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L'Art, Gautier

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Par   •  5 Novembre 2017  •  Analyse sectorielle  •  1 791 Mots (8 Pages)  •  2 518 Vues

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L’ART, Théophile Gaitier

Commentaire du poème L’Art de Théophile Gautier

-Introduction :
Théophile Gautier considéré comme un maître de l’Amour du Beau par Baudelaire qui lui dédia Les Fleurs du Mal renouvela la poésie romantique : notamment dans son recueil poétique majeur Emaux et Camée écrit en 1852 en l’orientant vers la représentation plastique et si possible parfaite du monde extérieur auquel il était très sensible. Paru en 1857 dans l’Artiste, L’Art ajouté postérieurement comme conclusion au recueil est dédié au jeune poète Théodore de Banville en réponse à son odelette sur le poète « ciseleur » : l’œuvre du poète et de l’artiste en générale doit triompher de diverses difficultés et contraintes pour atteindre une beauté qui seule échappera au temps destructeur. En quoi ce poème est-il un art poétique ou un manifeste ? Pour répondre à cette question, nous étudierons la composition et l’organisation de ce poème soulignant différents rapports artistiques, puis la thèse de l’art pour l’art et enfin l’illustration éclatante de sa thèse donné dans ce poème.

I. Comment s’organise cette odelette de 14 strophes qui souligne différents rapports artistiques ?

  1. L’énonciation
    _Tout d’abord, ce poème est une affirmation : « Oui » (v.1) : réponse et affirmation
    _Le poète exprime un conseil (marqué par « que » + subjonctif (v.12)) pour les poètes en général (bien qu’il s’adresse dans ce passage à la Muse) _Progression (dans le cadre de l’énonciation) :
    -strophes 4, 5, 6, 7 : il s’adresse au sculpteur
    -strophes 8, 9, 10 : il s’adresse au peintre + conseil pour le peintre
    => Il s’adresse en général à l’artiste de la matière
    _La dernière strophe est une conclusion des différents artistes cités avec le vers 53
    Cette énonciation met le lecteur dans une sorte de dialogue entre Gautier comme vieux maître et un jeune poète comme apprenti. Cette énonciation transforme bien le poème en manifeste artistique.

  1. La composition et la progression font apparaître d’autres rapports artistiques
    Ce poème est composé de différentes progressions :
    _Strophe 1 : il parle de l’œuvre lorsqu’elle est achevée 
    _Strophes 2 à 10 inclus : il évoque le travail important de l’artiste pendant la création de l’œuvre :
    -Strophes 2 et 3 : il s’adresse aux poètes lyrique et tragique
    -Strophes 4 à 7 inclus : il s’adresse aux sculpteurs qui font des œuvres monumentales et aux sculpteurs de bronze (qui font de plus petites œuvres) -[Entre strophe 7 et 8 : renvoie au titre Emaux et Camée]
    -Strophes 8, 9, 10 : il s’adresse aux peintres
    _Strophes 11 à 13 inclus : Il évoque l’art en général
    _Strophe 14 : résumé des strophes 2 à 10
    Gautier donne des conseils à beaucoup d’artistes mais pour finir par leur préférer le poète. Ces artistes peuvent être des métaphores à l’Artiste suprême qui est pour lui le poète.

II. Dans ce poème qui prend la forme d’un manifeste, Gautier énonce la théorie de l’art pour l’art et son enjeu ainsi que sa récompense : pérennité de l’art

  1. L’art pour l’art
  1. Cette forme d’art s’applique aux arts plastiques
    Principe de cette forme d’art :
    -Ne pas faire dans la facilité => travailler dans la difficulté
    -Utiliser des matériaux qui durent longtemps même si cela est plus difficile
  2. Cette forme d’art s’applique à la poésie
    Gautier est contre les mauvaises contraintes (v.5) : il s’oppose donc aux classiques (notamment à l’alexandrin). Il exprime son opposition à l’aide d’une métaphore v.7, 8, 10 et 12 : la « cothurne » est la chaussure du tragédien depuis l’antiquité.
    [Il s’oppose aux alexandrins car il n’y a pas de rigueur => il utilise des vers plus court.]
  3. Les matériaux
    Les matériaux du vers 4 semblent annoncer le plan du poème. Ce sont des matériaux résistants et qui durent : « marbre » (v.4) : carrare (v.17), paros (v.18)
    => Le marbre est préféré à l’argile + l’émail (v.32) est préféré à l’aquarelle.
    + « buste » (v.43) renvoie au marbre et « médaille » (v.45) renvoie au bronze
    Les matériaux résistants et durables sont préférés à ceux plus faciles à utiliser mais qui ne durent pas.

  1. Pour faire une œuvre pérenne, l’artiste a l’obligation d’effectuer un travail important
    La nécessité d’un travail est montrée par les verbes : « repousse » (v.13), « lutte » (v.17), « poursuis » (v.26), « fais » (v.33) + « sculpte, lime, cisèle » (v.53).
    Selon Gautier, les qualités de l’œuvre d’art sont montrées par le travail acharné. L’artiste doit créer une œuvre suite à un important travail. [+les formes et contours de l’œuvre doivent être ce qu’il y a de plus important (couleur reléguée à un second plan) => « profil » (v.28) + « contour pur » (v.20)]
  2. Principe de l’inspiration (v.16 et v.54 montre l’importance de l’inspiration)
  1. L’inspiration mythologique et légendaire n’est pas repoussé par les idées de Gautier : « Muse » (v.8), « Syracuse » (v.21), « Apollon » (v.28), « Sirènes » (v.33)
  2. Inspiration religieuse (chrétienne) : vers 38 au vers 40
  3. Inspiration médiévale liée aux légendes du Moyen-Age : « blasons » (v.36)
  4. En revanche, Gautier refuse l’utilisation de la confidence et l’instrumentalisation de la poésie pour une cause

  1. Récompense : réalisation d’une œuvre pérenne
    Ce sont les strophes 11, 12, 13 et 14 qui expriment la récompense suite au travail acharné de l’artiste.
  1. « Tout passe » (v.41) : représente la crainte du temps qui détruit tout sauf l’art
    -« cité » (v.44) en opposition à « buste » (v.43) : les constructions humaines ne survivent pas au temps sauf les constructions de l’art (le buste). -vers 48 : même l’empereur est oublié => c’est l’art qui fait qu’on s’en rappelle : « médaille » (v.45)
  2. Le pouvoir de l’art
    Présent de vérité général => affirmations représentées comme des constats admis de tous et qui n’ont pas besoin d’explication.
  3. Utilité de l’art et qualité de l’art
    Qualité (notamment du travail) : « robuste » (v.41), « austère » (v.45), « souverain » (v.50), « résistant » (v.56)
    =>Toutes les œuvres durables ont un adjectif qui justifie leur pérennité.

III. Comment Gautier applique-il ses propres recommandations poétiques dans ce poème ?

  1. Forme du poème
    La forme est empruntée à l’ode antique puisque c’est ici une odelette. Gautier montre donc qu’il se considère comme l’héritier des poètes antiques comme Pindare. Cependant, cette odelette est originale car elle est au service d’un sujet important.
    Difficultés de la forme utilisée par Gautier :
    -utilisation de sizains
    -les strophes sont hétérométriques
    => Gautier réduit le nombre de vers et la longueur des vers.
    -utilisation de rimes suffisantes (2sons) : « travail »/ « émail » (v.2/4) + utilisation de rimes riches (3 sons) : « belle »/ « rebelle » (v.1/3) => difficulté supplémentaire
    -intégration d’un dissyllabe avec soit un verbe, soit un adjectif, soit en substantif (v.27 et v.39). Le dissyllabe devient un rejet qui est mis en valeur. De plus, il joue un rôle essentiel dans chaque quatrain car il peut faire le sens de la strophe (v.3 et v.51) et il fait un effet d’attente et de relance.

  1. Une forme spéciale pour rendre un hommage
  1. Gautier rend hommage aux arts, surtout aux arts plastiques, mais par une forme spéciale : chaque strophe pour une image (de l’œuvre, du travail acharné, de l’artiste) => Chaque strophe se transforme en « camé poétique ».
  2. Une idée par strophe
    Ex : strophe 1 : idée du culte de l’art pour l’art qui repose sur le culte du travail acharné. Gautier choisit la concision pour ses idées. Ex : strophe 9 : pas de répétition de « fais » + strophe 14 : juxtaposition vers 53.
  3. Lexique riche, savant : « cothurne » (v.8), « carrare » (v.17), « paros » (v.18)
    d) de nombreux adjectifs sont utilisés pour qualifier le travail de l’artiste ou l’œuvre obtenu ou la forme de départ.

  1. Ces « camés poétiques » sont dédiés aux arts plastiques
    Gautier rend hommage aux arts manuels, plastiques (ex : strophe 4).
    De strophe en strophe, il évoque des arts plastiques sur des matériaux, objets de plus en plus petits et donc de plus en plus méritants car nécessitant un travail plus minutieux ( ex : « médaille » (v.45), « blasons » (v.36)).
    Gautier exprime une réhabilitation des arts toujours considérés comme mineur.

-Conclusion :
En somme, Gautier, en poète romantique, recourt ici à l’exemple et, peut-être, à la métaphore des arts plastiques mineurs, pour figurer l’art poétique dans une odelette elle-même détournée de ses thèmes traditionnels et ne sacrifiant pas à la mode de l’alexandrin. Ainsi répond-il à son disciple Banville, à tout artiste et au lecteur en représentant la thèse de l’art pour l’art : l’œuvre d’art pour devenir pérenne doit être faite d’un travail minutieux, patient et rigoureux. Gautier critique le relâchement des artistes romantiques, qui ne juraient que par l’inspiration, en préférant à leurs idées le travail tournant au culte de la forme parfaite séparé de toutes expressions personnelles, critiques et idéologiques. Gautier annonce ici le mouvement des poètes parnassiens et Charles Baudelaire qui lui dédia même le recueil Les Fleurs du Mal dans lequel il consacra deux poèmes à la beauté, ces poèmes mettent en scène l’allégorie d’une beauté pure, froide et inaccessible à ses amants, les poètes. En revanche, L’Art de Gautier s’oppose à l’Art poétique de Paul Verlaine qui dans ce poème, à la vigueur formelle oppose annonçant ainsi la poésie symboliste.

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