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Suis-je ce que j’ai conscience d’être ?

Cours : Suis-je ce que j’ai conscience d’être ?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  17 Mars 2020  •  Cours  •  4 240 Mots (17 Pages)  •  715 Vues

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                              "Suis-je ce que j'ai conscience d'être?"

Introduction:

        Poser la question de savoir si je suis ou non ce que j'ai conscience d'être c'est poser l'interrogation fondamentale de la psychologie, celle de la connaissance de soi. Toutefois la question n'est pas en premier lieu celle de la possibilité théorique ou logique de la connaissance de soi (possibilité ici admise a priori comme allant de soi -nous y reviendrons) mais celle du fait: qu'en est-il en fait? Est-ce que je me connais vraiment moi-même? Les données de la conscience sont-elles fiables ? Sont-elles "vraies" c'est-à-dire adéquates à ce que je suis réellement ou comme on dit "au fond"? En d'autres termes, la conscience de soi est-elle  connaissance de soi? Ce qui est en procès ici c'est la définition même du terme "conscience" qui est forgé à partir du latin cum scientia signifiant "accompagné de savoir". Etymologiquement la conscience de soi est censée être connaissance de soi. Il est vrai que d'ordinaire ma conscience me suffit. je peux affirmer fièrement que je suis bel et bien tel que j'ai conscience d'être. Pourtant ne m'est-il jamais arrivé d'être étonné et même déstabilisé de découvrir que le jugement d'autrui est en foncière contradiction avec l'opinion et l'estime que j'ai de moi-même? Autrui n'est-il pas à même de me faire douter de ce que je suis? Mais qu'en est-il au juste de la légitimité du jugement que l'autre porte sur moi? Qu'en est-il de l'objectivité de son regard? Ne suis-je pas le mieux placé pour me connaître moi-même, pour percevoir ce que je suis au fond?  Toutefois l'opinion que j'ai de moi-même, tant sur le plan physique qu'intellectuel et moral ne peut-elle pas changer radicalement et ce d'un instant à l'autre? Alors à quel moment est-ce que je me perçois objectivement, tel que je suis en réalité? Percevoir n'est-ce pas déjà interpréter et partant déformer? Nous serons donc inévitablement confrontés au cours de notre travail à la question de la possibilité de la connaissance de soi. Il nous faudra mettre en question l'un des présupposés constitutifs de la question concernant la possibilité de se connaître soi-même:  puis-je percevoir le "moi réel" tel qu'il est, au-delà de la représentation, de l'image, que j'ai en ma conscience? Mais qu'est-ce donc au juste que ce "moi" et d'ailleurs existe-il un tel "moi objectif", un tel "sujet", une telle chose "jetée sous" les apparences? Le moi en ce sens n'est-il pas qu'une illusion, qu'une construction fallacieuse de l'Imagination ou de la Raison? La question ici posée semble aussi admettre à titre d'impensé une séparation entre "ce que je suis" et "ce que j'ai conscience d'être", entre "être" et "avoir conscience d'être" ou en d'autres termes entre "être" et "apparaître". Mais "être" n'est-ce pas "apparaître"? Enfin il s'agira de nous demander si tout ce qui apparaît est conscient. Est-il légitime de réduire le moi à la la somme des perceptions conscientes que l'on a? Freud n'a-t-il pas découvert l'existence d'un "moi inconscient", d'un "vrai moi" qui échappe à la conscience et marqué ainsi les limites du règne de la conscience? Mais cet inconscient, est-ce "moi"? N'est-il pas paradoxal d'admettre que je pourrais être ce que je n'ai pas conscience d'être? Comment en effet pourrais-je être homosexuel, frustré, complexé ou encore malheureux sans le savoir? L'idée d'un "moi inconscient" n'est-elle qu'une contradiction dans les termes?

I- L'épreuve du regard d'autrui

=} Pirandello, Un, personne et cent mille

1) D'ordinaire ma conscience me suffit...

        Je crois être le mieux placé pour me connaître moi-même physiquement, pour dire quel je suis physiquement puisque je me regarde tous les jours dans la glace, je me scrute, je me voit tout nu, chaque jour. Je connais mon corps par coeur, dans ses moindres détails, dans sa vérité, une vérité qui échappe par pudeur aux regard des autres. Je fais confiance en mes cinq sens ou sens externes. Pour moi, percevoir c'est connaître. Je crois percevoir mon corps tel qu'il est objectivement, réellement.                                                         A fortiori je crois être le mieux placé pour savoir ce que je suis intérieurement, "au fond". En effet, cette part de moi-même est cachée aux yeux des autres, je suis le seul à la percevoir et je pense ainsi me connaître vraiment et pleinement.                                 Tel est le préjugé du réalisme naïf: Je crois que la réalité est telle qu'elle m'apparaît et je crois aussi que cette réalité est la même pour tous. "Vous êtes installés dans cette réalité avec sécurité" constate pirandello en s'adressant à l'homme du commun.                De plus, certaines données de la conscience ne peuvent être trompeuses en tant qu'elles sont "immédiates" : la consience = "regard" intérieur résultant d'un processus d'introspection. J'ai conscience d'être heureux/malheureux, de bonne ou mauvaise humeur. Pas de place pour l'erreur. Il suffit d'avoir conscience d'être heureux/malheureux pour l'être effectivement. Idem pour la jalousie par exemple etc. Qui mieux que moi pourra dire dans quel état je me trouve?                                                                                D'ordinaire je ne me demande même pas si je suis ou pas ce que j'ai conscience d'être. Je n'ai pas d'inquiétude sur ce sujet. Généralement j'ai l'illusion d'être "UN", l'illusion que mon prochain se fait de moi une idée en tous points conforme à celle que je me fais de moi-même. Moscarda interpelle cependant le lecteur: "Si parfois vous vous apercevez que vous n'êtes pas pour les autres celui que vous êtes pour vous, que faites-vous? Vous vous dites tant pis et votre conscience vous suffit!"                                                        Au quotidien, je fais donc très facilement et même fièrement abstraction de l'avis des autres, je m'en remets à mon avis personnel en méprisant celui des autres. "Je me moque de ce que les gens pensent".

2) Toutefois le regard d'autrui peut générer une crise identitaire: découverte des CENT MILLE Moscarda

        Contrairement à l'homme du commun, dès le chap. I intitulé "Ma femme, mon nez" le protagoniste Moscarda est profondément ébranlé par une série de petites remarques que sa femme Dida lui fait sur son physique (sur son nez -elle lui fait découvrir que son nez est légèrement de travers alors qu'il pensait avoir un beau nez bien droit- sur ses oreilles, ses yeux, ses jambes, sur des endroits de son corps qu'il ne peut voir habituellement dans un miroir). Le protagoniste prend vite conscience qu'il n'est pas physiquement tel qu'il avait conscience d'être, que la conscience de soi n'est pas connaissance de soi. "Je réfléchis que je ne connaissais même pas mon propre corps" (...) "Je n'étais pas pour autrui tel que je me l'étais figuré jusqu'à lors". Tel est le point de départ d'une grave crise identitaire confinant au desespoir et même à la folie. Lui-même devient à ses propres yeux un inconnu, un étranger.                                                                                         La question est maintenant de savoir quel est donc ce moi inconnu, étranger que sa femme surnomme "Gengé" et dont elle est éperdument amoureuse. Mais le problème est que "je ne pouvais me percevoir comme me voyaient les autres".                                A partir de ce moment là il essaye de se surprendre dans la glace, de s'observer dans la spontanéité de ses actes, de se percevoir lui-même "objectivement", ou en tout cas comme à travers les yeux d'un autre. Mais, quand il y arrive (car il y arrive et ce, par le biais dune étrange dissociation Ame/corps), ce corps lui paraît de façon très décevante comme une coquille vide, morte. L'expérience de décentrement du regard échoue lamentablement posant la question de la possibilité même de la connaissance de soi. Je ne suis pas un autre!C'est logique; je ne peux sortir de moi-même pour m'observer.         Cet inconnu me fuit.                Cette crise identitaire s'accentue par la découverte progressive des cent mille Moscarda, par la découverte de toutes ces réalités insoupçonnées que nous attriubuent les autres. Je possède autant de réalités, de personnalités que je connais d'individus. Chacun me connait à sa manière. Rien ne demeure à l'identique au-delà et indépendamment du changement, quelque chose comme un "sujet pensant". Le moi en ce sens métaphysique là, le moi entendu en un sens cartésien comme "res cogitans" n'est en fait "PERSONNE". Le "Moi réel" censé exister au-delà des apparences est une illusion ou en tout cas une pure et simple construction théorique. Le moi serait simplement  la somme abstraite de ces multiples personnalités. Mais en fait la question qui suis-je n'admet pas de réponse définitive. La psychologie pirandellienne est une psychologie empiriste sans sujet, sans substance pensante.

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