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Nicolas Mariot Bains de foules, fiche de lecture

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Par   •  21 Août 2018  •  Fiche de lecture  •  6 150 Mots (25 Pages)  •  694 Vues

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Nicolas Mariot, Bains de foule. Les voyages présidentiels en province, 1888-2002, Belin, 2006[1]

Introduction

Les rassemblements collectifs et notamment les voyages présidentiels donnent lieu à un compte-rendu qui évoque l’effervescence et la liesse, comme si celles-ci étaient la « preuve » d’une adhésion, une confiance dans le chef de l’Etat.  Comme si le rite était la preuve d’une foi, d’une croyance.

Or il convient plutôt d’analyser cette liesse comme une institution, un modèle pré-établi auquel les individus participent mais sans que cela ne permette d’en déduire les motivations individuelles. La liesse qui accompagne ces rassemblements est à prendre comme une attitude considérée comme appropriée à avoir (des hourras, des chapeaux lancés en l’air).

En effet, on ne peut considérer ces coutumes comme l’extériorisation des croyances d’une société. Comme l’écrit Paul Veyne « La plupart des cérémoniels sont ainsi des conduites qui n’ont pas pour fonction d’affirmer la croyance qu’ils contiennent (…) l’erreur est de prendre un cérémoniel pour une proclamation de foi, par un excès d’intellectualisme ».

Première Partie – Théologie du voyage : les mécanismes psychologiques d’un succès annoncé

Chap. 1 Les formes du récit : qu’est-ce qu’un voyage à succès ?

Comment sont rédigés les comptes rendus ? Quelles représentations des déplacements présidentiels ?

 Les voyages présidentiels font presque toujours la Une des journaux et souvent même accompagnés d’une image ou d’une photographie. C’est même très régulier : ainsi pour l’année 1932, 6 déplacements du président Lebrun font la Une de L’Illustration, avec à chaque fois une photo en couverture et un reportage intérieur. Ce n’est qu’à partir des années 1970 que la presse réduit la part qu’elle consacre aux déplacements présidentiels.

Remarque : Il y a une évolution du voyage au cours du XXe siècle : les déplacements étaient des passage en revue des publics et des territoires, puis à partir de De Gaulle, une transition : il rompt le bain de foule pour s’adresser à une public cible et ce sera de plus en plus le cas des voyages présidentiels par la suite ont une cible thématique. Le principe de l’écoute prend le pas.

Tous ces articles sont marqués aussi par l’exubérance pour décrire les foulent qui se massent, les « Vive untel ».  Les comptes rendus attestent de la liesse des collective, qui vise à montrer l’union consensuelle des sentiments transcendés par la venue du chef de l’Etat. La foule y est décrite de façon indistincte et naïve toujours dans le registre de l’affect. C’est la description des corps en acclamation qui fait exister le voyage présidentiel comme une pratique efficace. Pour cela les comptes rendus décrivent toujours les décors de fête et tentent de faire parler les comportements.

 Les visites se doivent d’être des spectacles qui bouleverse l’environnement sensoriel quotidien par les décorations, les illuminations, la musique.

Les décors de la ville d’abord qui est transformée comme lors des entrées royales de l’Ancien Régime :

  • on repeint les façades, on refait le mobilier urbain, on couvre la rue de oriflammes, mâts et drapeaux, arc de triomphe… On repave les rue, on refait les trottoirs….
  • Le tout financé par les municipalités ce qui témoigne de l’importance donnée à la visite présidentielle. Ainsi la visite de Carnot à Nancy en 1892 coûte 186000 francs (équivalents 3,8 millions de francs au cours de 2001)… dont les 2/3 ont finalement servi à la rénovation de la ville
  • Mais en moyenne, la moitié du budget est consacré à la décoration, le pavoisement de la ville, car il est supposé manifester l’engagement des habitants de la ville et leur respect. A l’inverse un manquement de pavoisement est remarqué par la presse
  • Une enveloppe prévue aussi pour la promotion de l’événement : album photo, articles de journaux.

Pour les municipalités, ces décorations créent un espace pour le Président et en même temps créent une frontière avec le temps ordinaire, tout en voulant manifester au commentateur une adhésion du public.

Insistance des commentaire sur le brouhaha des sons : cris, acclamations, cloches qui sonnent presque en continu, en tout cas sans plus aucun respect d’indication d’heure.

Dernier point : l’éblouissement à la fois par les décorations, mais aussi les illuminations, des jeux de lumière, les feux d’artifice (exemple de la description de la visite de Millerand à Besançon en 1923 page 62) avec une utilisation nouvelle de l’électricité.

Cette frénésie sensorielle tient une place centrale dans les visites présidentiels car elle sert à entraîner l’enthousiasme de la population et en même temps en est une représentation. L’éblouissement du décor est lié dans les commentaires des journalistes à la ferveur et la joie des spectateurs.

 Les commentaires des journalistes, des autorités ou de la police soulignent toujours la charge sentimentale de la présence de la foule, soulignant à la fois la liesse collective et les émotions d’individus par des gros plans sur quelques images. Ces envolées sentimentales sont perçues comme des preuves d’adhésion pour le commentateur.

Ainsi le journaliste Jean Paul Ollivier qui consacre un livre au tour de France de De Gaulle entre 1959 et 1965 finit en concluant pour l’année 1963 : « Y aurait-il désaffection des foules, en raison des évènements sociaux ?(…) On peut se livrer à des études sur les variations de température d’une ville à l’autre (…) mais le fait demeure : les foules étaient aussi importantes et avaient les mêmes réactions enthousiastes que lors des précédents voyages »… bref le test de popularité serait réussi.

 A quelques exceptions près, les huées ne parviennent pas à enrayer une machine qui est bien mise en scène.

 Autre idée intéressante qui ressort des commentaires des journalistes, la désaffection des Français apparaît pire que l’opposition franche. Les voyages ont cette fonction de manifester un attachement physiquement. Ainsi un tract est diffusé à Dieppe lors d’un voyage de Millerand en 1921 et en appelle « que su le passage du cortège officiel, votre silence et votre tristesse fassent éclater votre mécontentement et votre réprobation »… les militants locaux ont bien perçu ici ce qui pouvait être l’arme la plus efficace. Mais en même temps ce type de manifestation d’hostilité est très difficile à organiser massivement. En ce sens le voyage présidentiel ne sert qu’à témoigner de la popularité, même si elle est relative.

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