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La dénonciation de l'obsession des apparences et les ambitions carriéristes dans l'oeuvre de La Bruyère

Dissertation : La dénonciation de l'obsession des apparences et les ambitions carriéristes dans l'oeuvre de La Bruyère. Recherche parmi 302 000+ dissertations

Par   •  31 Mai 2025  •  Dissertation  •  2 123 Mots (9 Pages)  •  24 Vues

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Dissertation

Depuis l'Antiquité, le théâtre est régulièrement utilisé comme une métaphore évocatrice de la vie des hommes et des rapports sociaux en général. En Angleterre, à la fin du xvi° siècle, William Shakespeare affirmait ainsi, par la voix d'un personnage du Marchand de Venise : « Je tiens ce monde pour ce qu'il est : un théâtre où chacun doit jouer son rôle. » Cette conception dramaturgique du monde est présente dans Les Caractères de La Bruyère, qui s'en empare pour décrire la société du XVIIe° siècle. Qu'emprunte La Bruyère au genre théâtral pour décrire la société de son temps et pour en dénoncer l'obsession des apparences et les ambitions carriéristes ? Nous verrons dans un premier temps que la société décrite par le modèle moraliste est passionnée de divertissement et de spectacle, puis qu’elle se fait elle-même actrice d'une véritable comédie sociale. Pour terminer, nous montrerons que La Bruyère, dans Les Caractères, se fait metteur en scène pour mieux délivrer ses leçons au lecteur.

Dans ses fragments, La Bruyère dépeint un univers théâtral qui prend vie à la Cour. Chaque personnage y joue son propre rôle, mettant en scène sa richesse et sa fortune dans une société façonnée par l’artifice et la superficialité. L’auteur met en évidence le rôle prédominant du théâtre qui, d’une manière singulière, aide le roi à contrôler la Cour en les distrayant des problèmes liés à la monarchie absolue. On pourrait même dire qu’il s’agit d’une sorte de surenchère. À travers ses portraits et ses maximes, La Bruyère cherche à amuser le lecteur en critiquant et en se moquant de la Cour, non pas de manière agressive, mais dans le but de les éduquer et de les corriger. Cela renvoie parfaitement au théâtre satirique, illustré par ses portraits contradictoires de l’honnête homme. Tout est spectacle et destiné à être vu : « L’on se donne à Paris (…) pour se regarder au visage et se désapprouver les uns les autres » (VIl, remarque 1). La Bruyère va même jusqu’à décrire un « spectateur de profession » (VIl, remarque 13) qui passe sa vie à fréquenter la Cour et la ville pour voir et être vu. La critique de La Bruyère ne vise pas tant les hommes qui jouent dans la comédie du monde, mais plutôt ceux qui observent la comédie sociale sans y réfléchir ni en tirer de leçons.

La Bruyère souligne l’importance du rire dans la société, le considérant comme un remède efficace pour l’homme opprimé, transcendant les contraintes de la morale et de la politique. Il insiste sur l’idée qu’il faut « rire avant que d’être heureux, de peur de mourir sans avoir ri. » La société qu’il décrit est constamment en représentation, vivant une sorte de comédie. Cette comédie a un double objectif : distraire et faire réfléchir, comme le suggère la formule “Castigat ridendo mores”, qui signifie “on corrige les coutumes par le rire”. Le rire peut être vu sous deux angles. D’une part, s’il est sincère, il est libérateur : l’honnête homme, qui n’est pas dupe de la comédie, s’en amuse. D’autre part, le rire peut devenir un masque, utilisé pour cacher ses sentiments et attaquer les autres. La Cour est un lieu de lutte constante pour se faire valoir et dénigrer les autres. En conséquence, le divertissement peut être considéré comme le point central de tous les événements, le rire étant un moyen d’ascension sociale.

Dans ce contexte, La Bruyère s'adresse à un lecteur "idéal" qui observe le ridicule des personnages. Chacun cherche à se faire bien voir et à approcher le roi, et le seul moyen d'y parvenir est de se faire remarquer. Il rend toutes ces situations ridicules et comiques à travers ses portraits satiriques. Le roi est l'épicentre de tous les événements, ce qui renforce son égocentrisme et son besoin d'attention. La présentation du roi dans un rituel religieux est faite dans une tonalité presque naïve que l'on perçoit d'une part à la simplicité du vocabulaire, d'autre part au souci de précision : "les grands de la nation... faces élevées vers le roi". La simple juxtaposition des remarques, l'insistance sur les apparences donnent une fausse importance propre à l'approche habituelle des courtisans. En essayant de faire passer pour insolite ce qui est habituel, La Bruyère souligne les ridicules et les outrances de comportements absurdes.

Ainsi, les membres de la société décrite par La Bruyère, tout en étant avide de divertissement, prennent également part à la comédie sociale qui se joue.

Dans cet axe nous allons voir comment La Bruyère met en scène une société actrice d'une comédie sociale. En analysant la teneur satirique des métaphores du comédien puis comment l'auteur s'empare du theatrum mundi et enfin comment il dénonce l'hypocrisie des courtisans au travers d'un comportement d'automate.

Il ne faut pas s'attendre à une description réaliste des personnages que La Bruyère met en scène. En effet, les caractères se présentent plutôt comme une série de "types", comme Giton dans le Livre VI fragment 83, un homme vaniteux que La Bruyère oppose à Phédon. Entre autres, Giton est une caricature, de même que Pamphile, qui adapte son comportement à la situation sociale de la personne qu'il rencontre et au regard qui lui est porté. Ainsi, nous n'avons pas affaire à de simples acteurs de la comédie sociale. La finesse de La Bruyère réside dans sa capacité à créer des archétypes qui reflètent les travers et les ridicules de la société de son époque, offrant ainsi une analyse profonde et perspicace des comportements humains. Chaque personnage devient une sorte de miroir déformant, révélant les contradictions et les faiblesses de la nature humaine. En ce sens, son œuvre dépasse la simple représentation des individus pour offrir une réflexion plus large sur la condition humaine et la société dans laquelle elle s'inscrit.

Le theatrum mundi établit un parallèle entre le jeu théâtral et la vie en société. Ce concept transparaît de manière ubiquitaire dans l'ensemble des "Caractères" de La Bruyère. Par exemple, dans le portrait de Theodote Livre VIII, fragment 61, on peut remarquer l'utilisation du champ lexical du théâtre avec des termes tels que "mise en scène",

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