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L'art de la parole

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Par   •  8 Septembre 2023  •  Cours  •  4 978 Mots (20 Pages)  •  95 Vues

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HLP spé

Séquence 1 - L'art de la parole

Partie 3 - Pourquoi parle-t-on ? Les spécificités des contextes historiques, sociaux et institutionnels de la parole

  1. Parole à déchiffrer, parole à populariser

Prendre la parole témoigne toujours d’une volonté de faire lien avec autrui. Cependant, cette démarche de communication présente de nombreuses variantes, liées à son contexte et à ses objectifs. Par exemple, tandis qu’avec la parole oraculaire (cf. La diversité des situations de prise de parole - C Je parle, nous communions ? L’art de la cérémonie), c’est une parole herméneutique qui enrichit le destinataire de la parole, avec la parole vernaculaire, c’est une parole populaire qui l’intègre.

1. Une parole herméneutique : Une invitation au décodage

L’ars interpretendi – herméneutique pour le nom scientifique – connaît un véritable succès dans l’Antiquité et ce dans trois domaines : la jurisprudence, la philologie et la religion. La parole n’est alors pas immédiatement accessible et c’est justement ce mystère qui suscite l’envie de la décrypter.

Dans le domaine religieux, la démarche interprétative s’épanouira tout particulièrement, allant même jusqu’à créer une discipline qui lui est propre : l’exégèse. Ce succès s’explique facilement : la parole divine n’est accessible qu’à ses élus qui la comprennent et la traduisent. Talent réservé à certains, l’herméneutique s’accorde alors parfaitement avec le texte qu’elle décode, lui aussi réservé à ceux qui y croient.

L’approche des philosophes est beaucoup plus méfiante. Pour Platon, l’herméneutique n’est pas un « savoir » ; dans l’Ion, il la considère comme un « don divin », en tout point opposé au logos, qui est lui capital dans le parcours intellectuel de l’Homme. Aristote est moins catégorique mais indique dans son Traité de l’interprétation la nécessité d’effectuer un exercice de distanciation : l’interprétation sera objective ou ne sera pas.

EXERCICE

[pic 1]

Quand Jean de La Fontaine écrit ses Fables, il choisit donc la forme de l’apologue, une forme d’argumentation indirecte. Dans la préface de son recueil qu’il dédie au jeune fils du roi Louis XIV, il affirme : « Je me sers d’animaux pour instruire les hommes ». Et d’ajouter qu’il trace « en ces vers de légères peintures ». C’est donc par le plaisir, par la légèreté qu’il instruit : c’est par le détournement du sérieux qu’il éduque. Toutefois, la cause peut aussi en être beaucoup plus politique, et en cela proche de la pensée de R. Girard. Afin de ne pas s’attirer les foudres du Roi Soleil et de ses courtisans, La Fontaine décrira le lion et sa cour en le donnant visage humain, évitant ainsi de devenir le « bouc émissaire » pour devenir plutôt émissaire du Savoir.

2. Une parole accessible : Une invitation au partage

A l’opposé de la parole énigmatique que nous venons d’aborder, la parole peut se distinguer dans son accessibilité : comprise par tous, parlée par tous, partagée par tous, elle n’en est que plus forte. Paradoxalement, au cœur d’une démarche de transmission, cela ne va pas de soi. Quand la parole simple devient le matériau principal du texte, le locuteur s’en justifie.

Un des précurseurs de cette parole « vulgaire » est Dante Aligheri. En 1306, l’auteur italien décide de rédiger son œuvre monumentale La Divine Comédie non pas en latin mais en italien vernaculaire. Un choix qui pour cet auteur à cette date n’est pas surprenant. Trois ans auparavant, Dante a entamé la rédaction d’un traité au titre significatif, même s’il est encore écrit en latin : De vulgaria eloquentia (De l’éloquence en vulgaire), où il réfléchit à la possibilité de proposer à ses lecteurs une littérature en langue vernaculaire. Il utilise alors la métaphore de la chasse, une chasse à la panthère qui certes s’achève par une défaite – l’animal sauvage échappe à l’Homme – mais où la pensée rationnelle est victorieuse :

[pic 2]

Véritable chimère, la langue vernaculaire compréhensible par tout un chacun n’existe pas mais c’est en faisant communier les différentes langues vulgaires qu’elle deviendra réalité.

En 1305, Dante interrompt la rédaction du De vulgaria eloquentia pour entamer celle du Il Convivio (Le Banquet), cette fois écrit en Italien. Quinze traités sont prévus ; quatre seulement seront achevés. Dans le premier, les chapitres V à XIII sont une justification du choix de l’Italien comme langue littéraire. Dans le chapitre V, il prévient les critiques en excusant son recueil « d’un défaut essentiel à savoir d’être rédigé en langue vulgaire et non en latin ». Pour cela, il distingue trois raisons qu’il développera ensuite :

• « Le désir d’éviter une ordonnance messéante des matières » : la langue vernaculaire s’accorde avec son thème.

• « une bonne volonté pleine et entière » : la langue vernaculaire parle à tous

• « l’attachement naturel pour ma propre langue » : la démarche littéraire se rapproche de la parole vive.

Ici, Dante allie donc la théorie à la pratique mais sa démarche exige une justification ; la parole sur la parole vernaculaire manque encore d’assurance.

[pic 3]

3. Une parole entendue : Une Renaissance française

Véritable mouvement européen, la Renaissance qui débute en Italie au XIVe siècle passe les frontières. La parole de Dante, entre autres, se fait peu à peu entendre, comprendre et crée des émules. Ainsi, quand les poètes de la Pléiade découvrent la réflexion et les textes de l’auteur florentin, ils comprennent que le français, tout autant et parfois peut-être mieux encore que le latin, peut-être une langue littéraire. La parole poétique ne doit plus être une parole réservée à l’élite de la société, celle qui lit et écrit le latin.

Cohérente avec la pensée humaniste, la défense de la langue française fait alors son chemin. Toutefois, comme la panthère de Dante, cette parole vernaculaire échappe encore ; elle n’existe pas totalement : elle est à inventer, elle est à exercer, elle est à pratiquer.

Si le français est devenu langue juridique et administrative en 1539 avec l’ordonnance de Villers Cotterêts, le latin reste encore dans la première moitié du XVIe siècle la langue savante. Bien sûr, des textes littéraires ont déjà été écrits en langue dite « vulgaire » (cf. B. Parole des Grands, parole des Petits, 1. Parler pour partager) mais il s’agit toujours d’une littérature considérée comme populaire et en cela inférieure. La revendication et l’affirmation d’un français littéraire se fait donc au milieu du siècle, à l’initiative de la Pléiade, son plus fervent défenseur étant Joachim Du Bellay. Désireux d’allier à son tour théorie et pratique, il fait précéder son premier recueil de poèmes en langue française, titré L’Olive, d’une Défense de la langue française. Si la postérité a quelque peu oublié le recueil – c’est-à-dire l’illustration – la Défense a marqué les esprits en donnant le coup d’envoi d’une littérature en français et fière de l’être !

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