Les Demoiselles D'Avignon

« Les Demoiselles d’Avignon » est le résultat d’une longue et patiente recherche qui a nécessité un grand nombre d’essais (il existe une centaine d’esquisses, principalement des dessins, des gouaches et des peintures à l’huile). Dans ce tableau, Picasso « oublie » toutes les règles académiques : pas de sujet narratif, aucune perspective, absence de réalisme voire de naturalisme dans l’exécution des modèles. C’est là une conséquence directe de l’influence de Cézanne sur le peintre Espagnol. Les lignes brisées, les formes aux arêtes vives, géométriques, la composition où prédominent les pointes et les angles, mais aussi les couleurs, finalement peu nombreuses et d’une teinte plutôt neutre, tout concourt dans cette œuvre à susciter une certaine violence, comme si le peintre, conscient de la nouveauté de son geste, de sa démarche, transmettait au tableau ses propres doutes et ses propres difficultés à créer un langage radicalement novateur. Il est en effet extrêmement difficile, pour un artiste, de se détacher des modèles existants, et d’inventer son propre langage, son propre style- en d’autres termes, on pourrait dire qu’il est extrêmement difficile d’être pleinement soi-même. Ce tableau, dans sa version « définitive inachevée », ouvre à la peinture des perspectives nouvelles : ce n’est plus la représentation de la réalité qui compte, mais l’acte de peindre lui-même, c’est-à-dire d’organiser la toile de façon à ce que tous les éléments dont s’inspire le peintre soient recomposés par lui. La peinture s’affirme comme quelque chose d’indépendant. Le peintre travaille à organiser une vision intérieure (c’est-à-dire unique, originale et singulière) de l’humanité. La toile, l’art, deviennent des champs de recherche, des laboratoires dans lesquels l’artiste va chercher à se renouveler en permanence.

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