Etude linéaire Acte 3, scène 3 : On ne badine pas avec l'amour
Commentaire de texte : Etude linéaire Acte 3, scène 3 : On ne badine pas avec l'amour. Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar Susuucre • 10 Juin 2025 • Commentaire de texte • 3 534 Mots (15 Pages) • 33 Vues
Séquence 2. On ne badine pas avec l’amour.
Explication linéaire 2 : Acte III, scène 3 (fin de la scène)
Auteur et œuvre : voir texte 1
Extrait : Au début de l’acte III, Perdican a intercepté une lettre de Camille à son amie religieuse Louise : Camille s’y vante d’avoir réduit son cousin au désespoir ; blessé dans son orgueil, Perdican a décidé de se vengeren prouvant à Camillequ’il en aime une autre : « Je veux faire la courà Rosette devant Camille elle-même ». La scène 3 met à exécution ce plan, Camille assistant cachée à la déclaration d’amour de Perdican à Rosette, près de la fontaine, dans le même décor que celui où les deux cousins se sont affrontés dans la scène 5 de l’acte II. Musset a recours à un procédé fréquent dans la comédie, celui du témoin caché, mais il ne s’agit pas ici de faire éclater la vérité comme dans Tartuffe ; au contraire Perdican orchestre un spectacle mensonger, une mise en scène calculée pour blesser Camille et la rendre jalouse en utilisant Rosette.
Lecture du texte Mouvement du texte :
- La mise en place du jeu (du début jusqu’à « Vous me donnez votre chaine d’or ? »)
- Jeux de reflets (« Regarde à présent cette bague » > « Il a jeté ma bague dans l’eau ») - Perdican pris au jeu ? (« Sais-tu ce que c’est que l’amour » ? » jusqu’à la fin)
Problématique : Dans quelle mesure le badinage devient-il ici manipulation ?
Premier mouvement : la mise en place du jeu 1/ l’arrivée de Camille
L’extrait débute par un monologue de Camille qui apparaît lisant le billet de Perdican (cf. didascalie) : symétrie par rapport au début de la scène 5 où Perdican lit lui-même un billet de Camille lui donnant rendez-vous à la fontaine : le texte n’est qu’une réplique de son propre billet > signe que l’échange ne progresse pas, qu’il tourne en rond, comme une sorte de cercle vicieux où petit à petit les sentiments s’altèrent.
La réplique met en lumière les effets de symétrie : « Perdican me demande »/ « je l’ai fait venir hier » : échange des positions sujet/ objet) ; la répétition du mot « fontaine » insiste sur l’identité du décor. [L’importance du langage écrit dans la pièce, où circulent deux billets et une lettre, est significative : ces messages écrits symbolisent le dysfonctionnement de la communication entre les deux cousins,d’autant qu’ils sont épiés, interceptés, font l’objet d’interprétations diverses > absence de transparence du langage]. Là encore ce billet suscite les interrogations de Camille : « Que peut-il avoir à me dire ? » « Dois-je accorder ce second rendez-vous ? » : faux monologue délibératif, mauvaise foi du personnage qui manifeste sa curiosité et s’est déjà dirigée vers le lieu du rendez-vous (« Voilà justement la fontaine, et je suis toute portée »).
L’exclamation « Ah! » et la didascalie « elle se cache derrière un arbre » permettent de mettre en place le dispositif du témoin caché, que Musset motive par l’amour propre de Camille : « je suis bien aise de pas avoir l’air d’arriver la première » : pour Camille aussi, il s’agit de se mettre en scène, de jouer un rôle ( cf. « avoir l’air »), celui de celle qui est indifférente, qui se fait attendre, qui n’attache pas suffisamment d’importance au rendez-vous pour arriver en avance.
Camille devient ainsi un double, un relais du spectateur ; c’est par son regard qu’il voit arriver le couple (« voilà Perdican qui approche, avec Rosette ma sœur de lait » et c’est sa curiosité qui lui permet de surprendre la conversation entre Perdican et Rosette : « je suis curieuse de savoir ce qu’il lui dit. » (à la fin de l’aparté).
En même temps, l’intérêt du spectateur vient de sa position surplombante : informé par la scène 2, il sait que Camille se trompe (« Je suppose qu’il va la quitter »), qu’elle va être la victime du stratagème de Perdican.
⮚ Effet de suspense : comment Perdican va-t-il s’y prendre pour susciter la jalousie de Camille ? Comment va réagir celle-ci ?
L’aparté (le monologue devient aparté dès lors que Camille n’est plus seule sur scène mais qu’elle n’est pas entendue par les autres personnages) livre ses réactions : les modalités interrogative et exclamative et la gradation dans le rythme (phrases de plus en plus longues) traduisent ses émotions : surprise, curiosité, dépit. La première question (« Que veut dire cela ? ») reflète son étonnement et sa réprobation (effet de mise à distance créé par le démonstratif) : sa surprise révèle indirectement ce qu’elle espérait (une nouvelle déclaration d’amour de Perdican, des manifestations de désespoir, la confirmation qu’il a bien « le poignard dans le cœur »). La phrase suivante redouble la disdascalie mais la modalité exclamative suggère que la position du couple traduit une intimité surprenante ; la périphrase factitive (« il la faitasseoir ») souligne le rôle de metteur en scène de Perdican.La dernière question laisse éclater le dépit de Camille (Rosette n’est désignée que par l’expression « une autre »).
⮚ Instauration d’une tension dramatique : le spectateur est invité à un double spectacle : le duo Perdican/Rosette et le regard de de Camille sur ce duo
2/ le duo Perdican/ Rosette :
La didascalie(« à haute voix,de manière que Camillel’entend ») insiste sur le stratagème de Perdican en suggérant un jeu d’acteur outré, une déclamation peu naturelle ; la double énonciation caractéristique de la communication au théâtre devient ici une triple énonciation : Perdican, dont les paroles sont destinées in fine au spectateur, tient un double discours : ses paroles s’adressent autant et sinon plus à Camille qu’à Rosette > il parle « par ricochet » à Camille, dans un jeu devenu cruel. La didascalie en effet décrédibilise par avance la déclaration d’amour (« je t’aime Rosette » ; « chère enfant ») qui apparaît d’emblée comme peu sincère, Perdican cherchant davantage à exciter la jalousie de Camille qu’à exprimer ses sentiments àRosette. Les complimentsqu’illui faitsontautantde reproches visantCamille ; l’anaphore de « toi seule » insiste sur l’opposition entre les deux jeunes filles et la référence aux « beaux jours passés » et à « la vie qui n’est plus » est une pique contre sa cousine qui refuse de partager sa nostalgie.Le recours à l’impératif(« prends ta part »,« donne-moi ») montre à quelpointcette déclaration est imposée à Rosette. L’offrande de la chaîne, rendue solennelle par le présentatif « voilà » et la valeur symbolique donnée au cadeau (présenté comme un « gage ») conclut le discours en faisant advenir le couple : le déterminant notre (« notre amour ») réunit les deux pronoms (je/ moi et toi) en une seule entité. C’est bien le jeu de la parole qui fait exister le couple Rosette/ Perdican.
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