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Les expositions Blockbuster : l'art et l'argent

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Par   •  29 Septembre 2022  •  Dissertation  •  4 358 Mots (18 Pages)  •  232 Vues

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Les Expositions « Blockbuster » : l’art et l’argent

Introduction

C’est en 1972 qu’a lieu au British Museum la toute première exposition « blockbuster » de l’histoire muséale. « Tutankhamun, King of Egypt » comptabilise près d’1,75 millions de visiteurs. Par la suite, les expositions d’une telle taille se sont rapidement multipliées.

Cause ou conséquence du succès de ces expositions, les chiffrent s’accordent sur le fait que les musées connaissent une progression significative ; aussi bien leur nombre, que leur public ou encore leurs activités. L’essor est aussi bien visible en France ; où la fréquentation entre 2000 et 2010 a augmenté d’au moins 80%, qu’aux Etats-Unis qui recense 40% d’établissements en plus, ou encore au Canada, où le nombre de musées est passé de 161 en 1951 à plus de 2400 aujourd’hui.

Au-delà de cette progression propre aux institutions, l’activité des musées est elle aussi en pleine croissance, comme l’illustre la prolifération des expositions XXL. Les musées enregistrent des records de fréquentation ; 6569 visiteurs en une journée au Centre Pompidou en 2009, 913 064 personnes ont visité l’exposition Monet du Grand Palais en 2010, ou encore 34 000 visiteurs en seulement deux jours pour l’exposition de la collection Pierre Bergé et Yves Saint Laurent en 2009. Ces expositions ne sont pas seulement caractérisées par leur ampleur, mais aussi par leur organisation spectaculaire et leur cout pharamineux. On pense par exemple au cout de l’exposition Jeff Koons en 2014 à Versailles qui s’élevait à 850 000€. Depuis une dizaine d’années, pour caractériser cette nouvelle tendance d’expositions monumentales, c’est le terme américain « blockbuster » qui est utilisé. Celui-ci étant généralement utilisé pour caractériser des films ayant un budget considérable et générant des revenus conséquents. En effet, le montage de telles expositions ressemble à la réalisation de films du box-office ; allant du choix de la tête d’affiche, au coût des assurances, en passant par la scénographie et la campagne de communication. Les expositions « blockbuster » sont à mi-chemin entre l’art et l’événementiel. Ce sont des expositions sensationnelles, qui attirent la foule et les sponsors, et qui permettent généralement d’amplifier l’attractivité du lieu, et d’obtenir de larges profits. Olivier Gabet Directeur du Musée des Arts Décoratifs, explique justement que « les expositions temporaires de grande ampleur sont le prisme par lequel les institutions muséales sont les plus connues. ». D’après l’historien de l’art Albert Elsen, les « blockbuster » de nos musées sont en fait des « expositions temporaires composées à partir d’un grand nombre d’œuvres prêtées et pour lesquelles un public qui n’a pas l’habitude de fréquenter les musées pourra, exceptionnellement, faire plusieurs heures de queue. ». Cet aspect populaire, exceptionnel et rémunérateur découle directement de « l’eventocratie ». Ce concept inventé par le critique d’art Massimiliano Gioni renvoie à la volonté généralisée de créer des événements autour des expositions, en plaçant au centre le spectaculaire, parfois au détriment du fond et de la création. Stéphanie Rolea évoque elle une véritable « marchandisation » de l’art à travers ces expositions.

        Ainsi, à travers ce changement de paradigme où le musée et l’exposition deviennent de véritables objets de l’industrie culturelle de masse, il s’agira de se demander : Dans quelle mesure l’essor des expositions blockbuster a été favorisé par la marchandisation de l’art ?

        Nous verrons dans un premier temps comment la recherche du profit et le diktat de l’eventocratie sont devenus des moteurs dans l’organisation de ces expositions. Dans un second temps, il s’agira d’analyser les dispositifs mis en place pour assurer leur succès.

  1. La recherche du profit et le diktat de l’eventocratie

Dans un contexte de mutation du marché de l’art contemporain, désormais dicté par l’eventocratie et la recherche du profit, nombreux sont les musées qui ont adopté ce mode d’exposition XXL. Cette nouvelle tendance favorise et est favorisée par la marchandisation de l’art ; même le choix des artistes est déterminé par la valeur commerciale.

  1. La marchandisation de l’art

C’est à partir des années 1980 que le processus de marchandisation des musées et de leurs expositions s’impose. Pour Matti Bunzl, directeur du Musée de Vienne, avec le néolibéralisme et le retrait de l’État de certaines sphères de la société, le domaine culturel s’est lui aussi engagé dans la « spirale de croissance ». En effet, on assiste dès lors à une forte baisse des financements et dotations publiques, au profit d’une place de plus en plus influente accordée au mécénat. Ces derniers se distinguent par leurs exigences ; les expositions se doivent d’attirer un public de plus en plus vaste. Néanmoins, afin de combler l’absence des dotations étatiques, d’agrandir les musées et d’organiser des événements grandioses, les musées se voient obligés de trouver de nouveaux donateurs. Il y a donc une course perpétuelle aux financements ; il faut organiser de grands événements pour attirer les donateurs, et il faut des donateurs pour organiser ces types d’expositions. Le besoin de nouveaux soutiens financiers est aussi dû à l’évolution du marché de l’art contemporain. En quelques décennies, le prix des œuvres a grimpé ; à tel point que certaines œuvres d’artistes vivants ont atteint des prix qui étaient jusque-là réservés aux œuvres des « maîtres anciens ». Pour organiser les expositions, les musées se retrouvent donc piégés par cette flambée des prix ; même lorsque les œuvres leur sont prêtées, les frais d’assurances sont très couteux. Par ailleurs, les donateurs sont souvent rattachés à l’industrie ce qui rend la frontière entre art et argent d’autant plus fine. Par exemple, les Serpentine Galleries à Londres sont soutenues par la Fondation Luma, propriété de Maja Hoffmann, qui est aussi l’héritière des laboratoires pharmaceutiques Hoffmann-La Roche. De plus en plus, on assiste aussi à l’émergence de « fondations » avec à leur tête des milliardaires, comme Bernard Arnault, propriétaire de la Fondation Louis Vuitton, ou encore François Pinault, qui possède le Palais Grassi à Venise ou la Bourse de Commerce de Paris. Face à de telles fortunes, il devient difficile de rivaliser pour des musées publics, surtout pour les petites institutions. Ces dernières seraient par exemple incapables de financer une exposition comme Chtchoukine réalisée par la Fondation Louis Vuitton en 2016. Jean-Pierre Cometti constate que « les économies néolibérales ont intégré l’art aux mécanismes du marché comme un facteur d’investissement, de spéculation et d’échange, à différents niveaux et de diverses façons selon le régime propre aux arts et aux œuvres ».  La marchandisation de l’art s’accompagne aussi de l’eventocratie ; qui préfère souvent la forme, à travers une mise en scène spectaculaire, au fond et à la créativité. On le comprend d’ailleurs à travers les mots de l’artiste Richard Serra ; « Désormais, lorsque je me rends au Whitney Museum (à New York, ndlr), je ne sais plus si je vais tomber sur une performance d’Arnold Schwarzenegger gonflant ses muscles ou bien une énième rétrospective d’Edward Hopper... ».

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