On ne badine pas avec l’amour - Musset
Fiche de lecture : On ne badine pas avec l’amour - Musset. Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar ghhffjnfujgf • 28 Juin 2025 • Fiche de lecture • 1 926 Mots (8 Pages) • 9 Vues
LECTURE LINÉAIRE - On ne badine pas avec l’amour - Musset
Nous allons analyser un extrait de la péripétie principale du drame romantique On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset. Dans l’acte III scène 2, Perdican découvre une lettre de Camille adressée à une sœur du couvent, où elle avoue avoir brisé le projet de mariage et plongé son cousin dans le désespoir. Blessé dans son orgueil, Perdican décide de se venger en faisant la cour à Rosette devant Camille. Il organise alors une mise en scène : il donne rendez-vous à Camille dans le petit bois de leur enfance. Cachée, Camille assiste à la déclaration lyrique de Perdican à Rosette, conçue comme un piège pour la faire réagir.
En quoi Perdican organise-t-il un stratagème qui joue avec les sentiments de Camille et de Rosette ?
Pour mener cette analyse linéaire de l’acte III scène 3 de la pièce On ne badine pas avec l’amour, nous suivrons les trois principaux mouvements du texte :
- Du début de l’extrait à « Vous me donnez votre chaîne d’or ? » : la mise en place du piège.
- De « Regarde à présent » à « Il a jeté ma bague dans l’eau. » : le discours de la séduction.
- De « Sais-tu ce que c’est » à la fin de la scène : deux portraits opposés de femmes.
- La mise en place du piège:
- La didascalie initiale indique qu’il s’agit d’une scène à témoin caché. Le piège de Perdican fonctionne, Camille est venue au rendez-vous, elle a vu arriver Perdican et Rosette et a supposé qu’ils allaient se séparer. Elle reste cachée pour observer la scène et s’exprime en aparté.
- Elle est surprise, ce qui se traduit par des interrogations : « Que veut-dire cela ? », « Me demanderait-il un rendez-vous pour venir causer avec une autre ? » Ces interrogations peuvent également refléter une certaine indignation, à travers notamment le fait de ne pas nommer Rosette.
- La didascalie qui précède la prise de parole de Perdican indique qu’il va jouer un jeu : « à haute voix, de manière que Camille l’entende. ». Ses paroles ont donc deux destinataires, Rosette et Camille et même trois si l’on compte le public. On peut parler de mise en abyme, c’est à dire de théâtre dans le théâtre avec ce dispositif.
- Perdican énonce sans détour son amour pour Rosette, en insistant par l’anaphore de « toi seule » sur ce qui peut être perçu comme un reproche vis-à-vis de Camille.
- Contrairement à Camille, Rosette se souvient du passé partagé avec Perdican : « n’a rien oublié de nos beaux jours passés » et « de la vie qui n’est plus ». Perdican a déjà montré cette nostalgie lui aussi. Il admire la fidélité de Rosette et pense qu’elle mérite un bel avenir, symbolisé par le mariage : « prends ta part de ma vie nouvelle. »
- Sa tirade est composée de 5 propositions juxtaposées qui affirment son amour et son engagement : « donne-moi ton cœur, chère enfant ; voilà le gage de notre amour. »
- Sa déclaration verbale est accompagnée d’un geste symbolique et concret d’union : « voilà le gage de notre amour. Il lui pose sa chaîne sur le cou. »
- Rosette exprime sa surprise par une interrogation de tournure orale, sans inversion sujet/verbe, qui traduit sa simplicité : « Vous me donnez votre chaîne d’or ? » Elle semble plus étonnée par ce don de valeur que par la déclaration elle-même.
- Perdican parvient à surprendre les deux femmes qu’il a convoquées à ce rendez-vous : il est bien le meneur du jeu.
2. Le discours de la séduction:
- Le rôle de metteur en scène de Perdican se confirme avec l’emploi de nombreux impératifs dans sa tirade : « Regarde », « Lève-toi » et l’utilisation d’un nouvel accessoire, après la chaîne : une bague, symbole traditionnel d’alliance.
- Le champ lexical du regard est très présent dans cette prise de parole qui utilise le verbe « regarder » à quatre reprises et répète deux fois « vois-tu ». Perdican cherche à montrer son couple avec Rosette, à le faire exister sous les yeux de Camille, en choisissant la fontaine, un lieu remplie de souvenirs de leur enfance.
- Cette mise en scène semble pouvoir se lire symboliquement : Perdican invite Rosette à regarder leur image « dans la source, appuyés l’un contre l’autre ». Puis « Il jette sa bague dans l’eau » et fait « s’effacer » cette image d’union et d’harmonie. Mais ce « trouble » est momentané et les deux jeunes amants « reparaiss[ent] ». Cette mise en scène étant également observée par Camille, il convient de se demander quel message lui adresse Perdican.
- Tel un magicien-prestidigitateur, il commence par faire exister le couple qu’il forme avec Rosette, attisant ainsi la jalousie de Camille. Puis il fait disparaître cette image mais en jetant la bague de Camille, donc le souvenir de sa cousine, comme le dernier élément qui le rattachait au passé. L’image du couple se reforme et Perdican promet à Rosette que « encore une minute et il n’y aura plus une ride sur ton joli visage. » Un avenir peut s’ouvrir puisque l’amour de Camille a été noyé sous ses yeux par Perdican.
- Les paroles de Perdican sont empreintes de lyrisme : il célèbre les « beaux yeux » et le « joli visage » de Rosette.
- La ponctuation expressive montre l’élan que Perdican donne à son discours. Le rythme s’accélère avec des phrases qui s’enchaînent jusqu’à l’impératif final : « regarde ! ». Puis tout retombe avec une sorte de chute surprenante : « c’était une bague que m’avait donnée Camille. »
- Camille réagit simplement, et sans doute avec amertume, au geste de Perdican : « Il a jeté ma bague dans l’eau. »
3. Deux portraits opposés de femmes:
- Perdican livre à nouveau une tirade qui poursuit et renforce son style lyrique et romantique.
- La réplique est circulaire grâce à l’anaphore de l’interrogation : « Sais-tu ce que c’est que l’amour ? » qui place Perdican en position de supériorité vis-à-vis de Rosette. Il est comme un professeur qui a des choses à apprendre à la jeune fille.
- Il témoigne à nouveau d’une grande éloquence et d’une parfaite maîtrise du langage en liant le champ lexical de l’amour à celui de la nature pour construire une antithèse implicite entre Rosette et Camille.
- Il commence par convoquer les éléments naturels : « Écoute ! Le vent se tait ; la pluie du matin roule en perles sur les feuilles séchées que le soleil ranime. »
- Ces éléments deviennent des preuves de son amour : « Par la lumière du ciel, par le soleil que voilà, je t’aime. »
- Une série d’interrogations intervient ensuite, qui développe une antithèse entre un vieux monde corrompu(« flétri », « sang affadi ») et la jeunesse pleine de vie.
- Camille est évidemment visée par les propos sur la religion : « Tu ne veux pas te faire religieuse », bien que les accusations portées restent dans le flou de l’emploi du pronom impersonnel « on » : « On n’a pas flétri ta jeunesse ? », « on n’a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d’un sang affadi ? »
- Rosette, elle, est associée à l’amour et de ce fait fortement valorisée par contraste : « te voilà jeune et belle dans les bras d’un jeune homme. »
- L’exaltation de Perdican se manifeste par son invocation : « ô Rosette, Rosette », et la reprise anaphorique de la question initiale. Le jeune homme est bien représentatif du héros romantique qui a pour valeurs suprêmes les sentiments et la nature.
- Rosette semble dépassée par cette déclaration enflammée : elle emploie l’interjection « hélas » et appelle Perdican « monsieur le docteur », renvoyant à son statut supérieur et à la figure d’autorité qu’il constitue. Elle perçoit et souligne l’écart social.
- Elle se montre humble, réaliste et pragmatique, contrairement à l’idéalisme qui se dégage des propos du jeune homme : « je vous aimerai comme je pourrai. » Le futur montre toutefois qu’elle a accepté l’amour de Perdican et s’engage à faire de son mieux.
- À nouveau, Perdican se lance dans une tirade qui oppose deux types de femmes dont les modèles sont transparents.
- D’un côté, Rosette est une « paysanne » dont Perdican souligne l’ignorance : « tu ne sais rien ; tu ne lirais pas dans un livre la prière que ta mère t’apprend (…) tu ne comprends même pas le sens des paroles que tu répètes, quand tu t’agenouilles au pied de ton lit ». Mais cette ignorance est valorisée comme étant bien suffisante pour Dieu, qui reconnaît la sincérité : « mais tu comprends bien que tu pries, et c’est tout ce qu’il faut à Dieu. »
- De l’autre, la figure de « repoussoir » est Camille, jamais nommée mais désignée implicitement comme appartenant à un ensemble : « ces pâles statues fabriquées par les nonnes, qui ont la tête à la place du cœur, et qui sortent des cloîtres pour venir répandre dans la vie l’atmosphère humide de leurs cellules. »
- Ce portrait en creux de Camille et de ses sœurs est très dépréciatif, marqué par l’absence de vitalité (« pâles »), de vie (« statues ») et de sentiments au profit d’une intellectualité vaine : « qui ont la tête à la place du cœur. »
- La réaction de Rosette : « Comme vous me parlez, monseigneur ! » laisse entendre qu’elle est impressionnée et perçoit l’écart avec Perdican qu’elle appelle « Monseigneur ».Elle montre ici sa naïveté et l’impact que ce discours de séduction a sur elle.
- Perdican continue à s’exalter et termine par une tirade lyrique, où il valorise Rosette. Son ignorance devient une preuve de sa proximité avec la nature : « Tu ne sais pas lire ; mais tu sais ce que disent ces bois et ces prairies, ces tièdes rivières, ces beaux champs couverts de moissons, toute cette nature splendide de jeunesse. »
- Sa déclaration ultime place leur amour dans le cadre plus large de la nature à laquelle ils participent et s’incluent grâce à la métaphore finale : « lève-toi ; tu seras ma femme, et nous prendrons racine ensemble dans la sève du monde tout-puissant. »
CONCLUSION:
Cette scène importante donne à voir aux spectateurs le piège imaginé par Perdican pour se venger.
Il se montre maître du jeu théâtral et énonce un discours doublement adressé et particulièrement ambigu : il s’agit autant de séduire Rosette en valorisant sa simplicité que de toucher Camille dans son amour-propre et ce double objectif est atteint grâce à son éloquence.
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