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Caution dirigeant : la fin des échappatoire

Étude de cas : Caution dirigeant : la fin des échappatoire. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  18 Octobre 2013  •  Étude de cas  •  4 843 Mots (20 Pages)  •  985 Vues

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Caution dirigeant : la fin des échappatoires

Introduction : 1. La Cour de cassation persévère dans la libéralisation du cautionnement. Trois semaines avant la première Chambre civile de la Cour de cassation qui a restitué à l'article 1326 du code civil sa limite naturelle (1), la Chambre commerciale confirme sa nouvelle orientation : « les dirigeants doivent totalement assumer les risques de leur entreprise en s'engageant soit en qualité d'emprunteur, soit en qualité de caution, soit en leur double qualité » (2). Par la décision du 8 octobre 2002 (3) (consorts Nahoum c/ Banque CGER France), la Chambre commerciale paraît rompre avec la jurisprudence initiée par l'arrêt du 17 juin 1997 (4), connu sous le nom de « Macron », patronyme de l'avaliste (5). La décision commentée, procédant par substitution de motif, semble, en effet, abandonner l'exigence de proportionnalité entre les facultés patrimoniales et financières de la caution dirigeant et le montant de la somme garantie (6), exigence consacrée par l'arrêt Macron. En contrepartie - apparente (7) -, la Haute juridiction retient à la charge de la banque une nouvelle obligation, celle de communiquer à la caution des informations la concernant personnellement.

Le revirement de jurisprudence apparaît fortement plausible dans la mesure où, d'une part, on se trouve en présence d'un arrêt rendu en formation plénière de la Chambre commerciale, d'autre part, les faits de l'espèce présentaient une similitude, au moins apparente (8), avec ceux de l'arrêt Macron. Les consorts Nahoum, respectivement président du conseil d'administration et directeur général de la société anonyme La Foncière Marceau, se sont portés caution solidaire des engagements de cette dernière au profit d'un établissement de crédit, à concurrence d'une somme de 23 500 000 francs représentant 20 et 10 % des prêts accordés. Appelés en garantie du fait de la liquidation judiciaire de La Foncière Marceau, les consorts Nahoum ont opposé à la banque le caractère disproportionné de l'engagement souscrit par rapport à leurs ressources. Déboutés au fond au motif que leur engagement était proportionné au regard « des profits escomptés et qui auraient pu être retirés en cas de succès » de l'opération garantie, les consorts Nahoum ont également échoué devant la Chambre commerciale, cette dernière saisissant l'occasion de cette affaire pour abandonner le principe (9) de proportionnalité et consacrer, au moins en apparence, une nouvelle obligation d'information de la caution. Au moins en apparence, car l'obligation consacrée s'avère, en fait, illusoire puisque dépourvue de contenu. L'abandon du principe de proportionnalité (I), la création d'une obligation d'information illusoire (II), tels sont les enseignements dispensés par l'arrêt Nahoum.

I. L'abandon du principe de proportionnalité

Le principe abandonné mérite d'être rappelé (A) afin que la pertinence de son abandon puisse être démontrée (B).

A. Le principe abandonné

2. Le 17 juin 1997, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rendit, sur pourvoi incident (10), une décision qui fit frémir la doctrine et remplit d'aise les cautions dirigeants de la société débitrice principale, dites cautions averties ou avisées, en ce qu'elle retint la responsabilité civile (délictuelle) d'une banque pour avoir fait souscrire à un dirigeant social (11), disposant d'un revenu mensuel de 37 550 francs et d'un patrimoine inférieur à 4 000 000 de francs, un aval d'un montant de 20 000 000 francs, outre les intérêts, commissions, frais et accessoires. La Cour de cassation donna raison à la cour d'appel qui avait estimé que l'aval souscrit par le dirigeant, M. Macron, était « manifestement disproportionné à ses revenus et à son patrimoine ». La Cour de cassation rendit la décision suivante : « Attendu qu'après avoir retenu que M. Macron avait souscrit un aval de 20 000 000 francs, « manifestement disproportionné » à ses revenus et à son patrimoine, la cour d'appel, tout en estimant que M. Macron n'avait pas commis d'erreur, viciant son consentement, a pu estimer, en raison de « l'énormité de la somme garantie par une personne physique », que, dans les circonstances de fait, exclusives de toute bonne foi de la part de la banque, cette dernière avait commis une faute en demandant un tel aval « sans aucun rapport » avec le patrimoine et les revenus de l'avaliste » (12).

3. Par cette décision, la Chambre commerciale choisissait donc, de manière prétorienne et au nom d'un « droit à la liberté patrimoniale » (13), d'aligner la situation des cautions de débiteurs non-consommateurs sur celle des cautions de débiteurs consommateurs. L'article L. 313-10 du code de la consommation prévoit, en effet, qu'« un établissement de crédit ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement d'une opération de crédit relevant des chapitres I ou II du présent titre [crédit à la consommation ou crédit immobilier] conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de la conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et ses revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée ne lui permette de faire face à son obligation ». La sanction consumériste de la disproportion est radicale : la caution est totalement déchargée de son obligation de se substituer au débiteur défaillant (14). Fondant sa décision sur les articles 1382 et 1383 du code civil, la Chambre commerciale faisait de l'application d'un principe général, la proportionnalité (15), une norme de comportement privé, comportement en l'espèce financier. Le fondement de ces deux textes s'expliquait aisément car qu'est-ce que la disproportion sinon un excès, un abus ? Or, on le sait, c'est au titre de l'article 1382 du code civil que le droit positif sanctionne l'abus.

4. La jurisprudence Macron a connu un succès judiciaire foudroyant (16), tranchant singulièrement avec certaines critiques doctrinales, ainsi qu'avec le coup d'arrêt porté par l'arrêt Nahoum. En refusant de casser un arrêt qui aurait pourtant pu donner lieu à une réitération de la jurisprudence Macron, la Chambre commerciale marque sa volonté de revenir sur celle-ci. L'abandon est-il pertinent ? Il convient de le vérifier.

B.

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