A quels objectifs répond l’invention de la lettre testament de Chabannes à Madame de Montpensier?

A quels objectifs répond l’invention de la lettre testament de Chabannes à Madame de Montpensier?

L’adaptation cinématographique de La Princesse de Montpensier, nouvelle écrite par Madame de la Fayette, par Bertrand Tavernier, comprend en ses séquences finales un élément percutant: une lettre faite par Chabannes et destinée à la Princesse de Montpensier. La rédaction de cette lettre d’adieu se déroule après la retraite de Chabannes en province. Celle-ci, déclenchée par l’exclusion du Comte de Chabannes par le Prince de Montpensier lorsqu'il le surprend dans la chambre de la PrincesseCet ajout figure de manière dissemblable dans la nouvelle. En effet, la nouvelle comporte une lettre d’adieu mais ne l’évoque que très brièvement, et ne provoque pas le même schéma de narration qui s’en suit. Le cinéaste Bertrand Tavernier choisit de développer le dispositif de la lettre en lui conférant plusieurs sens et fonctions. Cet ajout pose alors la question: en quoi le dispositif de la lettre testament de Chabannes à Madame de Montpensier est une liberté prise par le cinéaste Bertrand Tavernier, qui permet ’ouvrir au récit de nouvelles dimensions par rapport à la nouvelle qui présente une vision plus classique? C’est dans son apport dramatique au niveau de la mise en scène, son rôle fondamental dans l'organisation et le sens des dernières scènes, et dans la profondeur qu’elle procure au Comte en lui admettant la possibilité d’une nouvelle fin et le titre de savant universel, que la lettre se révèle significative et percutante.

Dans le film, la lettre de Chabannes s’inscrit dans une optique dramatique tout d’abord dans le resserrement de l’action qu’elle produit. En effet, le temps semble s'écouler de façon rapide: les événements défilent successivement: Chabannes rédige la lettre, meurt au sein d’un conflit armé, le Prince découvre sa dépouille puis sa lettre, il rejoint sa Princesse au château pour déposer la lettre de Chabannes en guise de son pardon et la Princesse rejoint son amant de Guise pour découvrir sa trahison. En ce dénouement tragique, il en découle une impression d’unité, un déroulement d’action effectuant une logique à part entière due au montage et à la voix hors champs de Chabannes qui récite la lettre d’un ton grave et solennelle. Cependant certains éléments indiquent qu’un certain temps s’est écoulé depuis l’écriture de la lettre de Chabannes, notamment les variations climatiques, les changements de costumes et les changements physiques de la Princesse qui, selon le Prince, semble s'être ‘amaigrie’. Cette unification rend compte d’un résultat dense et vif et confère aux dernières séquences du film de Tavernier une teinte dramatique comme si le temps s’échappait avec une certaine fatalité. La fragmentation orale de la lettre permet d’accompagner les scènes finales de paroles prononcées par Chabannes: elle recentre l’action tout en lui permettant de progresser pour dresser une conclusion.

Cette perspective envisagée par Bertrand Tavernier a pour objectif de souligner la fluidité narratrice de la nouvelle, grandement admirée par le cinéaste. Il est en effet frappé par “le sens de la progression dramatique qui porte l’écriture” dans la nouvelle. Surement, la lettre se montre pour Tavernier comme un outil à la fois dramatique et stratégique pour se rapprocher du schéma de l’écrivaine en se dénouant “d’artifices habituels” et ne livrer que l’essentiel. Cet approche démontre donc l’un des objectifs de la lettre qui est de guider le film à sa fin de manière conclusive.

Mais en plus d’apporter une conclusion au film la lettre apporte une véritable dimension dramatique qui est moins exploitée dans la nouvelle. L’écrivaine rapporte des faits dans toute leur véracité et sans réelle volonté de les déformer dans le but de rester dans une justesse qui caractérise ses oeuvres et son appartenance au mouvement de la préciosité. Cette teinte dramatique ajoutée par le metteur en scène, est notamment illustrée par la manière dont le cinéaste orchestre la scène de la découverte de la lettre sur la dépouille du Comte.

En effet, lorsqu'elle est saisie par le prince de Montpensier, un gros plan s’effectue sur la lettre tachetée de sang. Ce gros plan rend compte de toute l’importance de la lettre et le sang, de l’aspect tragique et du poids de la violence guerrière sur le destin des personnages. Aussi, l’emplacement de la lettre que le Comte porte sur sa poitrine (non loin du coeur) illustre certainement

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