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Klein Avait-il Raison?

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Par   •  16 Février 2013  •  383 Mots (2 Pages)  •  774 Vues

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Venons-en à la question de la couleur, et tout spécialement du "bleu Klein", qui soulève un sérieux paradoxe : la vision idéaliste de Klein, qui attribue à ce bleu des valeurs mentales et spirituelles, repose en vérité sur une conception essentiellement réaliste de la couleur — il a d'ailleurs dit lui-même considérer la peinture comme une sorte de « réalisme mystique ». Il y a chez Klein une ontologie du bleu, qui, pour lui, existe en tant que tel ; c'est le cas aussi des autres couleurs, bien entendu. Là encore, il s'agit d'un point de vue fort archaïque qui remonte, grosso modo, à la conception aristotélicienne, et qui fait l'impasse sur la théorie moderne de la couleur, depuis Newton en particulier, qui fait fi aussi de tous les acquis du XIXe siècle, au premier chef les travaux de Chevreul, avec sa loi des «contraste simultanés» que mettra en œuvre Delaunay. Ce que nous savons aujourd'hui de la couleur, c'est que l'impression perceptive qu'elle décrit résulte non seulement de la nature propre de l'objet contemplé, mais d'abord de la lumière qui l'éclaire, ensuite de la surface qui la renvoie, et finalement des mécanismes interprétatifs de notre œil et de notre cerveau. Autrement dit, la couleur ne peut se réduire à une confrontation entre physique et mystique seulement — elle relève aussi de la psychophysiologie, sans parler de l'anthropologie. Que serait le bleu Klein vu par un daltonien ? Ou, mieux encore et à l'opposé, vu par les pigeons, qui sont tétra¬chromats (c'est-à-dire que leur rétine dispose de quatre types de cônes, au lieu de trois pour la nôtre — ce qui veut dire que nous sommes daltoniens par rapport aux pigeons) ? Plus simplement encore, il vaudrait la peine de comparer les différentes perceptions d'un même monochrome de Klein dans différentes ambiances lumineuses, par exemple dans plusieurs situations d'exposition. Malgré le soin apporté aux éclairages dans les musées modernes, la nature et la qualité de la luminosité n'y sont guère uniformes, et les monochromes de Klein s'y montrent vraisemblablement sous des jours assez divers. Ainsi donc le « bleu Klein », même s'il obéit à une définition chimique sans ambiguïté, n'existe pas en tant que percept unique, ce qui jette une lumière ironique sur les justifications de l'artiste.

La science n’est pas l’art.

Jean-Marc Lévy-Leblond

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