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Commentaire De L'arrêt Boussadar (TC, 23 Octobre 2000): la délimitation des compétences entre juge administratif et juge judiciaire

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Par   •  10 Avril 2014  •  2 575 Mots (11 Pages)  •  5 733 Vues

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Par l’arrêt Boussadar en date du 23 octobre 2000, le Tribunal des conflits, en se prononçant sur la délimitation des compétences entre juge administratif et juge judiciaire, établit les contours déjà précédemment tracés de la voie de fait. En l’espèce, M.Boussadar qui était sous le coup d’une interdiction du territoire français s’est vu refuser un visa d’entrée par l’administration, l’empêchant ainsi d’être présent à une audience d’appel le concernant. Le recours formé alors par M.Boussadar contre le ministère des Affaires étrangères devant le TGI suscita le déclinatoire du préfet de police du 14 avril 2000, déclarant la juridiction judiciaire incompétente. Après le rejet de ce déclinatoire, le préfet de police élève le conflit devant le Tribunal des conflits le 2 mai 2000.

Il incombe donc au juge des conflits de déterminer qui du juge judiciaire ou du juge administratif était compétent pour apprécier la légalité de la décision de refus de délivrance du visa de court séjour, donc, en d’autres termes, de déterminer si le refus illégal de délivrance du visa constituait une voie de fait.

Le Tribunal des conflits, a raisonné en deux temps, en amont, il s’est prononcé brièvement sur la régularité de la procédure. Effectivement, le juge civil avait par une ordonnance du 18 avril 2000 caractérisé une voie de fait et avait ordonné au ministre de délivrer un visa de séjour à M. Boussadar. Seulement, le préfet de police après le rejet de son déclinatoire, avait émis un arrêté de conflit le 2 mai. Or, son arrêté pris dans le délai légal de 15 jour, le juge civil aurait dû surseoir à statuer pendant ledit délai. Dès lors, le tribunal des conflits annule son ordonnance.

En aval, sur le contentieux de compétence, le juge des conflits très conservateur, va offrir une systématisation traditionnelle de la théorie de la voie de fait, dans la droite lignée de la jurisprudence « Action Française » en distinguant deux variétés de voie de fait. Ainsi, pour caractériser une voie de fait, et admettre par la même occasion la compétence du juge judiciaire, le juge exige la conjonction d’une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, et « d’une exécution forcée irrégulière », ou d’un acte administratif par lequel « l’administration serait manifestement sortie de ses attributions ». Le principe posé, le juge des conflits, va certes relever le caractère irrégulier de la décision de refus « entachée d’illégalité au regard de l’article 6 » de la CEDH, en revanche, la mesure irrégulière ne sortait pas des compétences de l’administration. Incapable d’identifier une voie de fait, le tribunal des conflits consacre donc la compétence du juge administratif pour contrôler la légalité de la décision de refus de délivrance du visa.

Le véritable intérêt de l’arrêt réside essentiellement dans le principe dégagée par le juge des conflits, plus que dans la décision en elle-même. En effet, alors que à un abandon de la voie de fait, avec d’un côté, l’avènement tant attendu des procédures d’urgence au sein du contentieux administratif, et de l’autre, une décision « Préfet de police de Paris » du tribunal des conflits qui avait trois ans auparavant volontairement mis un frein à la qualification excessive de voie de fait, contre tout attente, le juge des conflits, a réaffirmé la jurisprudence obsolète « Action française » et maintenu la voie de fait tout en la distinguant du menaçant référé-liberté.

La question sous-jacente à l’arrêt est donc de déterminer dans quelle mesure le juge des conflits s’est montré injustement conservateur et protecteur de la voie de fait, c’est à dire réfractaire à une modernisation de la notion de voie de fait, notamment au regard des nouveaux outils à disposition de la jurisprudence administrative.

Ainsi, il conviendra dans un premier temps d’étudier l’indifférence du tribunal du conflit vis-à-vis des alignements entre les offices des juges administratif et ordinaire (I). Puis, dans un second temps, il s’agira d’aborder la volonté du tribunal de mettre à l’abri le juge judiciaire de la concurrence du juge administratif notamment en protégeant le régime de la voie de fait (II).

Déceler la réticence du juge des conflits à moderniser l’action juridictionnelle, et à fortiori la notion de voie de fait, commence bien évidemment par contextualiser l’arrêt. Effectivement, en cette période d’extension, et d’élargissement de l’office du juge administratif, réaffirmer le régime traditionnel de la voie de fait, démontre une certaine indifférence, et même une certaine défiance vis à vis de la juridiction administrative.

Outre, cette mauvaise foi flagrante, le juge des conflits a veillé à protéger la voie de fait de la concurrence de plus en plus marquée du référé liberté, en implantant une distinction plus théorique, que véritablement pragmatique entre les deux notions. Cela étant, la preuve la plus flagrante de l’incohérence de la décision « Boussadar » se trouve dans l’impétuosité de la jurisprudence postérieure, qui n’a pas hésité à tirer les conséquences des changements de l’office du juge, pour redéfinir étroitement la voie de fait, et admettre que le juge administratif en statuant en référé ait compétence pour enjoindre à l’administration de faire cesser une voie de fait.

I- L’indifférence du tribunal des conflits à l’alignement des offices

Comme l’a souligné Hauriou, « le malheur est que cette juridiction (administrative) soit insuffisamment outillée ». Cependant au fil des évolutions législatives venues moderniser la justice administrative, cette dernière s’est vue attribuer de nouveaux pouvoirs avec l’introduction d’un pouvoir d’injonction assortie d’astreinte suite à la loi de 1995, puis après 2000 avec l’implantation d’une véritable procédure de référé dont notamment le référé-liberté. Le temps où la juridiction administrative était critiquée pour son caractère platonique est donc bien révolu au moment où le juge des conflits se prononce (A). Pourtant, ce dernier n’hésite pas à réaffirmer de manière tout à fait remarquable, le régime traditionnel et désormais inadapté de la voie de fait. (B)

A- Une décision ancrée dans une jurisprudence dépassée

Le Tribunal des conflits dans l’arrêt Boussadar fonde sa décision, sur la délimitation de la voie de fait opérée par la jurisprudence « Action française » en 1937. Or, il faut bien préciser qu’au-delà de ses fondements juridiques, une telle

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