Luxuria asiatica

En 102 av nè, Cicéron évoque une situation où "l'Italie était pleine des arts et des sciences de la Grèce" ⇒ cette citation de Cicéron nous permet d'introduire le thème de la luxuria asiatica.

Avant toute chose, il s'agit de définir les termes de luxuria et asiatica/ (ou dans certaines sources peregrina). Ces mots désignent littéralement le luxe asiatique ou étranger. Ce sont des termes qui commencent à être utilisés dès l’arrivée de la culture grecque suite aux conquêtes romaines. Ils ont une connotation péjorative et sont utilisés par les opposants à cette transformation de la société et de l'Etat romain. On la caractérise généralement de façon matérielle comme l'arrivée d'œuvres d'art et de techniques artistiques. La Luxuria Asiatica était souvent utilisée pour décrire un mode de vie excessif que les Romains associaient à certaines cultures orientales ou asiatiques. L'idée était que les peuples d'Asie étaient perçus comme vivant dans une opulence extrême, avec une indulgence excessive dans les plaisirs matériels et sensuels. Ainsi pour ses opposants, la luxuria asiatica s’opposait à leur valeur de virtus et de disciplina qui caractérise les Romains. Pour les plus conservateurs d'entre eux, les valeurs romaines d'austérité, de simplicité, de frugalité sont les valeurs qui conditionnent leur supériorité sur les autres peuples de la péninsule & des provinces. De fait, dans l'Antiquité, la luxuria asiatica consiste en une critique morale par la comparaison avec la culture gréco-orientale par rapport à celle de Rome.

Pourtant, dès la naissance de Rome, la cité est en contact avec le monde grec par des échanges commerciaux ; dans la tradition littéraire, les auteurs datent la fondation de Rome vers 753 av nè, soit la même période à laquelle les apoikia grecques sont fondées en Italie du Sud.

Notre période à l'étude se situe Du 3e, au 1er siècles avant notre ère, dans la Rome républicaine, au sein de la péninsule italienne. La cité romaine, depuis sa fondation connaît une expansion grandissante, passant du statut de petit village au bord du Tibre, à la capitale de la Méditerranée. La cité contrôle rapidement le Latium et conquiert progressivement les terres orientales anciennement grecques. Même si elle n'est pas la capitale d'une Italie unifiée, Rome devient la cité la plus puissante, coexistant avec d'autres communautés indépendantes. C'est surtout par une dimension impérialiste que la cité s'impose dans le monde méditerranéen. Ses structures sont généralement tournées vers la guerre, considérée comme une meilleure solution que la diplomatie. C'est d'ailleurs grâce à ses conquêtes militaires que Rome s'hellénise : la prise de Corinthe en 146 av nè joue notamment un rôle majeur, au vu du transfert d'œuvres d'art et de populations qu'elle implique.

La notion de luxuria asiatica peut se retrouver dans certains textes d’auteurs anciens sur lesquels nous allons partiellement s’appuyer durant cette présentation. D’abord Pline l'Ancien, dans son œuvre encyclopédique Histoire naturelle, réunit et organise les connaissances s'appuyant sur plus de 200 sources différentes, qu'il indique. C’est ainsi au livre XXXIII (33) que Pline aborde le luxe asiatique mis en parallèle avec les nombreuses conquêtes faites dans les régions orientales, il insiste alors sur les dangers que peuvent représenter ce goût pour l’exotisme et la luxure orientale pour la société romaine. De manière générale, son œuvre s'intéresse à la nature dans son sens le plus large ; mais aux connaissances scientifiques sont associées des conceptions générales sur la structure du monde, parfois dans une dimension morale. Pline l'Ancien critique ce qu'il estime comme corruption de la nature (comme le luxe ou les moeurs déréglés). Pendant longtemps, il symbolise tout le savoir humain.

On se basera aussi en partie sur le texte de Cicéron, Contre Verrès, (en latin In Verrem), une série de discours judiciaires prononcés par l'auteur en 70 av. J.-C. Ces discours s'inscrivent dans le cadre de l’enquête menée contre Caius Licinus Verres accusé de corruption. C’est dans ce contexte que Cicéron condamne la luxuria asiatica menant des individus tels que Verrès vers l’avidité , et la démesure corrompant les âmes romaines.

Cicéron révèle tout au long de sa carrière plusieurs aspects de sa pensée qui sont parfois contradictoires ; il est un homme politique qui cherche les responsabilités, mais aussi un philosophe obsédé par l'idée que le Bien moral est la plus haute vertu de l'homme. Ses caractéristiques philosophiques font de lui quelqu'un d'hésitant, ce qui entrave parfois ses réflexions politiques.

Donc pour résumer, on comprend que Rome, de par sa volonté de rattraper son retard sur les cités puissantes de Méditerranée et pour répondre aux différents besoins financiers/ sociaux/ territoriaux, entreprend de multiples conquêtes en Grèce et en Asie mineure qui mènent à des transformations artistique, politique, sociale et religieuse. Nous verrons donc en quoi l'introduction de la luxuria asiatica à Rome, résultant de la politique expansionniste de la cité, suscite des réactions contrastées ? Pour répondre à cette question, il semble important de comprendre comment et pourquoi la luxuria asiatica s'introduit à Rome, mais aussi de rappeler à quoi celle-ci correspond dans ses formes matérielles et immatérielles. Après cela, nous étudierons quelles réactions provoque l'exotisme d'un nouveau luxe dans la cité romaine.

I. De quelles façons s'introduit la luxuria asiatica à Rome et quels buts sert elle ?

Ce qui précède la luxuria asiatica

On rappelle souvent que les Romains n'avaient pas une constitution écrite, mais il faut dépasser ce type de définition. En effet, les Romains fonctionnent sur la base du mos maiorum, qui renvoie à « la coutume des ancêtres » et que l’on peut définir comme un ensemble d’usages qui impose des normes qui passent par la répétition d’actes publics pendant une longue période. Ainsi à Rome des principes et des modèles d’action régulaient donc l’ensemble des institutions en leur donnant une forte valeur morale. La coutume évolue constamment en fonction du contexte historique entre la période républicaine et l'ère d'Auguste.

Un des domaines privilégiés de l'art romain est le portrait, dont il était coutume d'exposer dans l'atrium des domus les portraits en cire peinte de leurs ancêtres

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