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De l'oeuvre d'art à l'esthétique industrielle

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Par   •  18 Novembre 2019  •  Dissertation  •  2 381 Mots (10 Pages)  •  536 Vues

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        En général, nous présupposons d’une réelle différence entre l’objet et l’œuvre d’art. Pourtant, un tableau ou une statue sont bien, en eux-même, des objets. Plus simplement, les objets nous entourent et sont donc présents depuis longtemps dans les représentations artistiques, même s’il n’en sont pas le centre. Cependant, ne n’est ni le même propos, ni les mêmes moyens qui sont développés dans une peinture de la Renaissance Flamande ou dans un travail affilié au Pop-Art. La manière de travail l’objet, ou avec l’objet, ainsi que son statut au sein de l’œuvre évoluent tout au long de l’histoire de l’art. S’est alors posé pour les artistes le problème de la valeur à accorde à l’objet. La culture occidentale étant fondée sur des bases judéo-chrétiennes, l’objet y trouve à l’origine une place assez basse dans la hiérarchie morale et artistique. Nous pouvons tout de même remarquer la présence constante de l’objet dans la pratique artistique. Quelles attitudes les artistes adoptent-ils alors face à l’objet, aussi bien plastiquement que symboliquement ? Quelles stratégies utilisent-ils pour les représenter ? Pour répondre à ces questions, nous nous pencherons sur le statut de représentation et de présentation, ainsi qu’au questionnement que ces stratégies impliquent.

        En effet, de l’Antiquité à la fin du 19ème siècle, l’histoire de l’art est traversé par la question de la mimesis, et donc de la représentation.

        La tradition mimétique remonte au mythe de Zeuxis. Celui-ci raconte que le peintre serait capable de représenter des raisins si réalistes que les oiseaux essaieraient de les manger. Celui-ci se serait à son tour fait berner par son rival en essayant de révéler son œuvre en tirant le rideau qui la recouvrait. En fait, ce n’était pas un rideau mais la peinture elle-même, qui représentait un rideau. À partir de ce mythe, la reproduction fidèle de monde réel va devenir le point central des représentations antiques et modernes.

Cette volonté de représenter le monde ressurgit particulièrement à la fin du Moyen-Âge, notamment dans les peintures flamandes. Les objets y prennent de plus en plus d’importance, souvent en arrière plan comme dans l’œuvre de Quentin Metziys Le Préteur et sa femme. On y voit un couple, et derrière eux, des étagères encombrées. Car le principe de mimesis ne signifie pas une simple copie de la réalité : des moyens particuliers sont mis en place pour représenter les objets. Ceux-ci sont souvent inscrits dans une niche, comme c’est le cas des fruits de Coings, pommes et courges de Sanchez Cotan, peints au 17ème, ou bien des statuts que représente Van Eyck sur Le Polyptique de Gand, réalisé en 1432. Celui-ci est un peu particulier. Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler de nature morte, il questionne le statut de la représentation. Nous y voyons les donateurs en prière devant des statues de saints. Elles sont représentées en grisaille, c’est à dire de manière réaliste. Van Eyck inclut donc dans sa peinture la représentation de sculptures, elles-mêmes représentations artistiques.

        Par la reproduction fidèle d’objets, le critère de la mimesis charge l’œuvre d’une dimension mémorielle. Déjà au 1er siècle avant notre ère, les Romains offraient des représentations de panières de fruits, qu’on appelle les Xénias. Du grec ξενος (xénos), étranger, elles découlent d’une tradition de présents réciproques entre l’hôte et et son invité. Tout comme la mosaïque représentant des restes de banquets retrouvée à Rome, les xénias représentent le souvenir d’une fête, d’un bon moment, qui, transformé en objet, ne se dégradera pas.

Cela s’observe aussi dans l’une des premières représentations d’objets modernes. Il s’agit du Coretto de la Chapelle Scrovegni peint par Giotto en 1305, qui représente un lustre. Or, ce lustre est le même que celui qui se trouve réellement dans la chapelle. Le représentation renvoie donc spatialement à la réalité, mais aussi temporellement, car regarder le lustre peint, c’est se souvenir de toutes les fois où on a regardé le réel, pendant la messe par exemple.

        Ainsi, l’objet peut être porteur de sens. Comme l’explique Roland Barthes dans son ouvrage Mythologies, l’objet peut être considéré comme l’enveloppe physique d’une symbolique et d’un sens. Même si cela est bien antérieur au livre de Barthes, nous pouvons penser à des vanités du 17ème siècle, qui sont très didactiques au niveau de la symbolique de l’objet. La Nature Morte à l’échiquier de Lubin Baugin, par exemple, ne représente que des objets, mais acquiert une dimension de vanité lorsque l’on connaît leur symbolique. Les éléments comme l’échiquier et le luth renvoient aux plaisirs terrestres, tandis que la fleur représente la brièveté de l’existence humaine et agit comme un memento mori. Certains sont plus ambigus, comme le pain et le vin : plaisir du goût, bien-sûr, mais aussi composants principaux de la communion. Par leur association et par l’apposition de concept aux objets, ils se chargent d’une symbolique, à la fois sur le plan moral et sur le plan religieux.

Cette démarche est assez ambiguë, car elle consiste à condamner les possessions terrestres, tout en passant par la nécessité de les représenter. De plus, le développement de la vanité aidera grandement à l’autonomisation de la nature morte, qui s’accomplira un siècle plus tard avec des œuvres comme Natures mortes aux pommes et à la timbale de Chardin. L’artiste peint en 1740 des fruits pour ce qu’ils sont, c’est à dire des sujets de représentation.

        C’est principalement cette représentation mimétique de l’objet en tant que tel que vont remettre en cause les avant-gardes du 20ème siècle, en se dirigeant petit à petit vers une présentation de l’objet.

        Cette démarche est due, en premier lieu, à un rejet de la représentation traditionnelle de l’objet. Au début du siècle, en 1907, a lieu la révolution cubiste, portée par Braque et Picasso. Dans leurs différentes périodes, les peintres cubistes vont s’attacher à simplifier les formes, à représenter l’objet sous différents angles. Picasso introduit même de la véritable toile cirée dans sa Nature Morte à la chaise cannée. L’objet y est le sujet d’une représentation qui rompt avec la mimesis mais l’artiste y intègre un objet réel, qui vient interférer dans la représentation.

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