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En quoi la responsabilité est-elle cruciale dans la formation de l’identité ?

Cours : En quoi la responsabilité est-elle cruciale dans la formation de l’identité ?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  19 Mai 2022  •  Cours  •  1 883 Mots (8 Pages)  •  268 Vues

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HLP Terminale – La recherche de soi

Identité narrative et responsabilité, Alasdair MacIntyre, Après la vertu, PUF, 1997, p. 211-212.

Correction de la question d’interprétation philosophique

En quoi la responsabilité est-elle cruciale dans la formation de l’identité ?

Il est courant de lier la responsabilité avec la possibilité même d’être sujet de ses actes car on pense alors la responsabilité comme la contrepartie de la liberté subjective de décider de ses actes : je suis libre et donc je dois pouvoir répondre de ce que je fais. La responsabilité est ici pensée comme ce qui permet d’attribuer une action et ses conséquences à un auteur, pour pouvoir l’en féliciter ou l’en blâmer. La conception courante de la responsabilité a donc essentiellement un sens moral et consiste à pouvoir attribuer des actions à un sujet pour pouvoir le rétribuer, c'est-à-dire lui rendre ce qui lui en revient. Or, si l’on comprend en quoi la responsabilité est cruciale pour la formation de la subjectivité, que signifie qu’elle soit cruciale pour la formation de l’identité ? Une façon simple de répondre consisterait à dire que notre identité est donnée par nos actions, en ce qu’elles sont ce que nous décidons de faire et que nous sommes définis par ce que nous faisons. Mais, alors, nous pensons que nous avons une identité intérieure, une essence en quelque sorte, et que notre existence est le résultat des décisions de cette identité qui nous définit. De ce point de vue, la responsabilité n’a pas réellement de part dans la formation de cette identité puisqu’elle est déjà constituée indépendamment de ce qui nous arrive, de ce qui compose les événements de notre existence. Comment comprendre alors le rapport entre nous et cet ensemble qui compose notre vie et dont nous n’avons pas à chaque fois décidé ? Si la responsabilité ne consiste qu’à reconnaître ce dont nous pouvons nous dire décisionnaires, ne devons-nous pas renoncer à une part importante de notre existence ? Or, les décisions que nous prenons, ne les prenons-nous pas en tenant compte de ce qui nous arrive, c'est-à-dire de ce que nous pensons être et de ce que nous pensons être notre situation ? Ne devons-nous pas élargie notre responsabilité au-delà de la limite de ce que nous pouvons décider, pour pouvoir nous penser responsable de notre existence dans toutes ses dimensions ?

C’est à cette compréhension élargie de la responsabilité que nous invite MacIntyre dans ce texte afin de pouvoir comprendre ce que nous appelons notre identité. Plutôt que de partir du sujet pour penser la responsabilité, il montre que c’est la responsabilité qui fonde la possibilité du sujet. Ce faisant, le sujet perd son indépendance et l’apparence de sa souveraine puissance de décision, car être sujet aura pour condition la possibilité d’être le « personnage » d’un récit. En ce sens, le texte veut nous faire comprendre que c’est pour autant que nous pouvons raconter notre vie dans la forme d’un récit intelligible, que nous pouvons avoir une identité reconnaissable, par les autres comme par nous-mêmes. Nous allons tenter de comprendre comment l’identité est dépendante de la possibilité de la narration et en quoi le sujet est identifié par le récit.

Si le texte commence par indiquer que mon identité est ce que les autres considèrent comme mon histoire, c’est que mon histoire n’est pas d’abord mon histoire parce que je la constituerai moi-même : les autres peuvent raconter mon histoire tout aussi bien que moi et parfois mieux en ce qui concerne mes premières années par exemple. Mon identité est donnée par le fait que ma vie peut être racontée comme une histoire qui a un sens, c'est-à-dire dont les différents moments peuvent être articulés les uns par rapport aux autres de façon intelligible. L’histoire sera définie par l’unité du récit qui, elle, implique l’unité du personnage dont le récit narre l’existence. Ainsi, la narration est ce qui articule ensemble la notion d’histoire et la notion de personnage faisant de chacune la condition de l’autre : il n’y a une histoire que d’un personnage et il n’y a de personnage que de ce qui a une histoire. L’identité est alors celle du personnage en tant que le personnage n’existe que par son histoire. Avoir une identité c’est donc avoir une histoire dont nous pouvons nous dire le personnage. C’est ici qu’intervient la notion de responsabilité car être responsable, c’est pouvoir dire que l’histoire qui raconte ma vie est bien la mienne. Ce qui veut d’abord dire que je reconnais avoir vécu les événements narrés et qu’ils me concernent, qu’ils sont miens en ce ce qu’ils me sont arrivés à moi. Cela ne veut pas dire que j’en suis nécessairement responsable au sens où j’en aurai décidé, mais que je reconnais que je suis celui dont il est question, je suis le personnage dont on raconte l’histoire. C’est ce qu’illustre l’exemple tiré du Comte de Monte-Cristo : les deux identités narratives, celle d’Edmond Dantès et celle du Comte, ne sont celle du même personnage que parce qu’il est capable de dire comment il a pu être l’un puis l’autre. Ce n’est pas l’unité du corps qui compte ici d’abord, c'est-à-dire le fait qu’il s’agisse de deux personnalités vécues par un même corps, car si chacune des personnalités ne reconnaît pas être aussi l’autre, c'est-à-dire qu’elle est aussi le sujet de l’histoire qui définit l’autre identité (n’en est pas responsable donc), nous aurons affaire à un cas de dédoublement de personnalité mais pas d’identité d’un sujet. Etre responsable de son histoire c’est donc pourvoir la dire sienne, pouvoir s’identifier à elle et par elle.

Mais cela implique un deuxième sens de la responsabilité : être responsable signifie aussi être responsable du récit de mon histoire au sens où je peux expliquer ce qui m’arrive, c'est-à-dire que je peux intégrer ce qui m’arrive dans la continuité de mon histoire. C’est ce que montre le contre-exemple qu’évoque le texte, celui où une personne perd le sens de son existence en perdant le sens du récit de sa vie. Ne pouvant plus comprendre ce qui lui arrive, par manque d’intérêt ou de finalité, elle perd en même temps la possibilité d’être sujet, c'est-à-dire de s’identifier à sa vie pour la continuer. Etre sujet c’est donc pouvoir raconter mon histoire et prendre des décisions à partir du sens qu’elle a jusque là. C’est là que le concept d’identité narrative, c'est-à-dire d’une identité fondée sur la narration, permet de comprendre autrement l’idée de la liberté du sujet. Si le sujet est libre, ce n’est pas au sens où il pourrait prendre n’importe quelle décision de façon absolument arbitraire par rapport à ce qui le déterminerait extérieurement, car nous ne pensons notre liberté que par rapport au sens que nous donnons à notre situation et à notre identité. Ainsi, nous comprenons notre liberté à partir de notre capacité d’agir conformément à nos aspirations ou désirs, lesquels sont toujours compréhensibles comme désirs en étant des éléments intégrés à la continuité de notre histoire. C’est ce qu’illustre, à l’inverse, la situation où telle personne, comme Anna Karénine, tombe éperdument amoureuse de Vronski sans pouvoir comprendre pourquoi, ni comment, c’est possible. Elle ne peut se reconnaître dans cette passion soudaine car elle ne peut l’intégrer au récit de sa vie et la rendre compatible avec l’idée qu’elle se fait d’elle-même. Elle devra accepter d’avoir changer, d’être en quelque sorte une autre pour pouvoir vivre cette nouvelle histoire, mais en rompant avec une part de son ancienne vie. La liberté que nous revendiquons en tant que sujet est donc la liberté de poursuivre le récit qui nous identifie. En tous cas elle est dépendante de notre capacité à rendre compte de ce récit, c'est-à-dire de son intelligibilité, que ce soit à nous-même ou aux autres.

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