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L'urbanisation Dans L'histoire

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Par   •  21 Janvier 2013  •  2 320 Mots (10 Pages)  •  849 Vues

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Depuis plus d'un quart de siècle, les historiens français ont placé l'étude des rapports entre villes et campagnes en l'un des points cruciaux de leur problématique. A propos de toutes les périodes de l'histoire (et les recherches les plus hardies, celles qui se risquent jusque dans un passé très proche, s'associent naturellement à celles des géographes, des sociologues et des économistes), qu'il s'agisse de mettre en lumière les modes de production, de répartition et de consommation, l'agencement des relations sociales ou les traits de mentalité, il est apparu des plus nécessaires d'observer très attentivement comme se sont établis les contacts entre le monde urbain et le monde rural, deux mondes en effet dont l'évolution ne se poursuit pas au même rythme, qui toujours communiquent mais qui cependant demeurent, plus ou moins franchement, plus ou moins consciemment, distincts l'un de l'autre. L'un à l'égard de l'autre, ils sont dans un état ambigu d'hostilité réceptive : un échange de services les unit, des préjugés les divisent, un conflit les oppose, permanent, et toujours inégal. En combien de pages de cette revue, une telle situation du paysan en face de l'homme de la ville n'apparaît-elle pas?

Ce qu'entre autres choses cherchent les historiens, c'est à préciser le moment où, dans telle ou telle aire géographique, la vielle a pris décidément le dessus au sein de cette rivalité. Ainsi, dans l'Europe occidentale, après la dévitalisation et l'effritement des structures urbaines implantées par Rome, les campagnes ont constitué durant de longs siècles le secteur entraînant de l'histoire. Nul ne croit plus aujourd'hui que les forces qui provoquèrent le réveil de la vie citadine, qui firent se développer, auprès de cette fonction permanente de la ville, où se conjuguent le politique, le militaire et le religieux, une fonction économique, aient eu leur source ailleurs que dans la production rurale. Ce fut bien le lent développement des campagnes, c'est-à-dire la hausse des rendements agricoles, l'extension de l'aire cultivée et les progrès du peuplement, qui engendra l'urbanisation. Cependant, si pour une large part, c'est que la ville, par ses fonctions religieuse, politique et militaire, parce qu'elle était le siège de certains pouvoirs, exerçait, même lorsqu'elle était encore minuscule, tout pénétrée par les champs et les vignes, et à peine mieux pourvue que les villages d'artisans et de gens de négoce, une domination sur les habitants des finages avoisinants. Ainsi a-t-elle pu longtemps croître en parasite tutélaire : ce qu'elle capturait en hommes et en richesses pour nourrir sa propre expansion apparaissait comme rétribuant les services qu'elle rendait au plat pays, lesquels étaient essentiellement d'ordre, de régulation et de protection. Un temps arriva cependant où la puissance ainsi progressivement accumulée dans les centres urbains et les quartiers neufs qui s'élargissaient alentour, fut assez forte pour que s'opérât comme un renversement, pour que tous les ressorts du progrès s'établissent dans les villes, pour que celles-ci devinssent véritablement maîtresses de tout, et les campagnes véritablement suivantes et sujettes. Ce transfert décisif, nous sommes enclins aujourd'hui à le dater, dans la France du Nord, de la fin du XIIe ou du début du XIIIe siècle. Il fut plus précoce d'un siècle et demi au moins en Lombardie, plus tardif d'un siècle à peu près en Germanie.

A partir de cette date, le processus d'urbanisation, dont j'ai dit qu'il était constant depuis le départ de la croissance agricole en Europe occidentale, change d'intensité et de forme. En premier lieu, les ponctions opérées sur les richesses rurales deviennent plus larges; elles avaient été d'abord le seul fait des guerriers et des gens d'église dont les pouvoirs seigneuriaux avaient leur siège dans l'agglomération urbaine; d'autres citadins désormais interviennent, de plus en plus nombreux, de plus en plus envahissants; ce sont des hommes d'affaires, de haute ou de moindre volée, qui prélèvent à leur tour leur part, une part toujours plus ample, sur le surproduit du travail paysan, à la faveur de toutes sortes d'opérations profitables, exploitant à la fois leur fonction d'intermédiaires nécessaires dans la commercialisation des produits de la terre et l'avantage que leur procure la possession de ces capitaux mobiliers dont manquent tous les ruraux, dans les châteaux aussi bien que dans les chaumières. Cette pression économique détermine dans les campagnes une modification progressive des systèmes de production et d'échange, que l'on peut considérer, elle aussi, comme une forme d'urbanisation, qu'il s'agisse de l'infiltration de l'instrument monétaire dans le réseau des prestations de biens et de services, ou de l'élargissement d'un secteur artisanal, textile, viticole ou forestier. D'autre part, les mouvements migratoires qui ont toujours porté des campagnards vers la ville, puisque toujours le milieu urbain a constitué un secteur de relative dépression démographique, prennent davantage de puissance; ils n'entraînent plus seulement les pauvres; des facteurs économiques, politiques, mais dont les plus actifs sont d'ordre culturel, provoquent aussi la migration au moins saisonnière, des riches, sensibles aux diverses séductions d'une résidence urbaine. Dès le XIVe siècle en France, les documents que trait l'histoire sérielle permettent d'observer et de mesurer certains aspects de l'attraction qu'exerce la ville sur les richesses et sur les populations rurales; les autres phénomènes d'inurbation entrent ensuite progressivement l'un après l'autre dans la lumière de l'histoire.

Celle-ci d'ailleurs éclaire encore d'autres mouvements, qui pour n'être pas de capture ni d'attirance, mais de direction inverse, contribuèrent pourtant à rendre plus étroite l'emprise urbaine. Emprise financière, administrative. Emprise culturelle aussi, dont l'observation dans la longue durée ouvre les plus séduisantes perspectives à la recherche historique. Il appartient à celle-ci de suivre la progressive insinuation dans la mentalité des seigneurs, des laboureurs, des tâcherons agricoles, d'attitudes à l'égard du profit, de l'épargne ou de l'investissement qui d'abord avaient mûri dans les faubourgs marchands, aussi bien que tous les courants de divulgation, orientés dans le même sens, qui firent adopter peu

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