Idendité

Janvier 2010                                                                                   Marie-Pier Parent

Mme Paquet                                                                                   Groupe 21

L’enfer de Guantánamo

Matthew venait tout juste d’ouvrir la porte de la maison lorsque le téléphone s’était mis à sonner de manière insistante et agaçante. Il hésitait à répondre, sa journée de travail venait à peine de se terminer et il avait envie de se reposer un peu. Lorsque la troisième sonnerie retentit, il décida finalement de décrocher le combiné. Il ne le savait pas encore, mais ce coup de téléphone allait changer sa vie, et ce, de manière radicale. Il arrive parfois qu’une simple décision, aussi banale soit-elle, ait beaucoup d’impact sur le futur d’une personne. C’était le cas pour le garçon, qui ne s’attendait pas du tout à recevoir un appel ce soir-là. Une voix rude et autoritaire se fit alors entendre à l’autre bout du fil : « Matthew Walter ? J’aimerais discuter avec vous si vous avez quelques instants … » La discussion dura quelques minutes à peine, son interlocuteur n’étant pas du genre à s’éterniser. On venait de lui apprendre que son capitaine souhaitait le rencontrer le lendemain matin, à 9h00, pour ce qui semblait être une annonce très importante. Il n’avait absolument aucune idée du sujet de la rencontre, mais il ne tarderait pas à le savoir !

*    *    *

Matthew était installé sur un divan de cuir très confortable qui se trouvait dans une  pièce éclairée par une immense baie vitrée. On lui avait demandé de patienter quelques minutes, car le capitaine était occupé par un dossier plutôt compliqué concernant la mutation de plusieurs soldats. Le jeune homme, complètement perdu dans ses pensées, contemplait le paysage qui s’offrait à lui. Déjà, il parvenait à s’imaginer plusieurs situations, toutes plus captivantes les unes que les autres, de ce que pourrait être cette fameuse annonce. Il y avait tant de possibilités, dont certaines qui le tentaient plus que d’autres, et il lui tardait de savoir ce qui l’attendait. Il sursauta lorsqu’une femme l’interpella. Visiblement, la dame semblait nerveuse et sur le point de perdre patience :

« Soldat Walter ? Le capitaine vous attend dans son bureau immédiatement. Il est très occupé, ne perdez donc pas de temps » Le garçon hocha la tête et se leva aussitôt de son siège, attrapant au passage le manteau qu’il avait déposé près de lui. Matt se dirigea ensuite vers le bureau que la femme lui désignait. En entrant, il salua l’homme qui lui faisait face avec les honneurs lui étant dûs. Sans prendre des gants blancs, son supérieur lui expliqua tout de suite les faits : il allait être affecté à Guantánamo. Là-bas, le nombre de prisonniers augmentait de jour en jour. Ce qu’on n’avait pas précisé à Matt, c’était que plusieurs d’entre eux demeuraient captifs alors qu’aucune accusation n’était portée contre eux. Tout ça amenait inévitablement l’augmentation de la charge de travail, puisque l’armée américaine ne se gênait pas pour faire entrer de nouveaux prisonniers sur une base régulière. Quiconque étant suspecté pouvait être mené à cet endroit, l’armée se fichait bien du reste. Les soldats étaient donc en sous-effectif et ils avaient besoin d’un nombre plus élevé de gardes pour maintenir l’ordre. Matthew était content de se lancer dans une nouvelle aventure, mais c’était sans savoir ce qui l’attendait réellement. Quiconque ayant déjà été affecté à cet endroit auparavant ou sachant ce qui s’y passait réellement aurait conseillé au garçon de renoncer avant qu’il ne soit trop tard. Enfin, quiconque ayant un tant soit peu de respect pour la vie humaine …

*    *    *

On lui avait accordé une semaine pour faire ses bagages et dire au revoir à tous ses proches. Ensuite, quelqu’un viendrait le chercher pour l’accompagner à l’aéroport de la base, où son avion l’attendrait pour le mener à Guantánamo. Ce n’est jamais facile de quitter les gens qu’on aime, mais parfois, il faut savoir faire des sacrifices, surtout lorsque c’est pour accomplir l’un de ses plus grands rêves. Comme bien des petits garçons américains, il avait toujours rêvé de protéger son pays, se voyant très bien combattre les ennemis et aider ses compatriotes. Souhaitant réaliser ses ambitions, Matthew s’était enrôlé dans l’armée le jour de ses 18 ans. Il était donc inévitable qu’un jour ou l’autre il soit affecté à une mission loin de chez lui. Il n’avait pas beaucoup entendu parler de cette prison, son supérieur refusant de lui stipuler quoi que ce soit avant qu’il n’arrive sur les lieux. En fait, peu de gens étaient enthousiastes à l’idée de parler de cet endroit. On entendait rarement des commentaires sur cette base militaire qui était un sujet tabou pour tout le monde. C’était donc dans une ignorance presque totale qu’il avait mis les pieds sur le sol de la Baie de Guantánamo, où il était attendu. Quelques hommes se trouvaient également en sa compagnie, prêts à s’acquitter de la même mission que Matt. La plupart de ses confrères semblaient assez jeunes et tout aussi novices que lui, ça risquait d’être prometteur ! Quoi qu’il en soit, on attendait beaucoup de ce groupe de soldats fraîchement débarqués sur l’île et il n’y avait pas de temps à perdre. Aussitôt arrivés, on leur avait fait faire un rapide tour des infrastructures tout en expliquant quelques règles de base. Dans ce centre de détention militaire à haute sécurité, on enfermait de nombreuses personnes qu’on appelait des   «combattants hors-la-loi», autrement dit, des terroristes. Enfin, c’est ce qu’on se plaisait à dire, même si l’armée américaine n’avait pas nécessairement de preuves concrètes pour appuyer ses dires. Depuis les événements de septembre 2001, le mot « terrorisme » avait pris une tout autre signification aux yeux de tous les gens, particulièrement aux yeux des Américains. Personne n’aurait pu prédire qu’autant d’êtres humains pourraient mourir en même temps aux mains d’une poignée de terroristes. Tant de gens innocents étaient décédés et cela au nom de quoi ? Quoi qu’il en soit, les autorités avaient décidé d’instaurer des règles bien plus strictes partout dans le pays et maintenant, tous étaient méfiants face aux inconnus. La crainte que de nouveaux attentats aient lieux restait toujours bien présente et c’était la principale raison pour laquelle le camp avait été peu à peu modifié pour y accueillir les présumés terroristes. Il y en avait plusieurs qui méritaient réellement leur place dans cette prison, bien sûr, mais parfois, les militaires ne savaient pas faire la différence entre coupable et innocents.

...