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Le Émile Sautour, « Paroles de Poilus, Lettres et carnets du front »

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Par   •  16 Avril 2013  •  891 Mots (4 Pages)  •  3 044 Vues

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Émile Sautour, « Paroles de Poilus, Lettres et carnets du front », 1916.31 mars 1916

Mes chers parents, ma bonne petite sœur,

Il me devient de plus en plus difficile de vous écrire. Il ne me reste pas un moment de libre. Nuit et jour il faut être au travail ou au créneau. De repos jamais. Le temps de manger aux heures de la soupe et le repos terminé il faut reprendre son ouvrage ou sa garde. Songez que sur vingt-quatre heures je dors trois heures, et encore elles ne se suivent pas toujours. Au lieu d'être trois heures consécutives, il arrive souvent qu'elles sont coupées de sorte que je dors une heure puis une deuxième fois deux heures. Tous mes camarades éprouvent les mêmes souffrances. Le sommeil pèse sur nos paupières lorsqu'il faut rester six heures debout au créneau avant d'être relevé. Il n'y a pas assez d'hommes mais ceux des dépôts peuvent être appelés et venir remplacer les évacués ou les disparus. Un renfort de vingt hommes par bataillon arrive, trente sont évacués. Il n'y a pas de discipline militaire, c'est le bagne, c'est l'esclavage !... Les officiers ne sont point familiers, ce ne sont point ceux du début. Jeunes, ils veulent un grade toujours de plus en plus élevé. Il faut qu'ils se fassent remarquer par un acte de courage ou de la façon d'organiser défensivement un secteur, qui paie cela le soldat. La plupart n'ont aucune initiative. Ils commandent sans se rendre compte des difficultés de la tâche, ou de la corvée à remplir. En ce moment nous faisons un effort surhumain. Il nous sera impossible de tenir longtemps ; le souffle se perd. Je ne veux pas m'étendre trop sur des aits que vous ne voudriez pas croire tout en étant bien véridiques, mais je vous dirai que c'est honteux de mener des hommes de la sorte, de les considérer comme des bêtes. Moindre faute, moindre défaillance, faute contre la discipline, 8 jours de prison par le commandant de la compagnie, porté par le Colonel. Le soldat les fait. Au repos, il est exempt de vin et de viande. Nous sommes mal nourris, seul le pain est bon. Sans colis,que deviendrions-nous ? La nuit que j'ai regagné le secteur actuel, nos officiers nous ont perdus. Nous avons marché trois heures sous bois pour gagner le point de départ. La pluie et la neige tombaient. Il a fallu regagner le temps perdu et par la route nous avons monté en ligne. Mais le danger est grand pour faire passer un bataillon sur une route si bien repérée. Nous avons été marmités mais pas de pertes. Nous avons parcouru quatorze kilomètres en deux pauses. En ce moment c'est beaucoup trop pour des hommes vannés et par un temps abominable.

J'ai voulu vous montrer que ceux qui vous diront que le soldat n'est pas malheureux au front, qu'un tel a de la chance d'être valide encore, mériteraient qu'on ne les fréquente plus. Qu'ils viennent donc entendre seulement le canon au-dessus de leurs têtes, je suis persuadé qu'ils regagnent leur chez-soi au plus vite. Nos misères empirent chaque jour, je les vaincrai jusqu'au bout. A bientôt la victoire, à bientôt le baiser du retour.

Émile

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