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Suis-je le même en des temps différents ?

Dissertation : Suis-je le même en des temps différents ?. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  1 Février 2023  •  Dissertation  •  2 028 Mots (9 Pages)  •  392 Vues

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Suis-je le même en des temps différents ?

Apollinaire dans son poème Le Pont Mirabeau, utilise la métaphore de l’eau qui coule pour représenter le temps qui s’écoule : « Sous le Pont Mirabeau coule la Seine […] Les jours s'en vont je demeure ». Cette métaphore est communément utilisée et vient de la doctrine du philosophe grec Héraclite. En contradiction à la doctrine de l'école d'Elée, qui proclamait l'être absolument un et immobile,  Héraclite ne voit partout que multiplicité et changement, il exprimait cette mobilité par une formule restée célère : « Tout coule et on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve ». Là où Héraclite exprime le temps qui s’écoule comme le fleuve et entraine avec lui des changements en l’homme, Apollinaire lui, soutient qu’il demeure le même.

Se demander « Suis-je le même en des temps différents ? » c’est interroger la continuité du « moi ». Comment pouvons-nous rester identiques à nous même alors que nous sommes soumis aux aléas du temps ? Le changement sans changement semble contradictoire.

Nous verrons dans un premier temps ce qui permet à l’homme d’affirmer qu’il ne change pas. Les changements physiques concernant son apparence seraient-ils les seuls ou il y aurait-il une substantialité du sujet ? Nous verrons ensuite ce qui peut venir contrarier cette conception, car il parait difficile que nous ne puissions ne jamais tenir compte des expériences que traverse le sujet, de nous soucier de son devenir, si ce dernier reste inerte dans les temps.

Dans une certaine mesure, nous pouvons affirmer que l’homme demeure le même à travers tous les changements d’états qu’il traverse au cours de sa vie.

En effet, la sensation d’être identique à nous-même est forte. Rien qu’en regardant des photos de nous, même éloignées dans le temps, nous pouvons affirmer qu’il s’agit bien de nous, nous nous reconnaissons sans mal. L’artiste Roman Opalka le prouve au travers de la captation du temps traduite par six autoportraits qu’il réalise comme des photos d’identité frontale sur fond blanc, habillé de blanc, dans un espace le plus dépourvu possible. Il fixe des instants où quelque chose du temps s’inscrit de façon irrémédiable mais en même temps, il reste absolument lui-même, narguant le temps. Il met en scène le devenir qu’il a scandé. Sur ces trois premiers autoportraits le changement est peu marqué et même si le temps marque son passage sur les suivants, Roman Opalka garde le même regard et les mêmes traits, en quelque sorte une certaine cohésion. La dernière photo semble être un présent qui incorpore tous les passés, en les conservant à titre actif. Le physique change, mais nous reconnaissons toujours l’enfant qui est en nous, que nous voyons sur les photos, il y a-t-il alors une substantialité dans l’être, plus profonde, qui permet d’avoir cette sensation de rester le même au travers du temps ?

Ainsi, même si le corps change, si l’homme par l’expérience, évolue et modifie sa façon d’être, cela ne l’empêche pas de demeurer la même personne. Son « moi » intérieur ne change pas. Pour Schopenhauer, certes un individu connaît du changement au cours de sa vie mais ce dernier n’affecte en lui que des propriétés superficielles. Il va appuyer cela, par un exemple, dans le texte Essai sur le libre arbitre, où il avance que si l’individu changeait en profondeur avec le temps, il nous serait impossible de faire confiance ou de nous méfier de celui qui nous a un jour été fidèle ou qui nous a trahi. Nous serions dans l’impossibilité également de le connaitre s’il changeait en profondeur avec le temps. Pour lui, c’est la forme du caractère qui change, non sa matière. Nous ne pouvons que partager son avis, en effet, ne nous est-il jamais arrivé de retrouver un ami cher, que nous n’avions pas vu depuis de nombreuses années et d’avoir pourtant l’impression de ne jamais l’avoir quitté dès les premiers instants des retrouvailles, cela malgré l’évolution des changements physiques, mais aussi de certains aspects de son caractère soumis aux diverses expériences de la vie ?  

D’autre part, je suis le même et c’est par ce fait qu’il peut y avoir des temps différents, tout autant que si je n’étais jamais le même, il ne pourrait y avoir de temps différents. Or, s’il n’y avait qu’un seul temps, il n’y aurait plus de temps car il me serait alors impossible de faire une différence entre présent, passé et futur. Je ne pourrais rien reconnaitre et je ne pourrais pas savoir que je vis « dans le temps ». Ajoutons que, quoi qu’il se passe dans le temps, cela n’affecte pas le temps, notre langage parle de l’expérience du temps lui-même, de ce que nous ressentons du temps, mais non du temps physique, il s’agit du temps perçu.

Pour Locke, je suis la personne dont je peux me remémorer les actes passés et dont les actes présents ou futurs seront remémorés par moi également. Je suis une personne dans la mesure où des actes mentaux se transmettent en moi par la mémoire. Dans les Essais sur l'entendement humain il définit l’homme comme « un être pensant et intelligent, doué de raison et de réflexion, et qui peut se considérer soi-même comme soi-même, une même chose pensante en différents temps et lieux. Ce qui provient uniquement de cette conscience ». L’homme se considère comme un être unique, qui a une unité, à différencier de la notion objective de l’identité qui se caractérise par le patrimoine génétique, l’identité sociale… C’est cette prise de conscience du « je », me permettant de ramener le changement à une même substance, qui est l’objet par lequel je peux relier entre elles les diverses réalités temporelles. Néanmoins, est-il impossible d’échapper au temps ? Le changement s’accentue avec le passage du temps, en ce sens où je deviens autre et vois celui que j’étais comme un autre moi-même dans le passé. Puis-je devenir un autre si je ne reste pas le même ?  Admettre la permanence d’un objet unique à travers le changement est-il suffisant pour affirmer que je suis le même en des temps différents ?

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