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Ile des esclaves, scène 6

Commentaire de texte : Ile des esclaves, scène 6. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  27 Mars 2017  •  Commentaire de texte  •  1 576 Mots (7 Pages)  •  6 377 Vues

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  Au XVIIIème siècle, les Lumières entraînent un esprit d’ouverture et des idées neuves s’élaborent. Proche des philosophes de ce mouvement, Marivaux, journaliste, romancier et dramaturge entend faire réfléchir son public sur l’injustice des rapports sociaux et l’inhumanité de certains comportements. Ses comédies sociales, L’Ile de la raison, La Colonie et L’ile des esclaves (1725) en sont des illustrations concrètes.

      Cette dernière, comédie en un acte, est une utopie qui retrace l’histoire de deux Athéniens, Iphicrate et Euphrosine, accompagnés de leur esclave, Arlequin et Cléanthis, qui sont victimes d’un naufrage. Ils échouent sur une île où règnent depuis cent ans des esclaves. Les maîtres sont alors soumis à une thérapie et ils se retrouvent à la place de leurs esclaves qui, eux, sont devenus leurs maîtres.

      À   la  scène 6,  Arlequin et Cléanthis, promus à leur nouveau rang, jouissent désormais d’une situation favorable. Ils ont amené Iphicrate et Euphrosine à reconnaître la véracité des portraits qu’ils ont dressés d’eux sous la conduite de Trivelin. En l’absence de ce meneur de jeu, les anciens esclaves entreprennent de singer les attitudes de leurs anciens maîtres en jouant une scène de séduction à la façon mondaine.

     Comment Marivaux tourne-t-il en dérision les comportements aristocratiques de son temps ?

     Nous verrons qu’au cours de cette scène, Arlequin et Cléanthis parodient les codes galants du dialogue sentimental et que, pour ce faire, ils offrent aux spectateurs une scène de théâtre dans le théâtre.

    En jouant cette scène d’amour « à la grande manière », Arlequin et Cléanthis parodient leurs anciens maîtres qui assistent, impuissants, à la contrefaçon de leurs attitudes.

    Au cours de cette scène, Arlequin et Cléanthis imitent le comportement sentimental de leurs maîtres en adoptant les codes de la séduction mondaine.

    La façon dont Arlequin courtise sa compagne est révélatrice. Qu’il se promène au bras de sa dame « se promenant sur le théâtre avec Cléanthis » l.4 ou s’agenouille pour lui déclarer sa flamme «  se mettant à genoux » l.18, le jeune homme adopte les attitudes galantes des aristocrates. Son vocabulaire, métaphorique et précieux, n’est plus celui auquel ses origines roturières et son franc parler nous avaient habitués : Arlequin s’adresse à Cléanthis en la nommant « Madame » l.5 et 15 ; il feint de s’intéresser à la douceur du temps « Remarquez-vous madame, la clarté du jour ? » l.4 pour faire adroitement tomber l’entretien sur les sentiments que lui inspire la belle. Il recourt en fin à la métaphore du feu pour désigner l’intensité de sa passion : »faut-il m’agenouiller Madame pour vous convaincre de mes flammes et de la sincérité de mes feux ? l.18/19. Il renonce à sa rusticité, il adopte le raffinement verbal et les conventions galantes es aristocrates.

    Cléanthis ne se comporte pas différemment. Elle incite son partenaire à se déclarer en employant, avec subtilité, les champs lexicaux du sentiment de la séduction : « On appelle cela un jour tendre » l.5 « vous êtes galant » l.13, « Vous me dites des douceurs » l.14. L’évocation de ses propres « grâces » l.12 ou l’emploi de l’adjectif « aimable », qui désigne étymologiquement  celui qui est « digne d’être aimé », contribuent à éveiller le désir de celui qui la courtise.

    Cette scène de séduction est raffinée mais elle est surtout ridiculement artificielle. Arlequin et Cléanthis imitent leurs maîtres sans véritablement s’éprendre l’un de l’autre. Jamais arlequin ne tombe réellement amoureux de Cléanthis ; jamais cette dernière n’exprime de sentiments sincères.

   Le jeu auquel l’un et l’autre se livrent est destiné à dénoncer le caractère mensonger de bien des pratiques galantes. Les aristocrates obéissent à des conventions dépourvues d’authenticité. Leur langage est à la fois artificiel et stéréotypé ; leur attitudes sont feintes, leurs aveux hypocrites et affectés. En faisant remarquer à arlequin qu’il est « aimable mais coquet », Cléanthis met à jour les mécanismes de la séduction : la « belle conversation »est une comédie dans laquelle les êtres sont généralement dupes les uns des autres.

    Arlequin et Cléanthis parodient les comportements aristocratiques  sans adopter, pour autant, une attitude similaire.

    L’ancien esclave  singe les manières d’Iphicrate mais ne se prend jamais véritablement au jeu. En témoigne la façon dont il interrompt la scène de séduction pour rire de ses mœurs galantes : « Et palsambleu le moyen de n’être pas tendre, quand on se trouve tête à tête avec vos grâces. Oh !oh !oh !oh ! » l.8/9. Les éclats de rire d’Arlequin et l’emploi du juron populaire « palsambleu » créent un soudain changement de registre qui tourne en dérision ses manières raffinées.

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