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L'histoire de la beauté et de la bête

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Par   •  17 Janvier 2014  •  Commentaire de texte  •  5 566 Mots (23 Pages)  •  839 Vues

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Le récit de La Belle et la Bête fut publié en 1756 par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont. Elle reprenait le canevas d’une histoire rédigée par Mme de Villeneuve, qui s’était elle-même inspirée du conte traditionnel de La femme à la recherche de son époux disparu [1]. Le récit conte l’histoire millénaire de l’union des contraires, déjà présente chezEros et Psyché. Il draine un ensemble considérable de symboles et enseignements ouvrant la voie à des interprétations diverses. Retraçant la romance naissante entre une belle jeune fille et un prince transformé en bête, le conte peut s’envisager à première vue comme un plaidoyer moral soulignant l’importance de la beauté intérieure et la nécessité de dépasser les apparences, lecture qui ne donne, si l’on s’y borne, qu’un aperçu superficiel de ses enseignements. Posons la Belle et la Bête non comme deux êtres complets, mais comme les différentes facettes de l’être humain et la romance entre deux êtres que tout oppose dépasse les limites de l’intrigue amoureuse. Elle devient l’aboutissement du voyage initiatique visant à résoudre l’irréductible dualité de l’être, par la réunion harmonieuse de ses multiples dichotomies : beauté/bestialité et par extension corps/esprit, masculin/féminin, mais aussi clair/obscur, solaire/lunaire, etc. Restituons ensuite sa juste place à la figure essentielle du père de Belle, moins visible que le couple Belle/Bête mais indispensable à une compréhension globale du récit : la dualité se fait triptyque. Plus profond que la rencontre amoureuse, plus vaste que le «scénario œdipien[2] , celui-ci élargit la rencontre des contraires au dialogue perpétuel entre les trois facettes de l’être humain, Corps, Âme et Esprit. Se dessine une base ternaire qui pourrait nous donner une lecture particulière de la symbolique du texte. Si elle constitue la pierre d’angle de son interprétation, cette dissociation de l’homme n’est pas propre au conte. On la trouve manifestée dans bien d’autres œuvres et mythologies, occidentales ou non. Puisant dans la symbolique chrétienne, l’entrée de l’abbaye de Saint-Wandrille (Normandie) montre un pélican nourrissant ses trois petits sur un nid formé par une couronne d’épines, figurant l’enseignement du Christ nourrissant l’intellect, la spiritualité et le corps de l’homme. Dans le tantrisme indien la représentation des cycles de l’univers s’effectue à partir desgunas, les trois constituants de l’intelligence, de l’énergie et de la matière. Plus près de nous l’analyse des aventures de Tintin réalisée par Jacques Fontaine fait du trio Tintin/Haddock/Tournesol une figuration moderne des trois facettes, qu’il renomme âme, cœur et esprit[3]. Les variations sémantiques de ces exemples d’héritage culturel divers ne modifient pas le sens donné à chacun des constituants, que nous préciserons en premier lieu. Nous montrerons ainsi dans quelle mesure le triptyque Belle/Bête/Père incarne les trois facettes de l’être humain. Ce cadre posé nous retracerons le cheminement de chacun des personnages, les obstacles et appuis qui jalonneront leur parcours et les différents états par lesquels ils passeront. Nous pourrons alors étudier l’accomplissement progressif de l’être, qu’engendrent la rencontre et l’union des trois protagonistes. La nécessité d’interpréter l’œuvre sur trois dimensions rend la tâche plus complexe que comparer deux dimensions, comme le bien et le mal ou la Belle et la Bête. Ce type de lecture amène à relativiser puisqu’elle n’oppose pas deux aspects mais compose avec les trois : la Bête peut-elle exister sans la Belle et sans le Père ? Où se trouve leur équilibre ? Comment envisager les relations du diptyque Belle/Bête par rapport au Père ? De celui Belle/Père par rapport à la Bête ? La nature trinitaire nous inviter à envisager toutes les combinaisons possibles pour que chaque dimension soit égale aux autres. Le triangle formé par Belle, la Bête et le Père nous donne le moyen de mesurer ces dimensions, équilibrées à l’infini.

Dans une optique de multiplicité des lectures et sans prétendre détenir l’inexistante interprétation « juste », nous nous proposons d’étudier l’aspect symbolique de La Belle et la Bêteà partir d’une adaptation rarement étudiée, le film réalisé par le studio Disney en 1991. Deux raisons justifient ce choix. Le film présente d’abord de nombreux objets et personnages à forte charge symbolique, qui éclairent l’itinéraire suivi par chacun des personnages dans leur voyage initiatique et par là le message du conte. Par ailleurs le rôle fondamental du père dans l’achèvement du récit y apparaît de manière évidente, à la différence d’autres adaptations comme celle de Cocteau. Nous ne supposons pas que l’ensemble des éléments que nous avons relevés aient été insérés sciemment par les créateurs du film, ce qui ne les rend pas moins parlants : au contraire le caractère inconscient de ces ajouts souligne leur intemporalité et la capacité de l’œuvre à interpeller chacun, ce que déclarait Marilia Baker avec emphase : «Comme dans l’extraordinaire chef-d’œuvre de Cocteau, l’équipe Disney, écrivains, producteurs, techniciens de l’animation, artisans, artistes, acteurs, tous enfin, semblent avoir été touchés parl’énergie archétypique.»[4]

I – La figure triple du héros, être humain accompli

1) Belle : l’intuition directrice

Du comportement à l’apparence Belle incarne l’Âme de l’être humain, entendue dans un sens plus spirituel que religieux. Elle fait jaillir ce que Paul Diel qualifiait de surconscient[5], la sublimation de la conscience humaine par l’élan spirituel. Belle est l’intuition supérieure incommensurable au monde du phénomène, auquel elle demeure liée mais dont elle s’élève pour atteindre l’absolu. Dès l’air d’ouverture du film Belle déclare se sentir enfermée dans un village dont les habitants, remplissant leurs tâches quotidiennes sans réfléchir, lui sont étrangers. Le désintérêt des profanes pour les romans de Belle fait du village une représentation du monde purement sensible, attaché à ses préoccupations matérielles, que Belle veut fuir en vivant « autre chose que cette vie.». Cette « autre chose» se devine dans la joie qu’elle a de discuter avec le libraire, dont la mappemonde rappelle son désir de voir « plus grand ». Le vieil homme bienveillant offrant ses livres y représente le savoir, la porte ouverte sur le monde (spirituel). Peu après la demande en mariage du sinistre Gaston, le désir de hauteur de Belle se fait impérieux. S’enfuyant dans une immense vallée, elle chante vouloir «s’envoler dans le bleu de l’espace », dont

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