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Les droits fondamentaux des personnes morales

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Par   •  20 Mai 2013  •  4 276 Mots (18 Pages)  •  1 546 Vues

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Les droits fondamentaux des personnes morale partie 2

Le déploiement des droits fondamentaux des personnes morales s’opère de manière erratique au gré des décisions des différentes juridictions. Leur systématisation suppose à la fois de tenir compte d’une série de difficultés préalables et de procéder à un choix entre deux démarches. Des travaux scientifiques récents invitent à dépasser l’approche traditionnelle et à s’interroger sur la « nature » de la personne morale.

(La première partie de nos développements visait à identifier les causes de la reconnaissance de droits fondamentaux aux personnes morales au sein de notre système juridique. Il convient à présent de s’intéresser à la construction de ces droits)

Partie II. Comment ?

Le principe de la reconnaissance de droits fondamentaux aux personnes morales étant acquis, le débat se focalise aujourd’hui sur la question des droits fondamentaux dont il convient d’investir les personnes morales. Faute de directive claire définie par les textes, la liste des droits fondamentaux des personnes morales s’étend au gré des décisions juridictionnelles. L’impression générale est celle d’un déploiement anarchique et non maîtrisé. Il n’est pas rare que les auteurs s’interrogent, pour l’écarter, sur la reconnaissance aux personnes morales du droit à la vie ou encore de la liberté du mariage. Ce flou qui heurte par principe des juristes attachés à la clarté des concepts et à la sécurité des catégories juridiques appelle une réflexion sur la construction des droits fondamentaux des personnes morales. Elle suppose de dépasser certaines difficultés.

A. Les difficultés préalables

Appréhender les droits fondamentaux reconnus aux personnes morales implique de clarifier un certain nombre de points.

• Titularité des droits et action en justice

La détermination de l’étendue des droits des personnes morales passe par la clarification du lien qu’entretient cette question avec l’action en justice des personnes morales, et en particulier des associations. Ces dernières se sont vu reconnaître le droit d’agir en justice pour assurer la défense d’intérêts collectifs, parfois exprimés en termes de droits fondamentaux, au motif que les intérêts en question correspondent à leurs objets sociaux. La Cour de cassation a ainsi récemment assoupli sa position en la matière en jugeant que « même hors habilitation législative, et en l’absence de prévision statutaire expresse quant à l’emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social » (Cass. Civ. 1, 18 septembre 2008, AFM, Bull. I n°201). De même, la recevabilité du recours pour excès de pouvoir des associations devant les juridictions administratives est largement entendue puisqu’il suffit que l’acte querellé affecte l’intérêt collectif dont elle se voit confier la défense par ses statuts (CE 10 février 1997, Assoc. de défense, de protection et de valorisation du patrimoine naturel et historique de Corse, Rec. p. 990). La même tendance libérale est perceptible dans la jurisprudence de la CEDH (24 février 2009, L’Erablière A.S.B.L. c. Belgique, n° 49230/07) et en matière de QPC (CC, n°2011-183/184 DC, 14 octobre 2011, FNE). La question qui se pose est alors la suivante : la circonstance qu’une association est fondée à agir pour assurer la défense d’un droit fondamental conformément à son objet social doit-elle conduire à lui reconnaître la titularité de ce droit ? La réponse est assurément négative. La solution inverse pourrait conduire à reconnaître aux associations l’ensemble des droits fondamentaux dont les personnes physiques sont titulaires pour peu qu’elles aient pour objet statutaire la défense de l’un ou l’autre de ces droits. Ainsi, une association qui se donne pour mission de combattre les atteintes à l’environnement ne peut se prétendre titulaire du droit à vivre dans un environnement sain au sens de l’article 8 de la Conv. EDH ou de l’article 1er de la Charte de l’environnement. De même, lorsqu’une association catholique invoque l’article 2 de la Conv. EDH au soutien d’un recours contre un arrêté ministériel autorisant la distribution de la pilule abortive, elle ne peut pour autant être considérée comme titulaire du droit à la vie (CE Ass., 21 décembre 1990, Confédération nationale des associations familiales catholiques, Rec. p. 369). La difficulté est alors d’identifier un critère permettant de faire la part entre titularité du droit et simple aptitude à défendre un droit. Le lien existant entre l’objet social et les droits propres des membres pourrait être déterminant à cet égard. Il convient aussi de tenir compte de la nature subjective ou objective du contentieux en cause.

• Droits et fondement juridique des droits

La définition des droits fondamentaux des personnes morales s’opère par référence à un corpus de textes qui n’a pas été pensé pour des entités abstraites. Le juge est alors contraint de puiser dans un vivier « anthropomorphisé ». Lorsque les différentes juridictions ont souhaité assurer la protection des sociétés commerciales contre certaines intrusions étatiques (perquisitions, saisies), elles n’ont eu guère d’autre choix que de se référer à l’article 8 de la Conv. EDH en tant qu’il garantit le droit au respect de la vie privée. On entend bien que le secret des affaires n’évoque pas spontanément la vie privée. Mais les juridictions avaient-elles le choix ? S’il devait être proclamé une déclaration des droits fondamentaux des personnes morales, l’affirmation d’un droit au respect de la vie privée n’y figurerait probablement pas. Mais à défaut de texte spécial, il faut bien s’adapter à une cote taillée pour l’être humain.

Il existait toutefois une alternative à ce rattachement. La liberté d’association et la liberté d’entreprendre peuvent tout aussi bien jouer le rôle de droits matriciels pour la protection des locaux, des secrets d’affaires voire du nom de la personne morale. La CEDH a affirmé en ce sens que « l’article 11 de la Convention protège la vie associative contre toute ingérence injustifiée de l’Etat » (3 février 2011, Siebenhaar / Allemagne, n°18136/02). La liberté d’association est donc susceptible de fonder une protection du fonctionnement et de l’activité d’une personne morale dans leurs différentes dimensions. Dans le même sens, Romuald Pierre a très justement relevé qu’une même situation peut être

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