de l’œuvre.

2) L’erreur s’apprécie au moment de la conclusion du contrat et peut être invoquée par le vendeur sur sa propre prestation

C’est bien évidemment au jour de la conclusion du contrat que doit être prise en considération la conviction de l’erreur. En l’espèce, au jour de la vente du tableau, les époux Saint-Arroman n’avaient aucun doute : Le tableau n’était pas un Poussin. La cour d’appel de Versailles refuse de tenir compte du fait que les époux avaient reconnu dans leurs écritures qu’une tradition familiale ancienne attribuait l’œuvre litigieuse à Nicolas Poussin. Seule compte « la conviction au moment de la vente ». Or celle-ci résulte des indications figurant au catalogue, lesquelles ne contiennent «aucune allusion à l’existence d’une attribution possible de l’œuvre à Nicolas Poussin ». Bien que pour se prononcer sur l’existence d’un vice du consentement au moment de la formation du contrat, les juges du fond peuvent faire état d’éléments d’appréciation postérieure à cette date selon un jugement du 13 décembre 1994. Afin de savoir s’il y a ou non erreur, il faut donc confronter la conviction du contractant au jour du contrat, en l’espèce le tableau n’est pas un Poussin, à l’attribution qui prévaut au jour ou le juge statue, dans ce cas-là l’œuvre est peut être un Poussin. Mais une telle solution comporte de grands dangers pour le marché des œuvres d’art, car leur attribution reste dans la majorité des cas sujette à discussion, ce qui ruine inévitablement la sécurité juridique, si on admet que des ventes peuvent être remises en cause au prétexte d’une découverte qui permet de dissiper le mystère qui planait quant à l’authenticité de l’œuvre.

De même le couple vendeur peut évoquer l’erreur sur sa propre prestation bien qu’en général, l’erreur du contrat porte non sur sa propre prestation, mais sur la prestation reçue de son partenaire. Dans le cas des œuvres d’art, l’erreur la plus souvent alléguée est celle de l’acheteur qui croyait acquérir un tableau authentique. Le TGI de Paris dans cette affaire se conforme à l’opinion dominante en affirmant que «l’erreur sur la

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