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Lecture analytique sur l'incipit de l'étranger de camus

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Par   •  16 Juin 2019  •  Analyse sectorielle  •  965 Mots (4 Pages)  •  663 Vues

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LA n°15 : incipit, L’Etranger, Camus, 1942.

I. Un incipit original

1. Des éléments à la fois traditionnels mais déroutants

  • Cadre spatial précis : « Alger », « 80 kilomètres de Marengo » : Afrique du Nord, référence autobiographique à l’enfance de Camus. Cadre temporel flou car si on relève de nombreux indices de temps « Aujourd’hui, hier, demain, etc. », le lecteur ne possède aucun repère précis. On est plongé dans l’ immédiateté de l’énonciation, dans le temps où l’écriture même surgit.
  • Situation initiale particulière car élément perturbateur qui début l’intrigue. Après avoir appris la mort de sa mère, le narrateur entreprend le voyage à l’asile de Marengo pour enterrer sa mère et accomplir les formalités d’usage. Ce début de roman «in medias res » est extrêmement brutal et déroutant. Alors qu’il s’ouvre sur un événement tragique, ce dernier est formulé de manière lapidaire et non expressive. La neutralité même du télégramme est en décalage avec l’événement même qu’est la mort de la mère du narrateur.

2. Le personnage principal

  • Narrateur – personnage : la narration se fait à la première personne du singulier et le point de vue est interne. Le lecteur se place donc du point de vue du narrateur, ce qui est assez déconcertant car il est difficile de le comprendre en raison de son indifférence.
  • On ne connaît pas son identité. Il faudra attendre le paragraphe suivant pour en déduire que son nom de famille est « Meursault » grâce aux paroles du directeur de l’asile : « Mme Meursault est entrée ici il y a trois ans ». Identité parcellaire. Originalité. Absence de portrait physique et de tout sentiment.

3. Une narration déconcertante

  • Entre le journal intime… : 1ère personne du singulier, point de vue interne : domaine de l’intime ; passé composé, temps majoritairement employé, temps du passé quand énonciation au présent. Futur employé pour les projets. Déroulement chronologique des faits.
  • …et le compte-rendu factuel : absence de toute marque d’affectivité, seules les données objectives sont rapportées et de manière neutre ; importance des verbes d’action mais qui concernent des détails insignifiants et d’ordre pratique par rapport à l’événement tragique (demande de congé au patron, déjeuner chez Céleste, voyage).

II. Meursault, un personnage complexe

1. Un personnage ordinaire…

  • Le lecteur a accès à certaines informations concernant Meursault mais qui demeurent parcellaires : on sait qu’il a un métier mais on ne sait pas lequel, on sait qu’il déjeune tous les jours chez Céleste et qu’il a quelques relations sociales comme avec Emmanuel. Il semble donc avoir une vie assez routinière.
  • Il semble avoir une certaine place dans la société mais il ne semble pas réellement intégré comme l’attestent l’échange avec son patron, le fait qu’on ne sache pas ce qu’il éprouve vis-à-vis de Céleste et d’Emmanuel et qu’il ne soit pas à l’aise dans les échanges avec autrui (« J’ai dit « oui » pour ne plus avoir à parler »).

2. … indifférent

  • Indifférence et détachement : « cela ne veut rien dire » alors que l’information est claire. Il semble plus préoccupé par le jour exact de la mort de sa mère que par sa mort elle-même. Il donne l’impression d’avoir hâte de se débarrasser des formalités que l’évènement requiert pour reprendre ses habitudes (« ce sera une affaire classée », « allure plus officielle » : lexique juridique vs affectif). Son entourage ressent de l’empathie (« ils avaient beaucoup de peine pour moi et Céleste m’a dit : « On n’a qu’un mère »), ce qui accentue davantage l’absence d’émotion de Meursault. Ce dernier ne change pas ses habitudes et ne semble pas perturbé ( cela lui sera reproché lors de son procès).
  • Son indifférence transparaît aussi dans le style extrêmement lapidaire et sommaire qu’il emploie : X des phrases simples et déclaratives (style du télégramme). Être réduit à des sensations : être biologique assouvissant des besoins versus être humain menant une existence.  Il apparaît comme un corps sans âme, un être vide de toute intériorité. « Il faisait très chaud, j’ai mangé, j’étais un peu étourdi ( non par la mort de sa mère mais par le fait d’avoir monté les escaliers), « je me suis assoupi » ( épuisement physique en raison de causes factuelles et non à cause de l’émotion), « j’ai dormi », « je me suis réveillé ».
  • Titre-même de l’œuvre : Etranger à lui-même et aux autres.

3. … en apparence car personnage beaucoup plus complexe

  • Indices d’attachement à sa mère : retraduction du télégramme « mère » = « maman », « décédée » = « morte ». « Pour le moment, c’est un peu comme si maman n’était pas morte » : sentiment d’irréalité au moment de la perte d’un être cher. L’enterrement est l’étape nécessaire du deuil qui permet d’intégrer cette réalité, « ce n’est pas de ma faute », sieste dans le bus : tournure et attitude enfantine, tout comme le « c’est à cause de tout cela sans doute » qui peut traduire l’incertitude du personnage, peut-être plus atteint par la mort de sa mère qu’il ne veut bien l’admettre (adverbe « tout » pouvant inclure la mort de sa mère).
  • Le sentiment de culpabilité : « ce n’est pas de ma faute », « je n’aurais pas dû dire cela », « je n’avais pas à m’excuser », vocabulaire moral + tournures négatives. 
  • Il semble écrasé par le poids des devoirs : demande des jours de congé, habits de deuil « cravate noire, brassard », les formalités à accomplir. Les impératifs dictés par la société semblent étouffer toute possibilité d’exprimer sa sensibilité. Critique de la société, étranger aussi au monde.

Conclusion : Valeur proleptique de cet incipit car, pendant son procès, on lui reprochera d’avoir persisté dans ses habitudes et de ne pas avoir pleuré à l’enterrement de sa mère.

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