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L'art s'apprend-il ?

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Par   •  25 Septembre 2018  •  Guide pratique  •  2 447 Mots (10 Pages)  •  594 Vues

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L'art s'apprend-il ?

« Le génie n'est pas un prêt : il faut le mériter par de grandes souffrances, par des épreuves modestement, fermement traversées »

(Sartre, Les mots)

PLATON : L'art comme inspiration divine

Le rapport de Platon à l'art est complexe, et en un certain sens fondateur de l'attitude ambivalente de la philosophie envers l'activité artistique, entre fascination et mépris. Le travail de l'artiste déploie en effet son effort vers le Beau, qui est un concept fondamental chez les anciens Grecs : ainsi la formule « kalos kagathos » (beau et bien) désigne la perfection d'une chose, mais aussi d'une personne. Le Beau et le Bien (ce dernier étant pour Platon l'idée vers laquelle toute la philosophie doit se tourner) sont intimement liés. Mais le Bien est également lié de manière nécessaire au Vrai : ce qu'est le Bien, on doit pouvoir le définir de manière véritable. Or, la philosophie grecque en générale refuse tout à fait à l'art de pouvoir prétendre au Vrai. Ils se distinguent en cela de certaines conceptions modernes qui font de l'art la représentation la plus haute et la plus intime de la vérité (par exemple en poésie). Pour les Grecs, l'art est une activité tout à fait séparée de la connaissance, c'est-à-dire de l'activité permettant de discerner le Vrai. C'est notamment ce qui explique la célèbre condamnation des poètes par Platon dans son livre sur la République : les poètes doivent être chassés de la cité, car ils entretiennent une relation faussée à la vérité, qui doit pourtant être le but vers lequel tend tout effort humain dans sa plus grande perfection.

Dans un des premiers ouvrages de Platon, l'Ion, Platon met ainsi en scène un dialogue entre Socrate et le rhapsode1 Ion, qui se vante de pouvoir parler mieux que quiconque d'Homère. Socrate considère que si Ion peut parler aussi bien d'Homère, cela n'a rien à voir avec une connaissance qu'il aurait acquise. En effet, si Ion pouvait tenir un discours savant sur Homère, il le pourrait aussi sur Hésiode ou Archiloque2 par exemple, ce que Ion reconnaît ne pas pouvoir faire. De même, il pourrait parler de manière savante de toutes les techniques et savoirs-faire de l'oeuvre d'Homère, comme l'art de la conduite des chars, de la stratégie ou de la préparation des remèdes. Or, comme tout cela est inaccessible à Ion, il faut selon Socrate reconnaître que sa virtuosité ne lui vient pas de la connaissance, d'un apprentissage, mais d'une inspiration provenant de la Muse3. En ce sens le talent artistique de Ion, mais aussi d'Homère, n'est pas du tout un savoir pouvant s'acquérir, mais un don personnel accordé par les dieux.

«  Socrate : - C'est que ce don que tu as de bien parler d'Homère, n'est pas, je le disais tout à l'heure, un art4, mais une vertu divine, qui te meut, semblable à celle de la pierre qu'Euripide appelle pierre de Magnésie5 (…). Et en effet, cette pierre non seulement attire les anneaux de fer, mais encore elle leur communique sa vertu, de sorte qu'ils peuvent faire ce que fait la pierre, attirer d'autres anneaux de fer, et tous tirent leur pouvoir de cette pierre. C'est ainsi que la Muse inspire elle-même les poètes, et ceux-ci, transmettant leur inspiration à d'autres, il se forme une chaîne d'inspirés.

Ce n'est pas en effet, par art, mais par inspiration et suggestion divine que tous les grands poètes épiques composent tous ces beaux poèmes ; et les grands poètes lyriques de même. Comme les Corybantes6 ne dansent que lorsqu'ils sont hors d'eux-mêmes, ainsi les poètes lyriques ne sont pas en possession d'eux-mêmes quand ils composent (…).

Aussi, comme ce n'est point par art, mais par un don céleste qu'ils disent et disent tant de belles choses sur leur sujet, comme toi sur Homère, chacun d'eux ne peut réussir que dans le genre où la Muse les pousse (…). Dans les autres genres, chacun d'eux est médiocre, car ce n'est pas l'art, mais une force divine qui leur inspire les vers ; en effet, s'ils savaient traiter par art un sujet particulier, ils sauraient aussi traiter tous les autres. »

(Platon, Ion.)

HUME : L'observation et l'expérience

Dans son court texte sur La règle du goût (On the standard of taste), Hume étudie la possibilité d'une science expérimentale permettant de dériver une règle du jugement esthétique, c'est-à-dire une critique. Hume commence par reconnaître un fait indéniable : la variation des jugements de goût. Ainsi, deux personnes ayant reçu la même éducation en tous points pourront avoir pourtant des goûts artistiques très différents. L'écart est encore plus marqué pour deux personnes provenant de cultures différentes. Plus encore, une même personne voit ses goûts varier avec l'âge en matière artistique. Toutefois, certaines œuvres sont universellement acclamées (Homère par exemple), et le fait même qu'il existe des critiques d'art « professionnels » suggère qu'une science du goût, si ce n'est une science de la création artistique, est possible. Il s'agit donc pour Hume d'essayer d'en dégager les éléments, par une observation d'invariants tenant à la constitution de la nature humaine.

« Il est évident qu'aucune des règles que l'on observe dans la composition n'est établie par des raisonnements a priori ni ne peut être prise pour une conclusion abstraite que l'entendement tirerait de la comparaison des idées et de ces habitudes qui sont éternelles et immuables. Leur fondement est le même que celui de toutes les sciences pratiques : l'expérience ; elles ne sont rien d'autres que des observations générales sur ce qu'on a vu plaire universellement en tout lieu et en tout temps. Vouloir brider les élans de l'imagination et réduire chaque expression à une vérité et à une exactitude géométrique, serait tout à fait contraire aux lois de la critique ; (…). Mais bien que la poésie ne puisse jamais s'assujettir à la vérité exacte, elle doit pourtant être contenue dans les règles de l'art que le génie et l'observation découvrent à l'auteur. »

(Hume,

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