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Socrate de Constantinople, Histoire écclésiastique

Commentaire de texte : Socrate de Constantinople, Histoire écclésiastique. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  25 Juin 2018  •  Commentaire de texte  •  2 148 Mots (9 Pages)  •  853 Vues

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Si depuis des siècles les philosophes avaient été considérés comme des figures sacro-saintes, intouchables par les conflits politico-religieux des cités de l’Empire, le cas du meurtre d’Hypatie d’Alexandrie par un groupe de chrétiens zélés tend à se présenter comme un épisode d’un genre nouveau.

Notre source, un texte de Socrate de Constantinople tiré de son Histoire ecclésiastique, présente la figure d’Hypatie d’Alexandrie, philosophe païenne, et de son assassinat en 415 (« la quatrième année de l’épiscopat de Cyrille, sous le dixième consulat d’Honorius, et le sixième de Théodose », ligne 19) durant le carême (« en mars, pendant la période des jeûnes », ligne 19), à Alexandrie (ligne 1).

Le texte est situé au livre VII de l’œuvre, couvrant le règne de l'empereur Théodose II jusqu’en 438. Plus précisément, le passage se trouve au chapitre XV, faisant suite au récit des troubles entre juifs et chrétiens (chapitre XIII) et à l’attaque du Gouverneur d'Alexandrie par des moines partisans de Cyrille, adversaire politique de la victime (chapitre XIV). Aussi, notre texte constitue une source majeure sur Hypatie d’Alexandrie avec Synesius de Cyrène, Damascios le Diadoque et Jean de Nikiou bien que ce dernier se détache par son caractère trop partial.

Les chapitres précédents de l’histoire ecclésiastique de Socrate nous permettent d’appréhender le contexte de cet assassinat. D’abord un contexte géographique : la scène se déroule à Alexandrie, une ville particulière tant par son aspect démographique (une des villes les plus peuplées de l’empire) que culturel. La cité dispose d’un caractère cosmopolite où cohabitent égyptiens, juifs et chrétiens, ce qui a souvent été source de conflits et d’émeutes. À noter toutefois qu’avant la christianisation de la ville, ces affrontements entre communautés religieuses n’avaient pas de dimension religieuse à proprement dite. En est-il que la ville se trouve d’autant plus agité que la situation politique est favorable à des affrontements. En effet, depuis 380 (édit de Thessalonique) et 391 (édit dit de Milan), l’Empire chrétien interdit la pratique des cultes païens. À Alexandrie, le patriarche Théophile est chargé de faire appliquer ces édits. Toutefois, au moment des faits présentés par Socrate, ce n’est plus Théophile mais son neveu, Cyrille (patriarche depuis 412) qui est en charge ; celui-ci se fait connaitre par une politique violente et s'attache à éradiquer le paganisme, le judaïsme et ce qu'il considère comme des hérésies, comme le novationisme.

Concernant l’auteur, Socrate de Constantinople, celui-ci est un auteur chrétien du Vème siècle, de langue grecque, et connu dans sa qualité d’historien ecclésiastique. Sa particularité tient au fait qu’il appartient au courant dit novatianiste, s’étant formé à la suite de la prise de position de Novatien sur les lapsi au IIIème. Cette information pourrait-elle remettre en question la partialité de l’auteur dans son récit et particulièrement vis-à-vis de Cyrille, persécuteur de sa communauté ?

Tous ces éléments nous permettent de réfléchir sur la nature de l’assassinat d’Hypatie. Dans quelle mesure ce meurtre s’est-il inscrit dans les mémoires ? En quoi cet épisode est-il révélateur du sort des opposants à la politique de Cyrille d’Alexandrie ?

Le texte semble présenter deux axes majeurs ; il se concentre d’abord sur la figure d’Hypatie d’Alexandrie, une philosophe de culture grecque influente et respectée avant de décrire son assassinat, un meurtre violent et prémédité.

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Il apparait, de manière évidente, que notre source a pour sujet central la figure d’Hypatie d’Alexandrie, un personnage présenté comme une femme de culture grecque, influente et respectée.

Plusieurs éléments dans la première partie du récit de Socrate de Constantinople permettent de brosser un bref portrait du personnage.

Dès la première ligne est évoqué son sexe - « une femme » - complété par sa profession : « elle avait reçu la succession de l’école platonicienne issue de Plotin » (ligne 2). Elle est donc philosophe comme le confirme aussi la ligne 3 : « elle exposait à ceux qui le voulaient tous les enseignements philosophiques ». Enfin, un dernier élément biographique nous est présenté au début du passage, renseignant sur sa filiation : « c’était la fille du philosophe Théon ». Ledit « Théon » était le dernier directeur du Musée d’Alexandrie jusqu’en 391 (fermeture du Sérapeion), présenté ici comme philosophe mais connu aussi pour ses commentaires de de Ptolémée, ses travaux d’astronomie et sur la géométrie euclidienne. Ce lien de filiation nous est confirmé par Damascios le Diadoque, dans sa Vie d’Isidore : « Hypatie, fille : de Théon le géomètre et philosophe d’Alexandrie » ; à noter que la Souda, une encyclopédie byzantine du Xème siècle, nous en parle aussi comme un géomètre. Ainsi, le texte nous renseigne dans un premier temps sur des éléments biographiques. Nous savons qu’Hypatie d’Alexandrie était une femme, philosophe et la fille du dernier directeur du Musée d’Alexandrie.

Elle apparait donc comme un personnage original : une femme intellectuelle dans un monde profondément masculin et hostile à l’émancipation des femmes, et vivant dans une des capitales de la philosophie du monde occidental : Alexandrie.

Quid du contenu de ses enseignements ? Nous n’avons aucun élément permettant de préciser sa pensée philosophique mais Socrate nous indique qu’elle avait « reçu la succession de l’école platonicienne issue de Plotin », ce que confirme Damascios quand il dit qu’elle interprétait « Platon, Aristote ou l’œuvre de tout autre philosophe à ceux qui voulaient l’entendre ». Ainsi Hypatie était une philosophe néoplatonicienne, positionnement commun finalement quand on considère le lieu et l’époque. Certains commentateurs ont supposé qu’elle aurait pu hériter des idées de son père. En est-il que sa pensée était surement christo-compatibles puisqu’elle était inspirée de celles de Plotin, philosophe gréco-romain du IIIème siècle (source d’influence pour Augustin d’Hippone, théologien chrétien). Aussi, Hypatie correspondit avec Synésius de Cyrène, évêque, qui dans plusieurs de ses lettres fait l’éloge tant de sa pensée que de la personne (« Mes salutations à la philosophe si chère à Dieu, et que nous ne saurions trop vénérer », Lettre XVI ou encore « C’est pour vous seule que je négligerais ma patrie », Lettre XXIV).

Par sa profession, ses

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