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Une oeuvre d'art est-elle nécessairement belle et appréciée?

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Par   •  21 Novembre 2012  •  1 834 Mots (8 Pages)  •  2 131 Vues

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. Détermination du problème

1.1. Définitions

"OEuvre d'art" : la question est précise. Elle exclut l'art au sens de l'artisanat et les questions esthétiques en général (la question n'est pas de savoir si on a besoin de culture pour apprécier un coucher de soleil) pour se restreindre aux beaux-arts. L'oeuvre d'art s'oppose à l'objet utilitaire (elle vise le beau) et aux choses naturelles (elle provient du travail de l'artiste).

"Etre cultivé" : il s'agit bien ici de l'érudition livresque, corpus de connaissances transmises par l'éducation et portant sur la science, l'histoire, la littérature, la mythologie etc. Pas question d'entendre "être cultivé" au sens ethnologique de "appartenir à une culture donnée" (la culture wolof, amérindienne ou occidentale, par exemple). La culture s'oppose à l'ignorance, à l'illétrisme.

"Goûter" : verbe ambigu qui connaît trois acceptions. Primo, on peut l'entendre comme synonyme de "tester", "essayer". Secundo, on y voir un synonyme de "prendre plaisir à", de "trouver bon et agréable" (sens vieilli, qu'on trouve surtout dans la langue du XVIIè, ainsi chez La Fontaine : "L'âne qui goûtait fort l'autre façon d'aller, Se plaint en son patois..." Fables, III, 1. Tertio, il peut se lire au sens de "juger", "apprécier avec justesse" (associé au "bon goût"). L'acception purement gustative du verbe "goûter" pouvait ici être écartée sans hésitation (on ne lèche pas les statues SVP !) : pourtant, plusieurs copies ont évoqué la dégustation oenologique (art = pinard ?) ou la pâtisserie comme exemples. Ce n'était pas exactement à ce niveau que se posait le problème.

1.2. Forme de la question

"Faut-il" : verbe fort. La question porte sur la nécessité de disposer d'une culture livresque pour apprécier une oeuvre d'art. Une réponse affirmative sous-entendrait qu'un ignorant, un illettré ou un individu n'ayant jamais eu la chance de fréquenter l'école ne pourrait pas goûter une oeuvre d'art.

1.3. Relations entre les termes

L'oeuvre d'art se propose d'atteindre le beau, c'est-à-dire de faire appel à un sentiment. Au contraire, la culture au sens de la question désigne le savoir intellectuel. Un mouvement du coeur dépendrait-il donc d'une "tête bien pleine" ? L'opposition entre les inclinations sentimentales et les ordres de l'esprit, entre émotions et raison, est pourtant bien connue.

2. Réponse spontanée et réponse paradoxale justifiées

Réponse spontanée : Non, la culture livresque n'est pas nécessaire car l'oeuvre d'art, visant au beau, parle directement au coeur et peut émouvoir même un ignorant.

Réponse paradoxale : Oui, la culture s'avère absolument indispensable pour goûter une oeuvre car sans un minimum de connaissances, le spectateur comprend de travers et admire au hasard.

3. Argumentation de la thèse et de l'antithèse

3.1. Thèse : un ignorant peut être ému par une oeuvre d'art

Une affirmation contraire signerait un élitisme pour le moins blessant. Même un complet ignorant peut ressentir un plaisir profond et authentique devant une oeuvre d'art. Le succès constant des expositions ou d'initiatives comme les Journées du Patrimoine prouve l'intérêt porté par le grand public (qui ne se compose pas entièrement d'esthètes avertis) aux oeuvres.

Par ailleurs, il semble évident qu'une grande oeuvre émeut par-delà les siècles et par-delà les cultures particulières, justement parce qu'elle touche à l'universel : ainsi L'Iliade ou Romeo et Juliette. Le vrai génie parle à tous : une oeuvre trop riche en sous-entendus, en allusions, en clins d'oeil complices, dérape vite vers l'exercice laborieux.

Enfin, la culture n'est jamais innée : elle provient toujours d'un apprentissage. Dès lors, elle se suspend à un "point d'origine", à une "première fois" où l'individu a bien ressenti un plaisir esthétique alors qu'il ne disposait encore d'aucune culture - et où il était donc ignorant. Sans une telle expérience, aurait-il poursuivi son apprentissage artistique ?

Nota Bene : il n'était pas très intelligent, ici, de dire que les musées ne procèdent pas à des contrôles de connaissances à l'entrée, et qu'il suffit de payer son ticket pour avoir accès à l'art : le problème se situe à un niveau supérieur. Par ailleurs, plusieurs copies rappellent que la culture scientifique n'aide pas à la compréhension d'une oeuvre. Affirmation pour le moins douteuse : la construction des oeuvres classiques exigeait des connaissances géométriques, et l'architecture demande toujours une bonne connaissance de la mécanique. Même les connaissances médicales peuvent être utiles pour apprécier, par exemple, ce chef-d'oeuvre d'anatomie qu'est l'Homme de Vitruve.

3.2. Antithèse : l'ignorant admire au hasard

Une oeuvre d'art porte avec elle les codes sociaux de la culture dont elle émane. Une toile comme La Liberté guidant le peuple de Delacroix (merci à Thibaut pour cet excellent exemple) se réfère à un symbolisme républicain explicite (bonnet phrygien, drapeau tricolore, allégorie de la liberté), et le double d'allusions à la Révolution de 1830, qui renversa Charles X. A cela s'ajoutent des détails plus anecdotiques : ainsi, il semblerait que le personnage couvert d'un haut-de-forme, à gauche de la femme centrale, soit un autoportrait de Delacroix. Ces informations ne peuvent ni s'inventer, ni se déduire de la toile : l'ignorant ne les percevra pas. Dès lors, comment pourrait-il apprécier à sa juste valeur cette image triomphale ?

Dans sa recherche de la "norme du goût" dans les Essais esthétiques, David Hume insiste sur la nécessité d'un corpus de connaissances pour bien juger des oeuvres. En particulier, affirme-t-il, le spectateur doit tenter, s'il veut apprécier

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