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Analyse Philosophique De L'oeuvre Shakespearienne

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Par   •  6 Décembre 2013  •  2 845 Mots (12 Pages)  •  816 Vues

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Introduction

Le plus grand poète, le plus grand dramaturge de l'Angleterre, William Shakespeare, reste encore pour nous une figure assez mystérieuse ou tout du moins bien peu connue. Il serait issu de la bourgeoisie de Stratford-upon-Avon, une situation confortable qui lui permet d'étudier pendant quelques années avant un mariage précipité et une mystérieuse disparition à 56 ans. Il reste toutefois dans cette biographie trop brève d'étranges lacunes : nous ne savons à peu près rien de l'éducation et de la religion de cet homme, aucun de ses portraits ne semble authentique, les rares signatures que nous avons de lui ne possèdent pas la même graphie, les manuscrits de ses pièces restent introuvables...

Et l'on est confondu à l'idée que ce petit bourgeois de province ait pu écrire les chefs-d’œuvre qui nous restent. A tel point que depuis près d'un siècle, un certain nombre de curieux, de fantaisistes et même d'érudits contestent que l’œuvre de Shakespeare ait pu être écrite par l'homme dont on vient de lire l'esquisse biographique. Ces chercheurs, se fondant sur des documents peu fiables ou des hypothèses d'une extrême fragilité, affirment que l’œuvre de Shakespeare fut écrite selon le cas (les candidats à la gloire shakespearienne varient souvent) par tel ou tel personnage de l'époque élisabéthaine, voire par la reine elle-même, quand ce n'est pas par un « atelier » Shakespeare, sorte d'auteur collectif qui aurait produit l’œuvre en « collaboration »...

Mais il est vrai que l'auteur voit le jour à une époque balbutiante, désorientée par la soudaine perte de ceux de ses repères qu'elle considérait comme immuables ; une époque où les dirigeants, dans l'espoir de maintenir un semblant d'ordre (quand ils ne nourrissent pas les vieilles antagonies entre familles), mettent une application rare à pourchasser et châtier par les flammes les perturbateurs. Et, dans le secret de ses méditations, ces temps d'inquiétude marqués par la quête du sens inspirent à Shakespeare des pensées que le pouvoir fragilisé de l'époque n'aurait pu que considérer comme dangereuses. Cette philosophie si avant-gardiste, il n'hésite pas à en nourrir implicitement ses pièces dont les intrigues si riches et réalistes deviennent rapidement l'unique référentiel d'une population avide de réalités. Serait-t-il alors possible que le dramaturge ait mis tant d'application à effacer ses traces car, parfaitement conscient de ce qu'il transmettait, il voulait échapper au sort que les gardiens de l'ordre ancien réservaient aux « perturbateurs » ?

Afin de comprendre en quoi la philosophie que William Shakespeare transmet au travers de son œuvre théâtrale aurait pu constituer un risque pour son auteur et ainsi le pousser à camoufler son identité, nous tenterons d'analyser cette pensée en la replaçant dans son contexte moral et historique.

1. Critique du pouvoir

Les tensions qui font jour en Angleterre à la Renaissance fissuraient depuis longtemps déjà la difficile alliance des valeurs chrétiennes et du machiavélisme politique hérité du monde antique. En Europe, les princes et les factions font généreusement couler le sang au mépris des commandements de la Bible que tous, réformés ou « papistes », devraient reconnaître comme la pierre d'angle de leur foi chrétienne. La tragédie de vengeance shakespearienne s'inscrivait donc dans un contexte historique où la paix se faisait rare et précieuse ; ainsi, le dramaturge devint un observateur, parfois critique mais toujours partisan de la Paix, des conflits qui ravagent l'Angleterre.

Il est possible d'interpréter certaines des pièces de William Shakespeare comme des contes politiques, des avertissements à l'usage des monarques Elizabeth et son fils, Jacques 1er. Shakespeare démontre ainsi dans Jules César que l'exercice du pouvoir, surtout lorsqu'il est accompagné d'une volonté trop confiante d'amener la paix, conduit inexorablement à la perte du dirigeant et à la tyrannie, voire même à la guerre civile : Brutus, poussé par son anxiété de faire le bien du peuple, va tuer le dictateur César mais sera à son tour élevé au rang de despote par une population belligérante réclamant un nouveau chef. La guerre civile qu'entraînera son arrivée au pouvoir et sa défaite face à Marc-Antoine et Octave, feront grandir tour-à-tour ses sentiments d'échec, de lassitude et d'impuissance jusqu'à le pousser vers la seule issue qui s'impose à lui, le suicide : (acte V, scène 5) « BRUTUS : my bones would rest, that have but labour'd to attain this desperate hour », (« BRUTUS :mes os voudraient se reposer d'avoir tant peiné, uniquement pour atteindre cette heure »).

Mais si Jules César peut être compris comme une réflexion universelle sur les risques de l'exercice du pouvoir, Le Roi Lear et son intrigue reposant sur la problématique de la succession, sont ouvertement un écho de la situation politique et personnelle dans laquelle se trouva Jacques 1er, le fils d'Elisabeth lors de son accession au pouvoir - soucieux de préserver l’unité de l’Angleterre et de l’Écosse sur laquelle il régnait avant de succéder à sa mère - ; en filigrane duquel on trouve un avertissement le prévenant contre les dangers de la dislocation. Et si, dans Le Roi Lear, la mise en garde politique est évidente, la critique de l'absolutisme du régime de Jacques 1er est plus subtile. Ce qui perd Lear dans la pièce est le même orgueil de monarque absolutiste que celui qui était attribué à Jacques 1er. Cet orgueil et cette vanité formidables le pousseront à encourager la flatterie au détriment de la sincérité : Lear soudoie ses filles, il exige un amour factice et fait de rhétorique en échange d’un tiers de son royaume, et vers la fin de la pièce, lorsque Lear et Cordelia sont de nouveau ensemble et qu'il a enfin appris à reconnaître et apprécier le don d'un amour venu d'un cœur spontané, rattrapé par sa haine et sa cruauté, il doit affronter les dramatiques conséquences de ses propres crimes.

Les autres références à l’histoire politique de son époque présentes dans l’œuvre théâtrale de Shakespeare sont celles de Richard III et de Roméo & Juliette. Dans Roméo & Juliette, l’intrigue reposant sur le conflit ancestral meurtrier régnant entre deux familles de la noblesse, est une critique ouverte de la lutte fratricide de la Guerre des Deux Roses (1455-1485). Et si, dans cette tragédie, Shakespeare se présente

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