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Ce cuir qui vaut de l'or

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Par   •  29 Avril 2014  •  Analyse sectorielle  •  10 418 Mots (42 Pages)  •  1 206 Vues

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Ce cuir qui vaut de l'or

Par Sandrine Merle | 13/09/2013 | 09:00 | mis à jour à 09:42

La pénurie de matières premières pourrait bientôt toucher le cuir... Les marques de luxe tremblent, car cela impacterait le noyau dur de leur activité : la maroquinerie.

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L'INDUSTRIE DU LUXE N'A JAMAIS EU autant besoin de cuir. Les marques comme Bentley, Mercedes ou encore Rolls Royce en utilisent de plus en plus pour tapisser l'intérieur de leurs voitures, et la décoration n'est pas en reste : elle y a recours pour les murs de ses yachts, les fauteuils, etc. Mais c'est la mode qui en est le plus friande car la consommation de sacs est devenue absolument délirante. Des millions de modèles, icônes et nouveautés, sont vendus chaque année : des Lady Dior, des Boy, des Ballet, des Sella, des Anna, des Birkin et des Kelly, des Happy, des Duffle... Selon une étude de l'Institut français de la mode pour la Fédération de la couture et du prêt-à-porter, « la maroquinerie assure près des deux tiers du chiffre d'affaires des marques de création comme Chanel, Vuitton, Dior, Hermès ou encore Givenchy, Saint Laurent, Giorgio Armani, etc. ». À cela s'ajoutent les innombrables nouveaux créateurs comme Corion, Myriam Schaefer ou La Contrie, qui explorent beaucoup le registre du sur-mesure. Le secteur de la chaussure n'est pas en reste. « Même si les chausseurs n'ont pas les mêmes contraintes que les maroquiniers car les peaux utilisées sont plus petites », précise Jean-Pierre Renaudin, président de la Fédération française de la chaussure. Les collections se succèdent à un rythme effréné, avec de plus en plus de capsules, c'est-à-dire des séries limitées. Les nouveaux entrants sur le marché se comptent par dizaines. Parmi eux, Longchamp et Jérôme Dreyfuss, à l'origine des spécialistes du sac. De son côté, J.M.Weston propose sa première collection femme. Imaginez le nombre de peaux nécessaires pour approvisionner les espaces de plus en plus gigantesques qui sont consacrées aux chaussures, dans les 3 000 mètres carrés des Galeries Lafayette et les 9 000 mètres carrés de la boutique Level, à Dubaï... C'EST PLUS RÉCENT, mais le prêt-à-porter consomme, lui aussi, une grande quantité de cuir. Les collections hiver 2013 de Chanel et de Saint Laurent axées sur le punk-grunge ont multiplié les perfectos, les slims et les petites robes. Il faut dire que le cuir est de plus en plus confortable grâce à des techniques toujours plus sophistiquées : extrêmement fin et très souple, il rivalise avec la soie et le jersey. Ou presque. Le voilà transformé en tailleur chez Trussardi, en longue robe du soir qui virevolte chez Ralph Lauren, en tunique ou en robe savamment drapée chez Balmain ou Dior. Les tanneurs développent des finitions exclusives qui correspondent au style de chaque maison, tandis que les marques cherchent également à développer des broderies, des perforations, des aspects brossés ou tatoués pour se différencier. « IL EXISTE CETTE SAISON UNE GRANDE CONNIVENCE entre le cuir et le textile », note par exemple Claude Vuillermet, directrice artistique de Polyphème, agence de style du Salon du cuir. La nouvelle marque italienne de prêt-à-porter en cuir Drôme a beaucoup exploré cette tendance dans un style hypercontemporain : l'agneau du blouson est contrecollé sur un néoprène, sur un top, le kangourou lavé et découpé en chevrons est travaillé en marqueterie avec du mérinos tandis que, sur un autre, le cuir est chauffé avec de la laine pour figurer de la maille. Le rapprochement de ces deux matières se retrouve aussi chez Fratelli Rossetti et Bottega Veneta. Aujourd'hui, les marques envient le savoir-faire d'un Jean-Claude Jitrois qui travaille cette matière depuis plus de trente ans. Fasciné par le blouson d'aviateur de son père, il commence par rendre le cuir plus glamour et féminin grâce à la couleur. Personne n'a oublié les robes hypersexy en agneau plongé rouge ou bleu électrique portées par Steph' de Monaco et Brigitte Nielsen ! Dans les années 1990, il provoque une petite révolution en inventant un cuir stretch extrêmement confortable, qui ne poche pas aux genoux et, surtout, qui se lave en machine. Avec lui, rien ne semble impossible. Il multiplie les innovations, il brode du cuir sur du cuir, de la maille ou encore de la soie. Il le perfore ou lui injecte du silicone pour obtenir un effet 3D. Il le cisèle pendant des heures pour le métamorphoser en dentelle. Il le patine aussi à la façon d'un denim. On aime ou on déteste son style, on peut toujours se moquer de sa fameuse déclaration, « une femme qui n'a pas de jupe de cuir dans sa garde-robe, n'a pas d'avenir », reste qu'il s'est imposé comme un maître en la matière. « ON ASSISTE AUJOURD'HUI À UN RENVERSEMENT COMPLET de l'image du cuir car, à l'origine, il n'est pas noble et d'apparat, contrairement à la soie et à la fourrure, raconte l'historien de la mode, Gislain Aucremanne. Épais et inusable, il est d'abord utilisé pour réaliser la cuirasse des Vikings, les tabliers du mineur et du forgeron, le fourreau de l'épée du guerrier. » C'est vrai, le cuir a des origines prolétariennes, ouvrières et marginales. Il est l'apanage du blouson de mauvais garçon et de l'attirail sadomasochiste. Mais il a aussi gagné ses lettres de noblesse à partir de la fin du XIXe siècle, avec les aristocrates qui équipent leur cheval d'une selle Hermès et ceux qui partent en voyage avec des malles Louis Vuitton. Puis il va devenir l'apanage des conducteurs d'automobiles. « Il faut attendre Yves Saint Laurent pour qu'il entre dans la couture. Dans la première collection qu'il dessine pour la maison Dior, il introduit un blouson en cuir entièrement doublé de fourrure », précise Gislain Aucremanne. Aujourd'hui, cette consommation phénoménale de cuir, également boostée par la demande des pays comme la Chine, a une conséquence : on frôle la pénurie. La peau la plus menacée est celle du veau, car bien plus souple et plus fine que le taurillon ou que la vachette, elle est la plus prisée par l'industrie du luxe. Elle est aussi plus estimée que l'agneau, fort apprécié par la ganterie pour son élasticité. Il faut savoir que la France et l'Italie, les deux seuls pays consommateurs de veau, en mangent de moins en moins alors qu'on l'élève principalement pour sa viande. La peau ne représente que 15 % de sa valeur. « Elle est aujourd'hui devenue une denrée à haute valeur spéculative

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