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Commentaire de la scène 11 acte 2 - Le Jeu de l'amour et du hasard de Marivaux

Commentaire de texte : Commentaire de la scène 11 acte 2 - Le Jeu de l'amour et du hasard de Marivaux. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  14 Mars 2023  •  Commentaire de texte  •  1 605 Mots (7 Pages)  •  2 794 Vues

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          Cette scène, qui est la plus longue de l’acte II, montrent en amont Mario et Monsieur Orgon qui observent la scène d’amour qui se déroule entre Dorante et Silvia, tous deux déguisés en valets. Dorante, qui se fait appeler Bourguignon et qui croit aimer une servante, est vu au pied de Silvia pour lui avouer son amour. Suite à cela, Mario et Silvia, qui font mine de ne rien savoir de l’identité de Bourguignon, malmènent Silvia et tentent de lui faire avouer son amour pour Dorante (qu’elle croit être Bourguignon). C’est ici une scène capitale, dans laquelle l’amour des deux personnages est dévoilé et qui donne toute son importance à la question centrale et infranchissable : peut-on aimer hors de sa condition ? Silvia, déconcerté par les pièges tendus par son père et son frère, se montre incapable de les déjouer.

Problématique : En quoi cette scène est-elle une scène de marivaudage ? 

I – La provocation de Mario déroute Silvia (ligne 1 à ligne 9 : « Avez-vous des visions »)

  • Dès la première réplique en ligne 1, Mario provoque sa sœur en employant le terme péjoratif « babillard » (qui veut dire bavard, beau parleur) pour évoquer celui qui vient de lui faire une déclaration et qu’il sait être l’homme qu’elle aime (Bourguignon). Il la pousse à réagir en prenant sa défense, pour qu’elle avoue son attachement improbable.
  • Le pronom exclamatif « Quoi ! », qui introduit la réplique, vient appuyer la provocation, dans le but de piquer au vif Silvia et de la faire réagir.
  • L’adjectif « dégoutée », qui nomme la sensation de dégout que Silvia ressent pour le faux Dorante (mais qu’elle croit être le vrai) cherche également à provoquer : elle sait que son père veut qu’elle épouse Dorante (c’est l’époux qu’il lui a choisi et l’époque oblige les filles à respecter leur père). En utilisant un mot émotionnellement marqué, il veut voir sa sœur avouer ses vrais sentiments.
  • La didascalie « avec feu » ligne 2 montre tout de suite que Mario parvient en partie à ses fins, puisque sa sœur s’emporte et s’émotionne : elle est touchée par les mots de son frère.
  • La réponse de Silvia est marqué par trois exclamations, insistant sur cette émotion vive.
  • Anaphore du terme « dégoutée » (ligne 2 puis ligne 4) : revient dessus pour nier l’évidence, trahissant évidemment un réel dégout pour le faux Dorante. Elle tente de reprendre les expression déjà utilisées par le frère  pour mieux les démonter utiliser une stratégie de défense qui vise à retourner les arguments de l’adversaire pour les démonter : elle affirme notamment que c’est le « galant Bourguignon » (4) qui en fait la dégoute. C’est ici un mensonge mais tous les moyens sont bons pour Silvia pour cacher son amour pour une personne de rang inférieur.
  • Elles qualifient les propos de son frère par des adjectifs négatifs, appartenant au champ lexical de l’invraisemblance, dans le but de décrédibiliser les soupçons émis par le frère : « expression bien étranges (3), choses inouïes (3), langage inconcevable (3 -4) ».
  • Gradation ascendante en trois temps pour décrédibiliser les doutes exprimés par son frère
  • Mario continue dans la provocation mais change de stratégie : il utilise maintenant les questions rhétoriques pour titiller sa sœur (lignes 6-7) : en effet il connaît exactement les réponses aux questions qu’il pose mais persiste à piéger sa sœur.
  • Il joue d’ailleurs l’innocent sans sa dernière question (« Dans quelle idée nous soupçonnes-tu ? » 7) de manière à donner l’impression que les soupçons ressentis par la sœur son infondés et nés dans son esprit tordu, imaginatif, il la qualifie d’ailleurs elle-même d’ « étrange » (6), ce qui a pour but de la provoquer un peu plus encore.
  • L’échange des répliques crée par Marivaux est en plus ici très serré et il y a de la tension dans le dialogue. Silvia semble dominée car ses répliques sont systématiquement calquées sur les répliques de son frère, des réponses et des défenses aux attaques de son frère. Elle se laisse imposer le rythme et le thème de la discussion et apparaît sur le « qui-vive » (ligne 7).
  • En effet, les questionnements amorcés son repris en imitation par Silvia dans la réplique suivante (ligne 8-9) ainsi que le mot « soupçon » (9) qui reprend le verbe « soupçonner » (7). Elle continue de décrédibiliser les propos de son frère en l’accusant de folie : elle évoque les « visions » (9) qui se cacheraient dans son double discours.
  • Elle réemploie en revanche l’exclamation, dévoilant une fois de plus son emportement et son agacement : elle se sait en faute mais préfère accuser les autres pour éviter d’avoir à s’expliquer davantage. En réalité, en fuyant des explications simples, elle se trahit totalement.
  • Dans ce passage, Silvia est donc dominée et déroutée par son frère. Pour le spectateur, qui connaît le jeu qui se joue, cette scène est jubilatoire et le registre comique est bien présent car la réaction de Silvia prise au piège prête à sourire.

II –Monsieur Orgon utilise une stratégie manipulatrice pour pousser sa fille à avouer son amour pour Dorante (lignes 10 à 24).

  • Après avoir insisté sur son emportement évident « tu es si agitée que je ne te reconnais point non plus » (10), Monsieur Orgon se fait complice du frère.
  • Il reprend ensuite les insinuations de Lisette contre elle (pour la piéger davantage), mine de rien, évoquant cet épisode de façon innocente comme pour trouver une explication cohérente à ce qu’il qualifie de « mouvements » (11) : le comportement excessif et anormal de Silvia. En effet, les accusations de Lisette sont repris au discours direct (lignes 12-13) et prouve de façon évidente une prise de partie de Silvia pour le « galant Bourguignon ». Ces accusations sont camouflées par la polémique autour de l’adjectif « surprise » (13) (mis en évidence par la présence de l’italique), à la fin de la réplique du père, qui, tout en insistant sur ce mot, vise à minimiser la parole de Lisette pour rassurer faussement sa fille et cacher ses intentions (« mais ces gens-là ne savent pas la conséquence d’un mot » 14), simple servante
  • Ici, le père utilise une stratégie de manipulation pour pousser sa fille à l’aveu en la faisant éclater : en prenant les paroles d’une servante plus au sérieux que sa propre fille, qui d’autant plus l’accuse (il veut la rendre folle !)
  • On retrouve évidemment le champ lexical du conflit (« accusait (11-12), colère (13), défendu (13), querellé (14) ») : cette scène s’inscrit d’ailleurs dans la tradition du marivaudage : dans un style léger proche de la conversation mondaine, Marivaux évoque les conflits amoureux et familiaux et le thème des relations tendus entre maître et valets, en créant plein de rebondissements et de sous-entendus.
  • Sur la fin de la réplique, Silvia ne lâche rien et continue dans le même registre : l’embarras et l’étonnement cèdent alors à la colère. Les qualificatifs utilisés pour qualifier Lisette sont insultants et hyperboliques (« L’impertiente ! ligne 15 en emphase, « haïssable » ligne 15). Elle se venge de la trahison de Lisette qui l’a dénoncée
  • Sa dernière réplique est le résultat de la stratégie du père qui a pris un plaisir vicieux à jouer avec les secrets de Silvia, qu’il connaît sans lui dire : les exclamations et les interrogations se succèdent dévoilant une excitation excessive et enragée de Silvia.
  • Utilisation simultanée de l’hypotaxe et de la parataxe dans cette dernière réplique montrant une instabilité du personnage.
  • Hypotaxe marquant une profusion de reproches à faire à ces proches : Silvia se sent acculée et éclate  dans une longue phrase complexe (« parce que, que, que que, dont »), lignes 18-19-20. Puis parataxe marquant une énumération d’énervements contre Lisette avec excès de ponctuation (notamment lignes 20-21 mais jusqu’à la fin de la réplique)
  • Silvia se ridiculise devant tout le monde dans la mesure où elle fait passer sa défense du Bourguignon pour une attitude serviable. Elle utilise le champ lexical de la justice pour se faire passer pour une âme charitable qui prend la défense des valets mal traités, se présentant comme la défenseuse des opprimés, digne représentante de la justice sociale (« équitable (18), qu’on ne nuise à personne (18-19), sauver(19), mon parti (22), défende (22), accuse (23)»)
  • Elle utilise l’impératif (« Instruisez-moi »23) et utilise la victimisation à la fin de la réplique (« Me joue-t-on ? se moque-t-on de moi ? » 24) pour qu’on la prenne en pitié, se sentant harcelée de soupçons déplacés, prouvant en vérité sa honte à aimer un valet. Marivaux s’amuse ici du camouflage de Silvia qui veut rappeler son rang et qui n’ose avouer la vérité dérangeante.

Cette scène met donc en scène des personnages manipulateurs et malins. Les deux personnages masculins, en supériorité numérique, parviennent à dominer Silvia, en proie à ses émotions et qui ne parvient pas à déjouer les pièges tendus.

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