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Pétain, Marc Ferro, Fayard, 1987

Dissertation : Pétain, Marc Ferro, Fayard, 1987. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  15 Mai 2018  •  Dissertation  •  16 956 Mots (68 Pages)  •  608 Vues

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 Pétain, Marc Ferro, Fayard, 1987

  1. L’appel

  • Le 16 mai 1940, Paul Reynaud, Président du Conseil, appelle Pétain qui avait été nommé ambassadeur de France en Espagne. Il juge alors « que la guerre peut être considérée comme perdue Paul Reynaud voulait seulement que Pétain resserre les rangs de la nation inquiète et remonte le moral des français tout en renforçant sa propre image au Parlement.
  • Pétain incarnait le mythe du Sauveur de la France et pour Pétain, Paul Reynaud mettait fin au règne de Daladier : ce dernier représentait les méfaits du Front populaire et l’insuffisance de la défense nationale.
  • Paul Reynaud, homme de droite avait été anti-munichois en 1938 et « belliciste » en 1939. ».. Il avait fustigé le clan des « mous » qui voulaient encore négocier (Daladier, Laval, Georges Bonnet).
  • La peur a dominé la période précédant la guerre. Avec le succès du Front populaire et les débuts de l’insurrection franquiste, la tension monte : pour les uns, l’ennemi principal, c’est l’Allemagne nazie et son allié le fascisme italien ; pour les autres, c’est l’Union soviétique et le Parti communiste. Blum a décidé la non-intervention dans le conflit espagnol de peur qu’on ne déclenche en France une guerre civile dont le 6 février 1934 a donné un avant-goût. Blum qui pense que le danger principal est Hitler, apaise le Capital pour réarmer la France. Mais Daladier ensuite, partageant avec la droite la crainte du bolchévisme, cherche à apaiser Hitler pour gagner la confiance du Capital.
  • Daladier a été élu Président du Conseil le 10 avril 1938, c’est l’homme qui a signé les accords de Munich.
  • Après les succès d’Hitler, (Anschluss de l’Autriche et Conférence de Munich, on poursuivit l’effort de réarmement mais la vétusté de l’industrie s’y oppose. Weygand et Daladier proclament faussement que l’armée est prête.
  • Pétain dit à l’ambassadeur à Varsovie « Nous ne pouvons rien entreprendre pour aider militairement la Tchécoslovaquie ». On contraint les Tchèques à accepter d’inacceptables conditions. Daladier et Georges Bonnet laissent les Anglais mener le jeu.
  • Daladier tente un rapprochement avec l’U.R.S.S. pour résister en accord avec les Anglais mais en août 1939, Staline institue le Pacte Germano-soviétique, véritable coup de tonnerre qui transforme du tout au tout la carte politique française. Quand les Allemands envahissent la Pologne, les Anglais déclarent la guerre et la France doit les suivre. Daladier déclare la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939.
  • C’est la « Drôle de guerre », on ne fait rien pour la Pologne dont l’armée est écrasée, on cherche à soutenir la Finlande attaquée par l »U.R.S.S. L’armistice est conclue par la Finlande le 12 mars 1940. On avait songé à une expédition en Norvège avec les Anglais récalcitrants. En France, Daladier, discrédité démissionne  le 20mars 1940 mais Paul Reynaud, son successeur élu, le garde à la Défense nationale. Il resserre les liens avec l’Angleterre par un « engagement commun » pour mettre fin à la « mésentente cordiale ».
  • Les Allemands occupent presque toute la Norvège grâce à la supériorité de leur aviation et détruisent toutes les opérations alliées puis envahissent la Belgique et les Pays-Bas. Paul Reynaud voulait se battre, il avait su voir que seul de Gaulle avait des idées novatrices en matière de défense mais il recula quand il fut question que les Alliés pénètrent en Belgique.
  • Le Général en chef Gamelin préconisait l’entrée en Belgique, Paul Reynaud s’y refusait parce que les Belges y étaient hostiles mais on ne pouvait encore attendre. Pétain y était aussi opposé comme il le dit dans ses derniers textes de 1944. Les allemands ne bombardèrent pas les troupes françaises qui se ruaient vers la Hollande, ils les attirèrent dans une nasse qu’ils fermèrent en attaquant dans la région de Sedan. Il y avait là moins de mines antichars que sur la ligne Maginot qui elle, était continue et entièrement bétonnée.
  • Les chefs militaires français avaient en tête le scénario de la guerre de 1914. Seul, le colonel de Gaulle avait prévu l’attaque d’un corps blindé. Et c’est ce qui arriva : l’offensive du Reich dans les Ardennes était conduite par des panzers. L’aviation française étant absente du champ de bataille, les allemands savaient qu’il n’y avait aucune coordination franco-belge et les bombardiers anglais ne purent compenser la supériorité allemande. Sedan tomba le 14 mai et la voie était ouverte vers Paris.
  • A Paris, les chefs politiques se trouvent désemparés et pensent déjà à Pétain parce qu’il pourrait avoir du crédit sur les politiciens de gauche, servir de catalyseur et aider à éliminer Gamelin et Daladier.
  • Pétain avait refusé la proposition de Daladier d’entrer dans le gouvernement d’ « union nationale » le 11 septembre 1939. Il préférait Paul Reynaud qui n’avait pas fait partie du Front populaire. Agé de 84 ans, il était un familier d’Hélène de Portes, la maîtresse de Paul Reynaud. Weygand avait été nommé généralissime en remplacement de Gamelin mais Pétain ne l’aimait pas pour cause de rivalité au moment de l’armistice de 1918. Clémenceau avait imposé Foch et son chef d’état-major Weygand au commandement suprême. Weygand, intransigeant d’extrême droite s’était ensuite gaussé des manœuvres politiciennes du Maréchal.
  • Le retour du Maréchal le 17 mai 1940 a suscité la confiance de la gauche et l’enthousiasme de la droite mais la nouvelles de l’avancée allemande ne trompe pas les Français sur la catastrophe qui allait arriver. Weygand a tous les pouvoirs militaires, Pétain recommande d’utiliser les pigeons voyageurs comme en 1918 et certains le considèrent comme une potiche. La situation est désastreuse et la confiance envers les anglais prend un sérieux coup lorsqu’on s’aperçoit qu’ils n’utilisent pas leur aviation de chasse dans la bataille de Dunkerque. Les militaires et les politiques s’attaquent mutuellement. Le 25 mai, la position de Pétain pèse sur la question posée de la possibilité d’une demande d’armistice séparée car il reproche aux Anglais d’avoir conservé leurs forces en Angleterre. Paul Reynaud attaqua l’état-major dans un discours, Weygand accusa les Anglais de n’avoir pas opéré une offensive vers le Sud à partir de Dunkerque et Pétain mena sa première offensive contre l’allié anglais.
  • Le Président Albert Lebrun se demande s’il ne serait pas opportun de transporter le gouvernement à Bordeaux. Pétain écrit une lettre à Paul Reynaud dans laquelle il accuse la Troisième République d’avoir attaqué l’Allemagne sans être prête militairement, il veut régénérer la nation par l’armée. Paul Reynaud s’en prend à Weygand qui a fait le même reproche au cours du Conseil du 25 mai. Pétain et Weygand finissent par se mettre d’accord sur la nécessité de l’armistice.
  • La capitulation du Roi des Belges intervient le 27 mai, laissant le front franco-britannique découvert. Les alliés tentent d’empêcher l’intervention de l’Italie par des concessions territoriales dans les colonies, elle entrera en guerre le 10 juin.
  • Paul Reynaud obtint le départ de Daladier qui animait le clan des « mous » dont faisait partie Laval à la suite de cet échec de négociation avec l’Italie. Pétain continue à soutenir l’insuffisance de l’aide anglaise. Pétain eut des propos très libres avec l’ambassadeur d’Espagne et Franco proposa son intercession à Hitler au cas où le gouvernement allemand désirerait établir une liaison avec Pétain.
  • Pétain fait sécession avec la politique de résistance à tout prix de Paul Reynaud. Vice-président du Conseil, il méprise ce gouvernement où figure désormais Charles de Gaulle. Pétain ayant admiré la plume du sous-lieutenant dès 1913 lui demanda d’écrire pour lui un livre fort apte à effacer les écrits de Foch. Mais la crise éclate entre eux parce que le travail devait être interrompu par une mutation de de Gaulle en Allemagne à laquelle tenta en vain de s’opposer Pétain. En outre de Gaulle devint le théoricien du corps cuirassé et de l’armée de métier, ce que seul Paul Reynaud approuvait. Ils se fâchèrent définitivement à propos de la dédicace du livre, Pétain voulant que le livre fût signé par lui-même et non par de Gaulle.
  • Les 10 et 11 juin, c’est l’exode et Paul Reynaud annonce à la radio que le gouvernement allait se réfugier dans les châteaux le long de la Loire. Albert Lebrun se demande pourquoi il y a tant de militaires à cet endroit alors qu’on se battait encore sur le front de la Somme. Pétain est persuadé qu’il faut arrêter les hostilités ne croyant à aucune aide extérieure. Il refuse toute idée de départ du gouvernement à Londres ou en Afrique du Nord et se voit dans une perspective de régénération de la France. Il laisse Weygand aller au feu et dans une Note demande à Paul Reynaud de cesser les hostilités.
  • Il y avait les « durs » qui voulaient continuer le combat (Paul Reynaud, de Gaulle, Jeanneney, voire George Mandel) et les « mous » dont Pétain est le chef de file et qui veulent mettre fin à la guerre. De Gaulle poussait Paul Reynaud à résister mais la maitresse de ce dernier travaillait en sens inverse. George Mandel, ministre de l’Intérieur était juif et c’est peut-être est-ce la raison pour laquelle il s’effaça, craignant l’hostilité de l’opinion qui aspirait à la paix. Paul Reynaud ne se sentait pas en état de résister à des chefs militaires si résolus (Weygand, Pétain).
  • Paul Reynaud reproche à Churchill de n’avoir envoyé que 5 chasseurs sur 39 se battre en France et tente de lui demander un dernier appui mais Churchill pense que la défaite française est inéluctable. Weygand conseille à Paul Reynaud de demander l’armistice mais celui-ci résiste, soutenu par Louis Marin. Un faux bruit courut selon lequel un gouvernement communiste se serait installé à l’Elysée avec Maurice Thorez. Certains souhaitaient un appel à Roosevelt mais Weygand exige l’armistice immédiat. L’amiral Darlan refuse d’attaquer l’Italie rentrée en guerre, par crainte de représailles.
  • Churchill avertit Roosevelt que Pétain est décidé à prêter son nom pour un traité de paix pour la France et il le trouve « dangereux ». Pétain sort un texte dans lequel il juge l’armée en débandade et déclare que le devoir du gouvernement est de rester sur le sol français, et qu’il le fera. Il devient l’homme de la situation tandis que le gouvernement fuit des châteaux de la Loire vers Bordeaux. Paul Reynaud souhaite un cessez-le feu mais non l’armistice, il veut continuer la lutte à partir de l’Afrique du Nord. Roosevelt a répondu par un message de sympathie sans aucune promesse.
  • Pétain, devant ces délibérations à Bordeaux qu’il juge vaines menace de démissionner de ses fonctions de ministre de l’Etat et de vice-président du Conseil. De Gaulle, envoyé en Angleterre avait projeté la rédaction d’un Mémorandum avec Jean Monnet pour la création d’une union politique indissoluble entre la France et l’Allemagne. Cette proposition fut immédiatement rejetée. Paul Reynaud présenta sa démission au Président de la République Albert Lebrun, pensant que Pétain par patriotisme n’accepterait pas les conditions allemandes. Lebrun appelle Pétain qui a déjà la liste de son gouvernement toute prête. Il rédige son appel aux Français du 17 juin (p. 86). L’appel du 18 juin de de Gaulle fut entendu par très peu de monde.
  • Paul Baudoin était Ministre des Affaires étrangères à la colère de Pierre Laval, jugé trop anglophobe qui revendiquait ce poste. Paul Baudoin fit passer une Note aux Allemands par l’intermédiaire de l’ambassade d’Espagne pour que Franco intervienne auprès d’Hitler et également par l’intermédiaire du Vatican. Pétain fit arrêter George Mandel soupçonné de complot contre l’Etat et dut le relâcher et s’en excuser. En désaccord avec le Président Albert Lebrun qui voulait qu’une partie du Gouvernement se réfugie en Afrique du Nord en cas d'impossibilité de répondre aux conditions allemandes, Pétain déclare « qu’il veut demeurer parmi nos compatriotes pour mettre à leur service l’ascendant qu’il peut avoir sur les Allemands » (p. 91).  
  • Il était question que les ministres civils et les parlementaires s’installent en Algérie mais la reconnaissance du gouvernement de Pétain par les Anglais et l’acceptation du principe des négociations firent changer d’avis le Maréchal : l’expédition d’une partie du gouvernement en Afrique du Nord ne lui parurent plus nécessaires. Le 20 juin, il demande de retarder le départ du gouvernement. Alibert, sous-secrétaire d’état auprès du Maréchal rédigea un faux pour empêcher le départ. Il eut lieu tout de même pour un grand nombre de députés qui furent plus tard accusés de désertion.
  • Pétain était convaincu que la capitulation anglaise était inéluctable. Lord Halifax et Chamberlain avaient proposaient de négocier avec Mussolini à qui l’on céderait Malte et Gibraltar avec l’entremise de Franco mais Churchill refusa, soutenu par les travaillistes.
  • Le général Huntziger devait conduire la négociation pour la France. Pétain lui avait demandé de rompre la négociation si l’Allemagne exigeait la remise de la flotte, l’occupation de la métropole et celle d’une partie de l’empire colonial. La délégation fut mise « sous contrôle » dans les faubourgs de Tours puis conduite à Rethondes où le wagon de l’armistice était là. Les Allemands n’exigeaient aucune des conditions de Pétain directement : la ligne de la zone occupée ne fut pas présentée comme intangible, la flotte serait seulement désarmée et il ne fut pas question de l’Empire. Les négociateurs français s’attachèrent surtout à demander le ravitaillement des Français en zone occupée. Hitler refusa de libérer Paris et de modifier le texte relatif à la flotte. La seule concession fut l’arrêt des bombardements sur Bordeaux pendant les pourparlers, demande de Pétain.
  • Les exigences des Allemands étaient la création d’une zone occupée qui comportait les régions les plus riches, le gouvernement pouvant s’installer à Paris, la démobilisation de la flotte et de l’armée, le contrôle des aéroports. La conclusion de l’armistice était subordonnée à l’armistice italien. La signature eut lieu le 22 juin. Paul Reynaud prévoyait qu’Hitler ne le respectait pas et Pétain était heureux qu’une partie de la France reste libre pour pouvoir y entreprendre la régénération du pays. Tout en ignorant les clauses de l’armistice, de Gaulle était le seul à penser qu’elle était contraire à l’honneur puisque la guerre mondiale commençait à peine. Hitler voulait surtout la neutralisation de la flotte (les navires désarmés devaient regagner les ports français) pour que la France ne puisse la mettre à la disposition de l’Angleterre et il voulait absolument maintenir un gouvernement en France. Churchill s’est félicité de ce qu’Hitler n’ait pas étendu son emprise à l’occupation de l’Afrique du Nord, pensant que c’était ce qui avait sauvé les alliés.
  • En France, se répandit la nouvelle que Pétain avait arrêté les Allemands. Il avait restitué la France à ses Français et beaucoup purent rentrer chez eux.
  1. Le Grand jeu
  • Pétain se remémorait sa propre expérience : l’Allemagne en 1918 avait demandé assez tôt l’armistice pour regagner sa puissance. De même, la défaite de la Prusse en 1806 avait provoqué un choc salutaire : bien qu’amputée et occupée, elle avait permis une réforme morale bouleversant les structures sociales. Ensuite, elle avait feint d’être l’alliée de Napoléon en soutenant la campagne de Russie tout en guettant la chute de l’Empereur. Mais la mission que veut se donner Pétain excluait définitivement son départ du territoire national.
  • Le cabinet du Maréchal comprend ceux qui l’ont soutenu dans sa lutte pour l’armistice (Bouthillier, Baudoin, Chautemps). Mais il veut écarter les « jusqu’au-boutistes ». Raphaël Alibert que Pétain avait connu au club du « Redressement français » d’esprit maurrassien était le principal conseiller de Pétain. Il propose une réforme constitutionnelle inspirée d’André Tardieu (La Réforme de l’Etat, 1934), devenu le maître à penser de la droite politique. Le mal venait de la franc-maçonnerie et du parlementarisme.
  • Pierre Laval était un pacifiste, il avait tenté d’empêcher la déclaration de guerre mais au Sénat, Jules Jeanneney l’avait mis dans l’incapacité de prendre la parole car le règlement s’y opposait. Ministre des Affaires étrangères en 1934, il avait recherché l’alliance avec l’Italie fasciste qu’il jugeait plus prometteuse que celle avec l’Union soviétique. IL fut renversé parce qu’il avait toléré la mainmise de l’Italie sur l’Ethiopie en janvier 1936. Il recherchait aussi l’alliance avec l’Espagne mais s’opposait à celui de l’Angleterre et de l’Union Soviétique. Il avait recherché à réconcilier Français et Allemands et aux yeux du Front Populaire, il était responsables des concessions faites aux dictatures. Mais pour la droite, il incarnait celui qui eût pu prévenir l’épreuve de force avec l’Allemagne. En 1937, Laval fit savoir qu’un gouvernement Pétain constituerait une bonne alternative au Front populaire.
  • En chargeant Laval de la réforme constitutionnelle qui accroitrait ses pouvoirs et de l’abandon de la démocratie représentative, le Maréchal faisait de lui le numéro 2 du régime. Pétain n’avait jamais été favorable à un coup d’état, il n’avait jamais voulu se compromettre avant l’appel du Président de la République. A côté de Laval, on trouve les pacifistes Bergery (ancien radical), Marcel Déat (ancien socialiste), Jacques Doriot (ancien communiste) qui n’avaient pas été les adversaires du Front populaire comme Laval mais les promoteurs. Ils avaient été rejetés de leur parti et en devinrent les ennemis mais leur opposition ne se situait pas sur le terrain gauche-droite mais sur le terrain du pacifisme. Voilà ce qui les rapprochait de Pierre Laval (à l’origine, ils réprouvaient le nazisme à cause de ses pratiques antidémocratiques comme Pierre Laval). Maintenant que l’Allemagne nazie avait remporté la victoire, ils jugeaient plus que jamais que pour sauvegarder la paix, il fallait se rapprocher du vainqueur. Leur pacifisme devenait agressif au point de faire disparaître tout sentiment démocratique. Leur antiparlementarisme n’avait rien de commun avec celui de Pétain, de Weygand et de Tardieu mais Laval est celui qui jetait un pont entre eux et ce dernier.
  • Un texte de Bergery revendique une nouvelle politique intérieure puisque le désastre militaire a été la traduction de la corruption du régime. L’ordre nouveau devait être social pour échapper au stalinisme et pour supprimer la lutte des classes en s’attaquant à ses causes. Cette déclaration était soussignée par des hommes de gauche (en grande partie des opposants à Léon Blum) et par des hommes de droite.
  • Weygand que de nombreux parlementaires considéraient comme le véritable auteur de l’armistice avait adressé une Note le 28 juin 1940 résumant ses idées, et celles-ci étant entièrement partagées par Pétain et par L’Action française. Weygand était encombrant pour Pétain qui comptait sur Pierre Laval pour l’en débarrasser ainsi qu’Albert Lebrun, président de la République et du Parlement.
  • Pétain absent devant le Parlement charge Laval de prononcer un discours. Les députés avaient peur que l’armistice soit remis en cause par les Allemands s’ils s’opposaient à Laval. Celui-ci justifie la politique du Maréchal et donne l’orientation du nouveau gouvernement : « C’est sous le triple signe du travail, de la famille et de la patrie que nous devons aller… » Il prône une collaboration loyale avec l’Allemagne et l’Italie. Le projet de refonte de la Constitution est adopté et le don de tous les pouvoirs à Pétain est adopté le 10 juillet 1940 par 569 voix pour, 80 voix contre et 17 abstentions. La constitution de 1875 était morte ainsi que le régime républicain. Le général de Gaulle à Londres avait deux raisons de contester : l’Assemblée Nationale avait le droit de réformer la Constitution mais non de déléguer ses pouvoirs (raison mineure) et les députés avaient voté sous la menace des Allemands qui occupaient la France. Au moment du procès de Pétain, le mythe du complot pour abattre la République prit corps car Pétain n’était ni un élu ni un parlementaire, il était un militaire. Mais Paul Reynaud avait bien proposé au Président de la République, Albert Lebrun, que ce soit Pétain qui prenne sa relève. Et le Président Lebrun l’a chargé de former un nouveau gouvernement avec l’accord du Président de la Chambre et celui du Sénat selon l’usage. Le vote des pleins pouvoirs accordé le 10 juillet par le Parlement a provoqué la chute de la Troisième République.
  • Pétain sait qu’il doit tout à Laval. Par la loi du 10 juillet 1940, Pétain promulgue 12 actes constitutionnels qui devaient être provisoires et qui ne sont pas ratifiés par la nation. Pierre Laval et Alibert instituent un Etat autoritaire où le Chef de l’Etat a la totalité du pouvoir, les Assemblées sont suspendues et le conseil des ministres n’a plus qu’un pouvoir consultatif. Ses tuteurs sont le pape Pie XII et Charles Maurras.
  • Loustanau-Lacau rédigea un portrait de Pétain à ses débuts (Cet homme est une harmonie vivante) et René Gillouin écrit un panégyrique mais il quitta le Maréchal en 1942 à cause des mesures prises à l’encontre des Juifs. Pétain a reçu de nombreuses lettres de délation et de dénonciation dans les premiers temps (contre les « anti-nationaux », étrangers, syndicalistes, communistes…).
  • Le fléau de la dénonciation s’est propagé de 1940 à 1944 et certains l’encensaient (Maurras, Philippe Henriot, Doriot). La poignée de main de Pétain à Hitler à Montoire en octobre 1940 (entrevue organisée par Laval) figure en bonne place dans l’arrêt du jugement du 15 août 1945. Il avait déclaré aux français qu’il entrait dans l’honneur dans la voie de la collaboration ». 
  • La détérioration des rapports avec l’Angleterre aboutit le 3 juillet au drame de Mers-el-Kébir (4 juillet 1940) : le bombardement de la flotte française par les Anglais et sa destruction partielle. Le ressentiment anti-anglais date de plus loin, au 18ème siècle, les français accusent les Anglais de se battre avec le sang des autres, opinion ravivée en 14-18 et manifeste dans le film « La Grande Illusion » à la veille de la 2ème guerre. En mai 1940, la chance de survie des Anglais dépendaient du fait que les Allemands ne s’approprieraient pas la flotte française, le 17 juin Churchill avait demandé à l’amiral Cunningham de couler la flotte française au cas où elle serait passée sous l’autorité allemande. Au moment de l’armistice, le jugement des Anglais sur Pétain et Weygand est extrêmement négatif.
  • Mers el Kébir : la flotte anglaise offre au à l’amiral Gensoul de continuer la guerre avec les Anglais, de rallier les ports anglais ou américains, de rejoindre les ports des Antilles ou de se saborder. Sinon ce serait le combat. L’amiral ne transmet à Vichy que les deux alternatives : gagner les ports anglais ou le combat. L’amiral  français Le Luc ordonne aux navires se trouvant à Toulon et à Alger de se rendre à Oran pour combattre aux côtés de la flotte française à Mers el Kébir. L’escadre anglaise alors attaque l’escadre française. Churchill a agi ainsi de crainte qu’Hitler ne s’empare de la flotte française une fois qu’elle aurait rejoint ses ports d’attache et pour manifester sa détermination à continuer la lutte. A Vichy, le Conseil des ministres pris de court décida d’ordonner la réplique militaire mais Pétain se rallie à la proposition de Laval : ne rien décider militairement mais rompre les relations diplomatiques avec la Grande Bretagne. Cet événement porta un coup très dur à de Gaulle et à ses amis (on l’accusa d’avoir soufflé l’acte aux Anglais). Churchill qui avait une dette d’honneur envers lui le laissa tenter l’attaque de Dakar qui échoua. Churchill voulait faire oublier Mers el Kébir pour empêcher la collaboration franco-allemande de se consolider mais il souhaitait que le pouvoir passe à Weygand. Celui-ci était jugé plus à même de maintenir la zone libre et surtout l’empire. Mais à Vichy, les milieux politiques cherchent une association plus étroite avec l’Allemagne.
  • Le parti « collaborationniste » se constitue immédiatement après la défaite, une Note du 10 juillet rédigée par Bergery rassemble 77 parlementaires qui y ont adhéré. Pétain, de son côté espère d’abord que son prestige de vainqueur de Verdun lui permettra d’obtenir des conclusions de paix satisfaisante. Il imagine que l’Angleterre trouvera un accord de compromis sur le dos de la France. En réalité les Allemands violent les conditions de l’armistice : réévaluation de l’indemnité d’occupation, pillage des usines, une ligne de douane a été établie sur l’ancienne frontière de 1914.
  • Hitler exigeait la mise à disposition de stations météorologiques, du chemin de fer de Tunis à Rabat, des ports et des navires de commerce et la création de huit bases allemandes au Maroc : il voulait attaquer l’Angleterre en Afrique du Nord. La réponse française fut un rejet total. Certains comme le général de La Laurencie comptaient sur la victoire de l’Angleterre. Weygand accuse Laval d’être prêt à toutes les concessions. L’entente entre l’allemand Otto Abetz qui avait été nommé conseiller auprès du général Streccius, commandant l’administration militaire allemande, et Pierre Laval est à l’origine de la collaboration entre Vichy et l’hitlérisme bien que ni l’un ni l’autre n’éprouvent de sympathie pour le nazisme.
  • Une grande réception consacra la « réconciliation franco-allemande de 1939 » dans le cercle franco-allemand (de Brinon, le duc de Broglie, Henri Haye sénateur et maire de Versailles, Abetz, Pétain) deux mois après Munich, huit mois avant la déclaration de guerre. Abetz était un homme de lettre qui voulait le rapprochement franco-allemand par la littérature. Il voulait montrer l’Allemagne sous son beau profil. Des artistes et des chanteurs français allaient se produire en Allemagne sous l’occupation. Laval faisait des voyages incessants en Allemagne où il rencontrait Abetz. Baudoin, ministre des Affaires étrangères et Charles-Roux voulaient demeurer fidèles à l’Angleterre mais ils se heurtaient à la certitude de Pétain de la défaite anglaise. Rougier rencontra lord Halifax et Churchill en septembre 1940 mais cette négociation demeurée secrète n’aboutit à aucun accord. Pétain dans un discours du 11 octobre poursuit sa volonté de collaboration avec le vainqueur.
  • Hitler convoque le Maréchal à Montoire, petit ville de l’ouest de la France le 23 octobre 1940. Pétain pense qu’Hitler va se tourner vers l’est et il veut marchander son aide. Hitler a toujours pensé que la France avait voulu « empêcher la consolidation de l’Etat allemand vers l’est ». Il croit que la paix avec les Anglais est imminente. Pour en faciliter le processus, il avait donné l’ordre à Dunkerque d’épargner les Anglais. L’offre publique de paix avec l’Angleterre eut lieu le 19 juillet, Hitler ne voulait pas faire à l’Angleterre, il préparait sa campagne contre la Russie et espérait associer l’Angleterre à cette croisade contre le bolchévisme. L’ambassadeur des Etats Unis (Kennedy, le père du futur président) recommande aux Anglais d’accepter l’offre de paix mais Roosevelt le désavoue. Churchill ne répond pas. Hitler attaque la Royal Air Force mais il ne parvient pas à la vaincre à cause de l’utilisation des radars les Anglais. Il cherche alors à couper l’Angleterre de son empire. Quand il rencontre Pétain à Montoire puis Franco et Mussolini, Hitler sait que cette bataille aérienne est perdue, il n’en laisse rien paraître, son objectif est l’extension du champ de bataille en Méditerranée et en Afrique. Il espère une collaboration entre la France et l’Allemagne contre l’Angleterre. Franco a refusé l’installation de bases militaires allemandes sur le territoire espagnol. Hitler rencontra d’abord Laval qui lui confirme son désir de collaboration et son désir de la faire contre l’Angleterre. L’entretien entre Pétain et Hitler aboutit à l’acceptation d’une collaboration contre l’Angleterre mais le Maréchal devait faire appel au Parlement pour l’acter. Et Pétain souhaitait pour la France une fin plus favorable de la guerre. Par rapport à l’entretien Hitler-Laval, Pétain se trouve un peu en retrait de la position de Laval qui selon lui, était prêt à trop se soumettre aux exigences des Allemands.
  • Les rapports entre Pétain et Laval n’étaient pas bon. Pétain reprochait à son ministre d’agir à sa place et de ne pas fournir de comptes rendus. Il le trouvait également trop anglophobe. Il prétextait qu’étant trop impopulaire, il nuisait à son image. Une crise éclata le 13 décembre 1940 lorsque Laval demanda à Pétain de se rendre à Paris à la célébration du retour des cendres de l’Aiglon qu’il avait organisé en accord avec les Allemands. Pétain fit même arrêter Laval, ce qui provoqua la colère d’Hitler. Le Maréchal lui envoya une lettre d’explications embrouillée dans laquelle il affirmait que cela ne changeait en rien sa politique de collaboration. Abetz et l’amiral Darlan servirent d’intermédiaire et Pétain tint bon quant au renvoi de Laval. Ils s’expliquèrent dans un entretien du 8 janvier 1941. Pétain fut contraint d’accepter que Darlan devienne le N°2 du gouvernement.
  • Mais le 10 décembre 1940, avant même que Laval fût renvoyé, Hitler avait fait préparer le plan Attila, c’est-à-dire l’invasion de la zone libre qui aura lieu en novembre 1942. Otto Abetz a raconté après la guerre que c’est ce renvoi de Laval qui aurait poussé Hitler dans ce projet.  IL ne prit pas cette décision immédiatement. A cette époque, il songeait déjà à l’invasion de l’Union Soviétique dont le déclenchement eut lieu le 22 juin 1941.
  • A Marseille, en novembre 1940, une Note prouve que les inspecteurs de police pourchassaient les communistes, les républicains espagnols réfugiés, les Juifs et les francs-maçons. Jacques Doriot organisait des manifestations antisémites en se disant « l’homme du Maréchal ». Avec Sabiani, il montait des opérations de représailles contre les communistes.
  • L’antijudaïsme chrétien a été ranimé par le Journal La Croix. L’antisémitisme économique avait débuté lorsque la banque catholique L’Union générale avait été abattue par d’autres banquiers rivaux et israélites le 19 janvier 1882. Il fut ranimé au moment de l’affaire Dreyfus surtout dans l’Action Française. Le « commissaire général aux Questions juives » choisi par Pétain le 29 mars 1941 ne pouvait tolérer que des juifs aient eu de hautes responsabilités (Léon Blum a été Président du Conseil). Au début du siècle, les mouvements révolutionnaires avaient été animés par des Juifs : Trotski et Zinoviev en Russie, Rosa Luxembourg en Allemagne et Bela Kun en Hongrie. Un courant pacifiste juge les juifs dangereux parce que réfugiés d’Allemagne ou d’Autriche, ils dressent les français contre ces pays (Jacques Doriot, Marcel Déat, Robert Brasillach, Céline Jean Giraudoux et même Jean Renoir dans « la Grande Illusion »).
  • Pétain participa à la rédaction d’une législation interdisant certaines fonctions aux Juifs ou apparentés aux Juifs sans qu’aucune demande allemande n’ait été formulée. Mais ces décisions sont prises au moment où le gouvernement de Vichy tente un rapprochement avec l’Allemagne nazie. Pétain avait jugé Dreyfus innocent mais il ne voulait pas donner tort aux tribunaux militaires. Il ne s’opposait pas aux actes antisémites de son médecin, le Docteur Ménétrel qui triait son courrier en détournant les requêtes émanant de Juifs. Pétain, dans aucun de ses propos publics ne parla des Juifs avant 1944. Il s’opposa au port de l’étoile jaune en zone libre alors qu’en zone occupée, elle fut instituée le 29 mai 1942. Il chercha à se couvrir avec Xavier Vallat auprès du pape mais ce dernier refusa. Gillouin cherchait à dissuader Pétain de pratiquer une politique anti-juive. En 1940 et 1941, l’épiscopat rejetait la violence et le racisme mais restait marqué par l’antijudaïsme chrétien, il ne commença à s’émouvoir qu’avec les rafles de 1942.
  • Les Allemands intervinrent à Vichy auprès du Maréchal pour que les francs-maçons fussent recherchés, identifiés, voire interdits. Le 14 juin 1940, ils avaient pris possession du Grand Orient, rue Cadet. La loi du 11 août 1941 sur les sociétés secrètes interdit l’accès des francs-maçons à l’exercice des fonctions énumérés à la loi portant sur le statut des juifs. Pétain annonça dans un discours qu’il fallait détruire le complot maçonnique. En France, l’antimaçonnisme était lié à l’antisémitisme alors qu’il était lié en Allemagne à l’obscurantisme. Vichy n’a pas été au-devant des demandes des Allemands comme pour les Juifs. Mais la lutte contre les francs-maçons servit d’alibi pour tisser la trame d’un pouvoir policier fichant les moindres citoyens jusqu’aux intimes du Maréchal. Le durcissement à  l’encontre des maçons alla de pair avec le durcissement du régime.
  • Pétain était encouragé par Pierre Laval et par Déat à poursuivre les responsables de la déclaration de guerre, il gardait rancune à Paul Reynaud et à Mandel de s’être opposés à lui. Or ces deux hommes n’étaient pas au pouvoir quand la guerre fut déclarée. Dans l’esprit de Pétain, les responsables de la mauvaise préparation à la guerre de la France étaient les hommes politiques du Front populaire (Léon Blum, Pierre Cot). On pouvait remonter au temps où Pétain était au Conseil supérieur de la guerre. Mais grâce à Alibert, une cour supérieure de justice procéda à Riom à l’internement sans jugement de Paul Reynaud, du général Gamelin, de Daladier et de Léon Blum le 3 septembre 1940. Les hommes politiques se taisent, à commencer par le président de la Chambre Edouard Herriot et le président du Sénat, Jules Jeanneney. Pour l’opinion publique, tous les hommes politiques étaient responsables de la défaite. Des réseaux de résistance liés à l’Angleterre avaient imaginé un scénario pour libérer ceux qui avaient été internés mais Blum et tous les autres accusés refusèrent, comptant sur la Justice.
  • En définissant sa pensée par les mots travail, famille, patrie, Pétain, reprenant des idées de La Fontaine, Chateaubriand et Léon Daudet, s’appuyait sur les éditoriaux de Maurice Barrès et Maurras. Sa conception de la famille et de l’éducation rejoignait celle de l’Eglise (discours de Metz en 1938). Il combattait l’individualisme et la neutralité et prônait la recherche d’une élite dans tous les métiers. Sa propagande s’attachait à l’accroissement de la natalité au moment où après la première guerre mondiale, les classes creuses l’exigeaient tandis que Daladier en avait conscience et édictait le code de la famille. Ce dernier encouragea aussi le retour à la terre par la compensation donnée au fils qui reprenait l’exploitation familiale. Le code de la famille institua aussi les allocations familiales le 29 juillet 1939.
  • Le Maréchal acceptait de parrainer l’enfant ayant quinze frères et sœurs en vie et 1800 demandes furent acceptées. Ce discours nataliste et la glorification de la famille se trouvaient relayées par le cinéma (La Fille du puisatier en 1940, le Voile bleu en 1942). Pétain considérait aussi que l’école laïque était responsable de la défaite parce qu’elle avait propagé l’esprit de la lutte des classes au dépens du goût de l’effort et de l’ordre. Cette méfiance des instituteurs avait pour origine le rôle pacifiste des organisations syndicales des instituteurs qui avait réussi à atteindre les régiments en ligne ayant donné lieu à des mutineries en 1917.
  • En 1938, le Syndicat national des instituteurs (S.N.I.) prôna l’abrogation de la semaine des 40h (l’Allemagne nazie la portait à 60h) le désarmement et la grève en cas de guerre. Toute une campagne de presse stigmatisa les instituteurs et 1 328 instituteurs qui avaient fait grève en 1938 furent licenciés.
  • Le Maréchal fit appel au champion de tennis Borotra qui avait remporté la coupe Davis en 1927 comme commissaire » général à l’Education physique et aux Sports (septembre 1940-avril 1942).
  • La révolution nationale pénétrait difficilement dans les lycées et les collèges. Le Maréchal tenta de s’adresser directement aux écoliers de France, il reçut près de 2 millions de lettres de vœux d’enfants en 1941, moins en 1942.
  • La politique de moralisation de la jeunesse avait été déjà commencée par le Front populaire et par Daladier. Des institutions propres au régime de Vichy comme les « Chantiers de la jeunesse » confiés au Général de la Porte du Theil, les « Compagnons » pour former les cadres futurs de la nation, l’Ecole des cadres d’Uriage. Il y avait dans ces organisations un relent antinazi, elles étaient interdites en zone occupée mais étaient conformistes. Des mouvements de jeunesse furent un enjeu que se disputèrent les traditionnalistes et tous ceux qui comme Bergery songeaient à unifier cette jeunesse au service d’une cause de plus en plus proche de l’idéologie fasciste.
  • Pétain avait un attachement fort à la paysannerie, il se méfiait de la montée de la classe ouvrière qui pour lui avait mené à la décadence de la France. Il magnifiait le paysan qui avait ne lâchait pas sa tranchée pour sauver le pays, particulièrement à Verdun (littérature d’Henri Bordeaux et de René Bazin). Il tint à préfacer une réédition d’Olivier de Serres qui datait du 17ème siècle. Mais tandis que Caziot et Romier cherchaient à protéger l’exploitation familiale, d’autres dont Le Roy Ladurie favorisaient la tendance productiviste avec un système corporatif et de grandes exploitations. Les nazis se montrèrent plus favorables à cette orientation.
  • Les syndicats étaient heureux du détachement de leurs actions vis-à-vis des partis voulu par Pétain, ce qui fait que curieusement, ils jouèrent le rôle de courroie de transmission entre le régime et le monde du travail. Certains même devinrent des syndicalistes collaborateurs car ils constataient que l’Allemagne nazie avait su mieux traiter les travailleurs qu’en France. Pétain cherchait une troisième voie entre le capitalisme et le socialisme qu’il rejetait. Son corporatisme a puisé aux sources du christianisme social (La tour du Pin : Vers un christianisme social) et dans le néo corporatisme d’avant-guerre des revues comme Ordre nouveau (Robert Aron, Daniel-Rops) ou Esprit de 1940 (Emmanuel Mounier). Mais la Chartre du Travail fut très critiquée par l’ancienne extrême gauche et même par les syndicats chrétiens qui dénoncèrent un danger d’étatisme.
  • Pétain idéalisait la captivité, ils illustraient le thème de la rédemption par la souffrance mais les prisonniers ne sont pas libérés malgré les efforts de la politique de collaboration. Le Maréchal n’évoque jamais les évadés (70 000 sur 1 580 000 prisonniers transférés en Allemagne au début).
  • La population soutenait en grande partie le Maréchal mais cette Révolution nationale n’a pas suscité l’adhésion totale d’un de ses chantres : René Gillouin jugea qu’elle s’était fourvoyée dans la création d’un parti unique, l’essai d’accaparement des jeunes à des fins politiques, l’institution d’un régime policier et l’abjecte politique antisémite.
  1. L’équivoque 
  • Le Général Darlan a été nommé numéro deux du régime le 10 février 1940. La population de la zone occupée était gaulliste en même temps qu’elle soutenait Pétain, croyant que celui-ci n’avait fait que des concessions aux allemands pour gagner du temps et qu’il attendait la victoire de l’Angleterre. Certains pensaient aussi que Pétain à Montoire avait agi en stratège et qu’il n’était plus favorable aux Allemands. Une grande équivoque commence à se nouer dans l’opinion française : on avait considéré que l’armistice et Montoire avaient permis la fin de la guerre, une collaboration pour le rapprochement franco-allemand en vue de la construction d’une nouvelle Europe. Or pour certains, à cette date encore favorables à Vichy (Bergery, Déat, Doriot) la politique de Pétain était le premier pas vers une intégration européenne et la fascisation du pays. En outre, deux conditions de la souveraineté française s’évanouissaient : l’autonomie de la zone libre devenait un mythe parce que le régime n’était pas lui-même autonome. La souveraineté de l’empire était entamée par la dissidence de de Gaulle. Pétain avait souhaité le rapprochement avec l’Allemagne, ce projet avait été contrarié et il en rendait Laval responsable.
  • Churchill promit à Pétain 6 divisions en Afrique du Nord et plus encore si la France reprenait le combat dans un message que Pétain brûla. Dupuy, représentant du Canada, avait tenté d’en savoir plus mais il échoua. Pétain voulait faire une plitique de « neutres désarmés ». Il disait admirer l’Angleterre mais la collaboration économique avec l’Allemagne devenait une mainmise de plus en plus lourde. Toutes les décisions prises à Vichy et qui visaient l’accomplissement de la révolution nationale devaient être négociées avec les Allemands. Les restrictions devenaient de plus en plus dures et la pénurie menaçait. Dans ce contexte, Vichy renoua ses relations avec l’Union soviétique (négociations qui n’allèrent pas très loin) et se rapprocha des Etats Unis, tandis que Darlan menait une politique encore plus anglophone que Laval.
  • Pétain aimait les Américains car ils avaient marqué la préférence pour lui face à Foch en 1917. Les Américains n’avaient pas cru à une défaite si rapide de la France et Pétain déclara à l’ambassadeur américain William Bullitt que l’Allemagne voulait réduire la France à l’état de province allemande. En 1941, il donna des assurances aux Américains sur le fait que la flotte française ne tomberait pas aux mains des Allemands. Au printemps 1941, alors que les Allemands n’ont pas réussi à envahir l’Angleterre, les Français n’imaginent pas que les Anglais puissent éviter une paix de compromis.
  • L’accord Murphy (envoyé de Roosvelt)-Weygand du 26 février 1941 prévoyait l’envoi de stocks alimentaires à l’Afrique du Nord, avec contrôle américain sur l’exécution de ces engagements. Weygand qui résistait à toutes les nouvelles exigences allemandes représentait l’alternative à la politique de Laval et de Pétain. Il stimule la constitution de dépôts d’armes clandestins et espère l’arrivée possible des Américains. Mais on a peur d’une poussée nazie en Espagne et on redoute la jonction avec les troupes italiennes au Proche et Moyen-Orient.
  • Autour de Darlan, vice-président du conseil et ministre des Affaires étrangères, s’était constitué tout un groupe d’hommes qui formaient corps : « le parti allemand ». Darlan n’a pas reçu le véto d’Hitler alors que ce dernier fulminait contre Weygand. Il veut poursuivre la politique de collaboration et est anglophobe.
  • L’armée italienne échoua devant la résistance grecque. Hitler remporta des succès foudroyants en Yougoslavie et en Grèce. Un soulèvement inopiné des Arabes d’Irak contre le joug de l’Angleterre arriva au même moment. Le 2 mai 1941, Abetz demande à la France présente en Syrie, une aide pour combattre les Anglais en Irak. Benoist-Méchin et le Maréchal s’y montrent favorables. Dans un entretien avec Darlan, Hitler montre qu’il cherche l’anéantissement de l’Angleterre et qu’il pratiquera pour ce faire une politique de « donnant-donnant » avec la France. Benoist-Méchin qui espérait un vrai rôle pour la France est déçu. Mais Pétain après le récit de cette entrevue se réjouit des « petites compensations » qu’il pourra demander et réclame de la prudence. Darlan prend position pour la collaboration et Pétain l’exige de ses ministres. Les « protocoles de Paris furent signés entre Abetz et Darlan le 27 mai 1941. La France devait céder du matériel de guerre en Syrie et s’engageait à laisser le haut commandement allemand utiliser le port de Bizerte comme port de » déchargement du ravitaillement et des renforts en matériel pour les troupes allemandes. Le port de Dakar en Afrique occidentale devait aussi être aussi utilisé comme point d’appui par les Allemands. Il est aussi précisé que cette aide française pouvait conduire à un conflit armé avec l’Angleterre ou les Etats Unis, l’ Allemagne promettant à la France de lui donner les moyens de justifier auprès de son opinion publique l’éventualité de ce conflit armé. Les Allemands étaient stupéfaits de ce qu’ils avaient obtenu. Weygand fut indigné de ces accords. Et il anima la résistance à leur ratification. Les Français ne furent pas bien au courant des détails de leur contenu, ils ne surent pas qu’ils n’avaient pas été ratifiés.
  • En Syrie, les troupes anglaises et gaullistes et Damas fut prise en quelques semaines. Pétain ne voulut pas résister et les Anglais écartèrent de Gaulle de la négociation de Saint Jean d’Acre pour remplacer la souveraineté française par l’anglaise. Il s’en suivit une quasi-rupture provisoire des relations entre de Gaulle et Churchill.
  • Le 22 juin 1941, Hitler lançait ses divisions à l’assaut de l’Union Soviétique. Pétain se réjouit de ce détournement sans comprendre la radicalité du totalitarisme hitlérien.

Le Parti communiste devient dès l’été 1941 un des principaux foyers de la résistance et de l’opposition à Pétain. Le Maréchal pressent aussi que si les Etats Unis entrent en guerre, les fondements de sa politique seront menacés, si la France a été entrainée trop loin dans l’Europe allemande.

  • Le gouvernement de Vichy rompit ses relations diplomatiques avec l’Union Soviétique et de nombreux russes de toute obédience furent arrêtés à Vichy. Les victoires allemandes contre les troupes soviétiques furent éclatantes, la Hongrie déclara la guerre à la Russie. Darlan autorisa la constitution d’une légion qui « avec l’assentiment du maréchal Pétain et l’acquiescement du Führer » devait participer à la croisade contre le bolchévisme. Hitler avait intérêt à laisser se développer les divisions entre les groupements politiques français. Il afficha son mépris en limitant la future L.V.F. à 15 000 hommes et beaucoup d’engagés furent refusés pour mauvaise santé. Le gouvernement de Vichy cessa d’encourager cette Légion.
  • La Résistance s’organisa en 1941 surtout en zone occupée (actions de sabotage, destruction d’officines de collaboration à Paris, attentats contre les soldats allemands. Le nouveau ministre de l’intérieur Pecheu, devait faire face sur deux fronts : contre les communistes et contre les collaborateurs trop zélés de Paris, dont Doriot et Déat. Pétain, sentant venir trop de divisions fait un discours solennel pendant l’entracte de Boris Godounov au grand casino de Vichy le 12 août 1941 qu’il conclut par son soutien à Darlan. Il fait suivre ce discours de douze mesures pour le redressement de l’autorité de l’Etat contre communistes et les gaullistes, les collaborateurs de Paris (par interdiction des partis politiques) et les Juifs. Le 14 août sont créées les cours spéciales de justice et le serment de fidélité de tous les ministres et hauts fonctionnaires à la personne du Maréchal.
  • Le 21 août 1941, le futur colonel Fabien, communiste, abat sur le quai du métro Barbès, un officier de marine allemand, l’aspirant Alphonse Moser. Pucheu proposa aux Allemands la création d’une cour spéciale pouvant envoyer à la mort des détenus déjà jugés et Brinon ramena à six le nombre des victimes décidées en représailles (Hitler avait ordonné l’exécution de 100 otages puis 50 à exécuter immédiatement). Trois condamnations à mort furent prononcées et exécutées, deux manifestants du 14 juillet avaient aussi été  aussi exécutés le 19 août. Un général d’infanterie allemand avait ordonné la dissolution du Parti communiste, un avis informa la population que tous les français mis en état d’arrestation par les autorités allemandes seraient considérés comme otages et qu’en cas de nouvel acte criminel, « il serait fusillé un nombre d’otages correspondant à la gravité de l’acte commis ». De Gaulle, non reconnu par les résistants communistes, conseilla de ne pas tuer d’allemands même si c’était justifié par souci de non productivité.
  • A la suite de la tragédie de Châteaubriant où 50 otages furent fusillés, Pétain prévoit d’envoyer un message au Führer pour se présenter lui-même comme otage mais Romier et Pucheu le lui déconseillèrent et la lettre ne partit pas. Pétain dans le discours du 23 octobre 1941 montre qu’il est porté à détourner vers les étrangers l’accusation des meurtres contre l’ennemi, il demande que l’on cesse ces crimes pour épargner les Français.
  • A la fin du mois d’août, Leningrad est totalement encerclé et les Allemands sont à 35 km de Moscou. Pétain ne voulait pas froisser les Allemands à un moment où leur victoire est en vue. Pétain ne souhaitait pas l’entrée en guerre des Etats Unis.
  • Darlan et Weygand s’opposent sur la façon de défendre l’Afrique du Nord : Darlan voulait faciliter le passage des Allemands en Tunisie (contre les Anglo-Saxons). Les Allemands font pression sur Darlan pour que Weygand soit écarté. Weygand fut en effet limogé (Hitler était exaspéré par sa présence en Afrique du Nord), ce qui provoqua l’indignation de l’entourage de Pétain. A l’Ecole d’Uriage, tous ceux qui pensaient que la préoccupation de Pétain était non seulement de résister aux exigences allemandes mais de préparer la reprise des combats en Afrique furent désorientés.
  • A partir du limogeage de Weygand le doute et les protestations s’installent dans le pays. Pétain obtient une entrevue avec Goering où ce dernier refuse toutes les demandes de Pétain concernant la zone occupée et la libération d’un contingent de prisonniers. Il réclame à la France une participation effective pour vaincre les Anglais en Afrique du Nord. Darlan tente un rapprochement avec les vues des Allemands.
  • L’attaque japonaise de Pearl Harbour le 7 décembre et l’entrée en guerre des Etats Unis modifia la carte de la guerre. Les Américains n’avaient plus confiance en Pétain depuis le renvoi de Weygand. De Gaulle pensait que rien ne résisterait à la puissance industrielle française. Il avait constitué un Comité national français à Londres. Le Maréchal pense que le plus grand danger est le bolchévisme (les russes résistaient devant Moscou) et que le nazisme s’effondrera par ses seuls excès.
  • Un Conseil de justice politique, créé par Pétain en août 1941 avait condamné les dirigeants de la IIIème République : Edouard Daladier, Léon Blum, le Général Gamelin, Paul Reynaud et George Mandel « pour trahison des devoirs de leur charge » sans que la durée de leur peine eût été précisée. Ils étaient incarcérés au fort de Bourrassol. Le Procès de Riom était désiré par les collaborateurs de Paris qui désiraient que toute la lumière soit faite sur la décomposition du régime précédent et par Romier. Ce procès s’ouvrit une fois l’instruction terminée le 19 février 1942. Mais le contexte a changé, des français participent à la résistance, l’Allemagne n’aligne plus aussi nettement ses victoires, la Russie et les Etats-Unis sont entrés en guerre. Tandis que certains pensent que les condamnés sont davantage victimes que coupables, la Légion des combattants, Thierry Maulnier et Maurras, jugent que les accusés étaient les seuls coupables. Daladier et Blum rejettent les responsabilités sur les militaires, Daladier accuse Pétain d’avoir lui-même désarmé la France.
  • En réalité, à la Conférence de Genève en janvier 1933, moment où soufflait un esprit pacifiste, l’Allemagne réclame le droit au réarmement, le refus de la France provoque le départ de la délégation allemande. L’Angleterre pense que l’intransigeance de Poincaré est à l’origine de la montée du nazisme en Allemagne. Joseph Paul-Boncour propose un nouveau plan de désarmement conforme aux idées de Jaurès : la création d’une armée de métier en lien avec une force internationale « de pointe » chargée d’assurer la paix, au service de la S.D.N. C’était également conforme aux idées du colonel de Gaulle. Weygand, soutenu par la presse de droite s’oppose à ce plan, réclamant davantage d’effectifs. Pétain et Foch s’opposent sur la sauvegarde des frontières, le premier soutenant une ligne continue et le second une ligne discontinue avec quelques points d’arrêt gardant les vallées.  La ligne Maginot s’arrêta à l’extrémité de la frontière allemande, Pétain voulait que l’on envahisse préventivement la Belgique au moment du danger mais Bruxelles refusa. Entre Maubeuge et Dunkerque, rien n’a été construit alors que dans d’autres endroits, on triplait la ligne Maginot. Pétain était en désaccord avec de Gaulle qui préconisait la constitution de corps cuirassés qui eussent pénétré de force au travers des lignes ennemies. Il pensait que les mines et les canons antichars en viendraient à bout  et plaidait la cause d’une puissance aérienne formidable. Pétain ne cessa de réclamer des moyens pour cette force mais le Front populaire ne fut pas responsable de cette carence en 1940 : la vétusté de la production aéronautique française empêcha le pays de construire la force aérienne dont il avait besoin et non des retards imputables aux quarante heures et aux grèves. Dans le domaine des blindés en revanche, les troubles sociaux ont abouti à un ralentissement de la production (Recherches de Robert Frankenstein). Tous jugeaient la guerre inévitable mais ils étaient en désaccord sur sa durée éventuelle.
  • Hitler et les puissances occupantes s’offusquèrent de ce que le Troisième Reich fût déclaré responsable de la guerre et agresseur par les accusés. Ils n’aimaient pas non plus que l’on attribue les raisons de la défaite française dues à la faiblesse de son  armement. Pétain ajourna sine die le procès. Hitler ne supportait pas que le France assiste en spectateur à la poursuite de la guerre avec un coût financier relativement faible. Et la guerre contre les russes s’enlisait, les occidentaux ayant oublié que la Russie était une formidable puissance industrielle.
  • Les dirigeants nazis voulurent contrôler toute l’industrie française soit directement soit par capitaux interposés à partir du premier trimestre 1942. Sauckel institua « le service du travail obligatoire » dans toute l’Europe et la loi relative à l’utilisation et à l’orientation de la main d’œuvre » le 4 septembre 1942.
  • Hitler est conscient que l’âge du Maréchal est un handicap certain pour la France : « Une conversation avec le maréchal Pétain me paraît dénuée d’intérêt-quel que soit le respect que j’éprouve pour cet homme droit qui, lorsqu’il était en Espagne, a toujours eu des rapports courtois avec notre ambassadeur et qui par ailleurs n’a jamais cessé de conseiller à son gouvernement de s’entendre avec l’Allemagne… »[1] Il méprise également Darlan. Les nazis ne cachaient pas leur hostilité à son égard, le rendant responsable du procès Riom.
  • Prenant peur, Pétain accepta le retour de Laval qui devint « chef du gouvernement » responsable seulement devant Pétain le 18 avril 1842. Darlan restait chef des armées. Darquier de Pellepoix prenait en charge le commissariat central aux Questions juives le 6 mai. Darlan était excédé contre la volonté toujours plus déloyale des Allemands, il songeait à passer en Algérie.
  • Le Général Giraud s’évade le 17 avril 1942 et vient dire à Vichy que l’Allemagne allait être vaincue et qu’il fallait maintenant regarder du côté des Américains. Pour Laval, il est encombrant. Darlan fait savoir qu’il est désormais hostile à poursuivre la collaboration. L’idée de Laval était que Giraud retournât en Allemagne et qu’on obtînt du Führer sa libération, ce que le Chancelier était prêt d’accepter mais Giraud refusa et s’entretint à Lyon avec les Américains.
  • Le retour de Laval au pouvoir posa des problèmes aux alliés : Les Etats Unis rappelèrent leur ambassadeur Leahy et les Anglais étaient divisés : Churchill croyait toujours pouvoir détacher Pétain de la collaboration. Mais l’ambassadeur Anthony Eden était d’un avis contraire : la position américaine de tolérance envers Vichy lui était insupportable. Churchill espérait de Vichy l’apport de la flotte française en Afrique et l’invitation aux Anglais et aux Américains d’entrer en Afrique du Nord. Il voulait soutenir la Résistance et de Gaulle sans se lier exclusivement. Mais la reconnaissance officielle de de Gaulle par les Anglais le 3 juin 1942 et l’appui que Churchill obtint des Soviétiques en la circonstance, indisposent Pétain cotre les Anglais.
  • Le départ en Allemagne des S.T.O. suscite des troubles et des résistances, les collaborateurs de Paris ne sont pas dans la confidence des Allemands. Laval refuse toute collaboration militaire avec les Allemands en Afrique du Nord tout en souhaitant la victoire de l’Allemagne par crainte du bolchévisme. S’il souhaite publiquement cette victoire dans son discours du 22 juin 1942, il entend ménager les Américains, imaginant jouer les intermédiaires. L’aide qu’il voulait apporter aux Allemands devait être pour lui d’ordre économique seulement, à l’inverse de Doriot, Déat, Platon ou Benoît-Mechin. Laval espérait donner des gages verbaux aux Allemands pour desserrer leur étreint et négocier en sous-main avec les américains. Pétain semblait renouer avec la collaboration militaire. Après l’échec du débarquement anglo-canadien du 18 août à Dieppe, il proposa à Hitler de participer à la défense des côtes. Benoît-Mechin voulait appliquer rigoureusement le système social et politique allemand et Laval y était hostile.
  • Laval échoua dans sa volonté d’envoyer des travailleurs volontaires en Allemagne en échange de prisonniers (trop peu de volontaires s’y engageaient). Il fut contraint d’édicter la Loi du S.T.O. (réquisition des citoyens de 18 à 50 ans et femmes célibataires de 21 à 35 ans). Beaucoup d’appelés au S.T.O. rejoignirent le maquis. Pétain et Laval approuvèrent le service d’ordre légionnaire issu officiellement le 12 janvier 1942 : le S.O.L. deviendra la Milice créée le 30 janvier 1943. Cette organisation se chargera d’organiser l’arrestation des Juifs étrangers (Laval voulait sauver les Juifs français). L’extermination systématique des Juifs avait été décidée à la conférence de Wansee le 20 janvier 1942. De 5000, le nombre des Juifs à déporter passa à 100 000 le 11 juin et le 12 juin 1942, Himmler ordonna que tous les Juifs de France fussent déportés. En zone occupée, lors de la grande rafle du 16-17 juillet 1942, qui aboutit à l’internement du Vel’ d’Hiv, 12 884 Juifs étrangers et français furent déportés. La répression des « terroristes », c’est-à-dire des résistants fut l’œuvre de la police et de sections spéciales. Le dilemme du gouvernement était de laisser les Allemands agir seuls ou se substituer à eux, ce qui permettait de limiter la répression. Mais les autorités de Vichy  allumaient ainsi une guerre civile. Hitler se félicitait du travail de la police française et l’encouragea. Le nombre de délations augmentait. Au Danemark également occupé, le roi Christian tint tête aux Allemands et 7200 Juifs Danois furent sauvés et transportés par bateaux en Suède. Certains français participèrent aussi à la sauvegarde des Juifs mais il ne s’agissait que de comportements individuels. Jamais Pétain ne montra de réprobation contre les persécutions nazies auxquelles les autorités et l’administration française apporta son concours. Le 21 août 1942, Mgr Salièges adressa une lettre de protestation aux curés de son diocèse, elle fut lue en chaire le dimanche 23 août et fut suivie le 30 par celle de Mgr Théas, évêque de Montauban. Le Cardinal Gerlier, à Lyon, protesta à son tour et les cardinaux et archevêques de la zone occupée avaient écrit à Pétain une lettre affirmant les « droits imprescriptibles de la conscience humaine ». Au total 10 000 enfants et adolescents juifs furent déportés dont quelques dizaines seulement revinrent en 1945. De nombreuses lettres de particuliers et d’instituteurs furent adressées à Pétain qui disait toujours ne rien pouvoir faire. Serge Klarsfeld a jugé que ce n’est pas la défaite de Stalingrad qui a entraîné le ralentissement de la coopération entre polices français et allemande mais bien l’hostilité d’une partie du clergé et de la population française.
  • Darlan jouait donc double jeu entre sa fidélité à Vichy et ses contacts avec les Américains. Ceux-ci veulent débarquer en Afrique du Nord à l’insu de de Gaulle et hésitent entre Darlan et Giraud pour les aider à monter cette opération. Les Américains choisirent Giraud. Les Anglais et les Américains déclenchèrent l’opération « Torch » qui commença le 31 octobre 1942. Giraud qui croyait en avoir le commandement eut une entrevue orageuse avec Eisenhower à Gibraltar. Giraud pose une question opportune ? Que va-t-on dire au Maréchal ? Entre-temps, Darlan  était par hasard à partir du 4 novembre à Alger avant le débarquement du 8 novembre. Mis sur le fait accompli, il est contraint d’en avertir Pétain. Son idée est de combattre suffisamment pour que les Allemands n’aient pas à intervenir mais au point de mettre les Américains en difficulté, puis conclure l’armistice. De Gaulle, furieux d’avoir été écarté, pense que Darlan serait incapable de négocier avec les Américains. Roosevelt écrit à Pétain pour le prévenir d’un débarquement en Afrique du Nord en guise de soutien à la France opprimée. Pétain répond qu’il est en réalité « attaqué » mais fait comprendre au médiateur « Tuck » qu’il est content. Pétain envoya un message à Darlan où il exprimait toute sa confiance. Hitler réagit en déclenchant le plan « Attila » devenu le plan « Anton » qui était l’envahissement de la zone libre. Hitler était sceptique au sujet de la déclaration de guerre de Vichy aux Alliés. Les Allemands ont envoyé des avions en Tunisie. Laval déclare qu’il y est favorable mais le Maréchal est si épuisé qu’il promet une décision le lendemain. Laval va à Berlin avec du cyanure dans sa poche le 9 novembre (cette ampoule lui servira pour tenter de se suicider en 1945). Darlan a négocié in cessez-le-feu avec les Américains à Alger. Laval demande à Pétain de l’annuler jusqu’à son entrevue avec Hitler pour que la zone libre ne soit pas envahie.
  • Une situation de confusion totale s’installe le 10 novembre : le Maréchal est pris entre des forces qui le font plier tantôt dans le sens d’une entente avec les Américains (et dans ce cas d’une rupture de l’armistice avec les allemands) et d’une soumission à Hitler à cause de l’imminence de l’invasion de la zone libre. Les historiens divergent sur l’existence d’un deuxième télégramme envoyé à Darlan pour contredire un premier ordre de se défendre contre les Américains. Dans son entrevue avec Hitler à Munich, Laval essaie de gagner du temps. Hitler comprenant qu’il ne pouvait rien attendre de lui donne l’ordre de lancer une solide tête de pont en Tunisie et d’entreprendre l’opération « Anton » le II novembre à 7h10. Pétain lance un message de protestation qu’à Berlin on juge inoffensif et de pure forme.
  • La confusion régna aussi dans l’armée. Weygand et De Lattre de Tassigny qui avaient prévu la continuation de la lutte sont arrêtés. On attendait un débarquement américain dans le midi qui ne venait pas. Des dispositions secrètes avaient été prises, c’est-à-dire la dissolution de l’armée de l’armistice et la préparation d’une armée de résistance : L’Organisation de résistance de l’armée, l’O.R.A. qui se rallie au Général Giraud. Simultanément, s’opère le ralliement officiel du Parti communiste et de F.T.P. à la France combattante et à son chef, le Général de Gaulle.
  • Il y avait désormais « trois France » :
  • La France du Maréchal où zone occupée dont l’administration restait en principe, du moins en zone sud sous le contrôle du gouvernement mais où l’ingérence de la Gestapo augmentait,
  • La France d’Alger sous l’autorité de Darlan qui cède aux Américains une part de la souveraineté en échange reconstitution des armées françaises, l’O.R.A. s’y rallie ainsi que Pucheu qui gagnera Alger en 1943,
  • La France libre de de Gaulle, à Londres, Brazzaville et Madagascar à laquelle se rallient la plupart des groupes de résistance dont les communistes.
  • L’Allemagne pressent Pétain et Laval de déclarer la guerre aux Anglo-saxons, ce qu’ils refusent.  Weygand est arrêté et expédié en Allemagne. Pétain destitue Darlan et le général Barré qui en Tunisie avait fait tirer sur les Allemands. Pétain est incohérent dans la mesure où il félicite l’amiral Platon qui cherche à faire retourner l’armée française contre les alliés et félicite Barré. Une phalange de deux brigades de 7000 hommes se range du côté des Allemands, elle sera réduite par les Allemands à 205 hommes et sera détruite par les Alliés qui entrèrent à Tunis le 7 mai 1943.
  • L’Allemagne fait pression sur Pétain pour qu’il cède tous les pouvoirs à Laval. La Maréchale intervient à la fois pour dire à Laval qu’elle doute de l’usage des pouvoirs qu’il va utiliser mais qu’elle le remercie de décharger le Maréchal d’une grave responsabilité. Pétain lui a accordé les pouvoirs avec des réserves : ce devait être provisoire, l’état de guerre ne devait être déclaré à aucune puissance extérieure et l’intégrité de l’Alsace devait être gardée ainsi que la sécurité des détenus politiques.
  • L’amiral Darlan obtient le ralliement de l’Afrique occidentale française avec la base de Dakar. Hitler en représailles, donne l’ordre de marcher sur Toulon et de se saisir de la flotte française. Certains ont affirmé que la flotte aurait pu rejoindre Darlan à son appel mais elle s’est sabordée le 27 novembre. Darlan affirma avant sa mort avoir voulu appliquer le plan de Pétain prévu en 1940 dans le cas où la France serait totalement occupée.
  • A partir de novembre 1942, Pétain devient un souverain potiche auquel on fait très rarement appel. Mais il refuse toujours de quitter Vichy, pour partir à Alger se disant vouloir être responsable du sort des Français. Certains ministres et hommes politiques partent. Laval pense que soit l’Allemagne gagnera la guerre et il  signera une paix honorable, soit elle perdra et de Gaulle reviendra et il sera pendu. L’opinion publique se détourne de plus en plus du Maréchal. Il y a de la confusion dans les rapports de la presse qui affirme l’accord total entre Pétain et les Allemands. Les français ignorent certaines décisions que les milieux politiques connaissent. On ignore tout des rapports entre Darlan, Giraud et les Américains, entre Giraud et de Gaulle. On respecte encore le Maréchal que l’on pense prisonnier et parfois impuissant. Il reste populaire alors que l’impopularité de Laval grandit. Plus le temps passe, plus on pense que le Maréchal est contraint de jouer un double jeu alors que Laval conduit une politique dictée par l’ennemi. La France rurale demeure attentiste tandis que la classe ouvrière guette la revanche. L’Eglise a de très bons rapports avec l’administration bien qu’elle prenne des attitudes courageuses en faveur des Juifs. Le petit monde du commerce et de l’alimentation partage avec celui du spectacle et du cinéma des bénéfices (marché noir et représentations dans Paris occupée. Les journaux de résistance manifestent une colère qui s’exprime dès le 14 juillet 1942 après le discours de Laval du 22 juin souhaitant la victoire de l’Allemagne. Les arrestations de résistants, la réquisition de la main d’œuvre, les déportations de Juifs, les perquisitions montraient que la zone libre ne méritait plus son nom.


  1. La déchéance
  • Les Allemands avaient préparé ce texte « 3 décembre 1943 : « Le départ du maréchal Pétain a maintenant ouvert un champ libre à la vraie France… à l’origine de son départ, il y a la tragédie personnelle d’un vétéran… » Le texte est un télégramme ultrasecret adressé par Otto Abetz à son représentant à Vichy et destiné à stigmatiser le Maréchal qui a conduit le pays à l’abîme. Ils ne l’ont pas publié parce que Pétain avait cédé à toutes leurs exigences mais n’était pas parti.
  • En Italie, le Roi avait destitué le Duce .le 25 juillet 1943 à la suite du débarquement allié en Sicile le 10. Le 8 septembre, l’Italie capitulait et déclarait la guerre à l’Allemagne. Hitler réagit par l’opération « Axe » : délivrant Mussolini le 12 septembre, il crée une république fasciste à Salo dans le nord de l’Italie, fait désarmer les italiens en France et les forces allemandes occupent la rive gauche du Rhône. Sur le front de l’Est, après la capitulation de Stalingrad, les forces allemandes reculent sur tout le front. Les Anglo-saxons redressaient la situation dans le Pacifique. A la conférence de Téhéran le 29 novembre, chacun des rois alliés se présente avec sa moisson de succès. Goebbels presse Hitler de conclure une paix séparée avec les soviétiques mais Hitler refuse. Les V1 bombardent Londres et les V2 promettent d’être plus destructeurs encore.
  • La Corse a été libérée par une initiative du Général Giraud le 5 octobre après un soulèvement des résistants en août. Hitler craignait que le même scénario se produise sur le continent. Vichy pensait que de Gaulle travaillait avec Moscou en rivalisant avec Giraud. Les Américains pensaient à cette date perpétuer la France vichyste avec Pétain, sans Laval et sans de Gaulle. Pour les hommes de Vichy, il faut que Pétain renforce sa propre légitimité face à de Gaulle. On note en effet qu’avec le triomphe possible de de Gaulle à Alger, et le renversement des opérations militaires depuis Stalingrad, pas un seul candidat ne se présente cette année pour le Conseil national.
  • La Résistance prend de l’ampleur, s’enrichissant de nombreux réfractaires appelés pas les S.T.O. On comptabilise 5000 maquisards permanents en zone Sud fin octobre 1943. Mais certains candidats fuyant les S.T.O. pouvaient entrer dans la milice de Darnand. Le nombre des arrestations par les Allemands augmente considérablement (120 000 personnes sont passées par les geôles et 80 000 fin 1943). L’ambassadeur de Vichy à Paris, de Brinon est un des collaborationnistes le plus acharné. Il est considéré comme un traître et un espion mais il essaie de sauver des vies. Cependant, les services français n’obtiennent que très peu de résultats. Certains collaborationnistes réclament un gouvernement national-socialiste pour contenir le soutien parfois passif à la Résistance. Les ultra-collaborationnistes visent les autres hommes de Vichy qui tel Romier dit que la France doit rester une République. Laval est attaqué aussi par les maquisards, il refuse aux allemands de déporter des Juifs français puis cède sur les fraîchement naturalisés. Vichy cherche à prendre du champ vis-à-vis de Berlin tout en essayant de neutraliser les forces gaullistes d’Alger et de maintenir une possibilité de renouer avec les américains. Mais l’Etat vichyste ne peut plus rien faire sans l’assentiment de l’occupant.
  • L’impopularité de Laval est si grande qu’elle risque de s’étendre à Pétain. Ce dernier songe à se débarrasser de lui une nouvelle fois quitte à s’appuyer sur les collaborationnistes de Paris. Laval voudrait lui, se débarrasser de Pétain et des collaborationnistes de Paris pour accroître sa marge de manœuvre vis-à-vis des Allemands. Pétain propose aux allemands un nouveau gouvernement et s’appuie sur Salazar dont un envoyé plaide pour lui. Cette stratégie montre qu’il renoue avec l’idée d’une politique conforme à l’idéologie de Salazar qu’il avait voulu appliquer en France. Laval veut savoir qu’elle est l’attitude du Führer à son égard. Hitler le convoque à Berchtesgaden le 29 novembre 1942. Mais Laval a évolué, il prône toujours la collaboration mais sachant que le contexte a changé, il veut se maintenir à distance pour le jour venu pouvoir jouer le rôle d’intermédiaire tout en manifestant sa solidarité avec l’Allemagne dans sa lutte contre le bolchévisme.
  • Laval aurait envisagé une hypothèse d’une opération contre Pétain mais l’extrémiste Platon (il était acharné contre les Juifs et les francs-maçons) a été l’agent du complot que la Maréchal montait contre Laval. Mais les allemands ont déjoué le complot Platon-Pétain contre Laval. Leur politique à l’égard des Allemands n’est pas très différente et ils en sont arrivés sans se consulter à la même conclusion : il faut revivifier la légitimité du régime. On sait que la France libre a annoncé à Alger qu’un tribunal jugerait les responsables de Vichy. Pétain souhaite une loi de succession qui écarterait Laval et le retour au parlementarisme pour prévenir les élus d’un ralliement au régime d’Alger. Lucien Romier est choisi comme successeur éventuel de Pétain et un projet de constitution est rédigé avec le mot « république » dans le préambule. Pétain envisageait des contacts occultes avec les américains et un accord avec les milieux allemands non nazis. Il veut diffuser un appel à la nation dans lequel il lègue les pouvoirs à l’Assemblée nationale en cas de décès dans le cadre d’une nouvelle constitution à bâtir et il prévient Laval. Ce dernier, stupéfait, dit qu’il faut tenir compte de l’occupant. En effet, le message qui devait être diffusé le 13 novembre 1943 est soumis à l’interdiction d’être diffusé par les allemands. Le Maréchal, qui en avait pris l’engagement, déclare cesser ses fonctions. Ribbentrop avait prévenu en apprenant le 12 octobre que Pétain avait voulu remanier son gouvernement et limoger Laval qu’aucun changement ne pouvait être toléré sans l’accord des Allemands. Ribbentrop veut éviter la démission de Pétain à tout prix et il donne des instructions pour que le texte de loi préparé par Pétain ne passe pas. Le 27 novembre, Abetz remet à Pétain une longue lettre de Ribbentrop dans laquelle le Führer refuse absolument la passation de pouvoir à l’Assemblée nationale, celle-ci ayant été à l’origine de la guerre de 1939 et comportant en outre des éléments qui luttent contre l’Allemagne. Il exige désormais que tout projet de loi ou décret soit soumis au gouvernement allemand tant sur le plan de la politique extérieure que sur la politique intérieure. Il ajoute que le Maréchal n’a pas poursuivi la politique de collaboration, que le premier coup d’état contre Laval du 13 décembre 1940, la trahison des généraux et amiraux à Alger ainsi que cette nouvelle tentative de révision constitutionnelle ne sont en fait que destinés à jeter des ponts avec le gouvernement d’Alger, et par la suite avec les Anglais et les américains. Le gouvernement allemand demande à M. Laval de remanier le cabinet français en éliminant les éléments gênant la collaboration pour les remplacer par des personnes sûres. L’Allemagne ajoute-t-il mène un rude combat contre le bolchévisme et cette lutte doit être facilitée par la France. L’attitude de l’armée allemande qui seule mène ce combat dépendra de l’attitude de la France.
  • La réponse du Maréchal a été une tentation de minimiser l’affaire, de parler d’une incompréhension. Abetz a cependant eu connaissance du fait que Giraud aurait prévenu Pétain qu’il le considérait toujours comme le chef de l’Etat à condition qu’une assemblée nationale soit convoquée. Cela aurait permis que se développe « une dissidence indépendante de de Gaulle et des communistes. »
  • Pétain recule et capitule le 6 décembre. Dans une lettre au Führer, il affirme son désir de réconciliation avec l’Allemagne. Ceux-ci placent près de lui un conseiller : le ministre Von Renthe-fink. Des intrigues se sont déroulées dans ses appartements pour lui conseiller de démissionner et de libérer la France d’une politique de collaboration avec l’Allemagne. Dans la nuit du 28 au 29 décembre, Abetz a fait amener des forces de police et des détachements armés devant la ville de Vichy. Il se joint à Laval pour présenter un front uni devant Pétain. Abetz raconte que le maréchal a maintenu sa volonté de démissionner, il a réitéré des reproches contre Henriot et Déat. Pétain a essayé de défendre le poste de Jardel et a ainsi trahi qu’il était au courant des soutiens que Jardel avait fait parvenir à l’armée secrète de 1940 à1942. Il a ensuite accepté que Laval forme son nouveau gouvernement. Abetz termine son rapport en notant que le Maréchal « présente certains phénomènes de fatigue et de dépression ».
  • Les nazis s’inquiètent de ce que les militaires allemands voulant se débarrasser d’Hitler pour faire une paix durable avec la France puissent être en contact avec Pétain. L’avocat de Pétain, Jacques Isorni a pensé qu’il y avait une relation entre l’insistance de Pétain à parler de « politique de réconciliation » avec l’Allemagne avec le complot que fomentent des militaires allemands contre le Führer. En réalité, ce n’est pas de cela dont il s’agit : Pétain prend ses distances avec la collaboration dans ce qu’elle a de circonstanciel, il l’inscrit dans une histoire longue, elle doit transgresser les guerres et si ce n’est pas réussi actuellement, la faute n’en revient pas à la France. Ce qui peut signifier : laissez-lui sa liberté et elle persévéra dans cette voie. Il veut aussi signifier à Hitler et à Ribbentrop qu’à l’origine de cette politique, on trouve Pétain et non pas Laval.
  • Pétain veut aussi profiter de l’impopularité de Laval pour tenter une ouverture en direction des Américains. Le colonel Gorostarzu avait été chargé d’emporter le projet de constitution caché dans une miche de pain pour le remettre à Roosevelt au Portugal. Pétain veut préserver sa légitimité et ruiner celle de de Gaulle.
  • La radio de Londres voit dans la réforme constitutionnelle une manœuvre des Allemands pour détourner une centaine de parlementaires d’Alger. Mais on ne voit pas que cette tentative n’est pas d’origine allemande. Les Français qui ont connaissance du projet constitutionnel ignorent à la fois ce qu’il recouvre, la gravité de la crise, la confrontation tragique de Pétain avec les Allemands et sa déchéance finale.
  • Le couple Pétain et Laval va continuer à survivre. Mais le plus grave est la présence de von Renthe-Fink qui exerce une surveillance étroite sur le Maréchal, celui-ci devant justifier tous ses déplacements et visites et qui l’empêche de se rendre dans sa propriété de Villeneuve-Loubet. Pétain va avoir 88 ans et les événements de novembre 1943 l’ont brisé. Réduit à l’impuissance, il va désormais essayer d’obtenir l’aide des Américains non plus contre de Gaulle mais avec lui.  
  • Il est assuré que Pétain résiste aux Allemands. Mais il dénonce les « désordres » qui sont le fait de la Résistance et fait ainsi de Vichy l’allié des Allemands dans leur répression contre les patriotes.
  • Darnand s’était montré l’un des artisans de la victoire en 1918. En 1942, il adhérait à la Légion des volontaires français contre le bolchévisme. Il est à l’origine de la création de la Milice le 30 janvier 1943 puis s’engagea dans Waffen S.S. en octobre 1943.La Milice obtient des Allemands d’être armée et en janvier 1944 et elle peut utiliser les stocks d’armes françaises constitués depuis l’armistice avec l’aval de Pétain. Elle va ainsi semer la terreur dans la zone sud.
  • Parti d’un mouvement généreux envers le maquis de Glière en Savoie, Pétain demande à Darlan de les inciter à se rendre. Mais ce dernier échoue et Pétain laisse les miliciens fusiller les survivants. C’est le même processus qui s’est passé à Châteaubriant.
  • Pétain cède à Renthe-Fink qui depuis plusieurs semaines réclame à Pétain une déclaration officielle contre le maquis. C’est l’allocution du 28 avril 1944 dont la phrase : « Quiconque participe aux groupes de Résistance compromet l’avenir du pays. » En zone nord, ce sont les forces du parti de Doriot qui contrôlent la situation, (la Milice y est interdite comme expression d’un parti politique). A la suite de ce discours, la Milice a augmenté ses exactions (pillage, vols meurtres, arrestations et torture).
  • Pétain haïssait les groupes de résistants parce qu’il haïssait les communistes. Il se dit sous la pression des Allemands et fait des visites aux zones bombardées par les Alliés qui préparent un débarquement. Il parle avec espièglerie de sa situation de prisonnier des Allemands et se fait acclamer par les foules en disant qu’il a réussi à échapper à ses geôliers. Les Allemands couvrent ensuite l’événement dans les journaux en s’attardant sur les bombardements. En réalité, ceux qui acclamaient alors le Maréchal Pétain à Paris ou à Nancy n’acclamaient pas la politique de Pétain et de Laval, ils acclamaient la France qui était en train de revenir. En outre, dans la zone nord, on n’identifiait pas le régime de Vichy avec les horreurs perpétrés par la Milice en zone sud. C’est en zone sud que s’est effectuée progressivement l’identification de Vichy au fascisme surtout depuis que Henriot à la radio, Darnand à la Milice, ou Laval, avaient défini une politique qui semblait l’emporter sur celle que l’on croyait incarnée par le Maréchal Pétain.
  • Pétain et Laval avaient toujours refusé l’entrée au gouvernement de Marcel Déat. Mais les Allemands l’exigèrent le 11 mars 1944. Déat voulait le pouvoir mais n’avait pas compris que les Allemands ne voulaient pas d’une réelle collaboration avec eux, ils voulaient seulement qu’ils participent à l’effort de guerre. Laval à ce moment-là l’avait compris. Déat devint Secrétaire d’Etat au Travail au moment où Sauckel ne réclamait pas moins d’un million de travailleurs français. Pétain refusa de signer le décret de sorte que Déat devint un ministre « illégal ». Pétain l’a néanmoins reçu et Déat a écrit avoir été bien reçu. Déat a signé une circulaire qui ordonnait la réquisition des hommes âgés de 45 à 60 ans. Mais Laval a réussi à limiter les pouvoirs de Déat.
  • Pétain ne céda pas sur un point : les Allemands voulaient lui faire visiter les fortifications qui devaient résister au débarquement et le Maréchal refusa.
  • Dès le 4 mai, les Allemands déclarent à Pétain qu’un débarquement est imminent et qu’il lui faut quitter Vichy pour Voisins près de Rambouillet. Il refuse faisant savoir qu’il quitte Vichy sous la contrainte puis accepte sous la pression, acclamé par la population de Vichy. Il fait ses voyages dans les villes françaises puis est autorisé à rentrer à Vichy. Il s’installe dans le petit château de Lonzat, à 16km de la ville d’eau. Il refuse de présider le Conseil des Ministres et ignore ce qui se passe. Il pense que l’armée allemande protège la France contre le bolchévisme, s’irrite contre de Gaulle et rêve d’avoir des contacts avec les Américains dont il ignore le changement de politique.
  • Un rapport secret du 6 novembre 1943 témoigne du changement d’attitude des Américains en faveur de de Gaulle : ils le soutiennent en espérant qu’il se détache de l’aide soviétique et pensent que Pétain est prisonnier des Allemands.

D’autres témoignages attestent en effet que durant cette période, la popularité de l’armée rouge croît à mesure que la terreur nazie augmente. Les français avaient en effet de la sympathie pour les Anglo-américains mais ils espéraient une victoire par l’Est qui leur éviterait une bataille sur le sol national.

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