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Sujets Tentative de définition

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Par   •  23 Juillet 2014  •  6 117 Mots (25 Pages)  •  861 Vues

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Tentative de définition[modifier | modifier le code]

Après que des émeutes raciales ont secoué les grandes villes américaines en 1968, le sociologue afro-américain Kenneth Clark (en) a déclaré devant la commission Kerner réunie à la demande du président Lyndon Baines Johnson :

« Je lis ce rapport sur les émeutes de Chicago en 1919 et c'est comme si je lisais le rapport de la commission d'enquête sur les désordres à Harlem en 1935, le rapport de la commission d'enquête sur ceux de 1943, le rapport de la commission McCone sur les émeutes de Watts. Je dois sincèrement vous dire, Membres de la commission, qu'on se croirait dans Alice au pays des merveilles, avec le même film qu'on nous repasse éternellement : même analyse, mêmes recommandations, même inaction1. »

Cette intervention déjà datée met en relief trois grandes caractéristiques de ce que l'on appelle les « violences urbaines » :

Leur ancienneté relative, en tout cas aux États-Unis d'Amérique.

Leur irruption sporadique à des périodes et dans des villes différentes.

L'incapacité apparente des pouvoirs publics à les comprendre, puis éventuellement à les combattre.

Si la première caractéristique devrait aider l'historien à les définir, elles apparaissent insaisissables au regard des deux autres, leur caractère éminemment éruptif et les errements supposés des autorités publiques cherchant à les circonscrire empêchent finalement de cerner précisément le problème. Pour contourner la difficulté de délimitation de l'objet et éviter d'avoir à prendre en compte le temps long dans leurs analyses, les auteurs ont par conséquent généralement recours à une définition limitée du phénomène qui ne correspond qu'à sa forme la plus récente, celle qu'il a prise ces dernières décennies, voire ces dernières années. Ainsi en est-il de Sophie Body-Gendrot, qui affirme notamment que l'expression « violence urbaine » désigne « des actions faiblement organisées de jeunes agissant collectivement contre des biens et des personnes, en général liées aux institutions, sur des territoires disqualifiés ou défavorisés1. » C'est la définition que nous pouvons retenir en sachant bien qu'elle est restrictive, et qu'elle tend par exemple à naturaliser des variables lourdes pesant sur les acteurs qui agissent violemment, notamment leur jeunesse, une variable qui n'est que peu questionnée par les spécialistes. C'est toutefois une définition efficace en ce sens que l'on ne peut pas non plus, pour des raisons de concision, prendre toute action violente perpétrée dans un cadre urbain pour une « violence urbaine », même si ce glissement est parfois nécessaire.

Pour certains auteurs encore, une tentative de définition est impossible et floue.

Frédéric Fappani dit, par exemple, que

« L'expression « violences urbaines » passera, elle aussi, dans le langage commun. Cette expression peut paraître floue pour deux raisons. D'une part la société française est urbanisée à 80 % et donc le fait de préciser le caractère urbain n’est pas pertinent. En effet quel intérêt y a-t-il à préciser la nature urbaine de la violence si celle-ci est majoritairement urbaine ? D'autre part le terme de "violence" n'est guère plus parlant. Ce terme de violence désigne tout à la fois des actes commis individuellement ou collectivement, d’intensités diverses, de formes diverses (physiques, morales, affectives…). Pierre Benghozi parle, par exemple, de violences froides et de violences chaudes. Ce terme renvoie donc à de multiples objets et est imprécis. En effet même au ministère de l'intérieur, cette expression "violences urbaines" ne renvoie pas aux catégories utilisées pour enregistrer la délinquance dans les grands ensembles. Les catégories sont les suivantes : outrage à agent, homicide, vol, coups et blessures. La notion de "violence urbaine" traduit alors un intérêt pour des actes qualifiés d'anticonstitutionnels : des jets de pierre sur les voitures de police à l'émeute qui embrase un quartier. Cette notion sera reprise dans le titre et le contenu de l'ouvrage collectif de Sophie Body-Gendrot, N. Le Guennec et M. Herrou2. »

La ville comme lieu d'intériorisation et de refoulement de la violence[modifier | modifier le code]

L'intériorisation de la violence par l'urbanisation[modifier | modifier le code]

La violence en général recouvre une diversité de comportements ou d'actes individuels, interpersonnels ou même collectifs. D'une époque comme d'une société à l'autre, comme le rappelle Yves Michaud, les formes de violence employées et leur intensité ont beaucoup varié. On parlera par exemple aujourd'hui d'une « violence routière » ou d'une « insécurité routière ». De plus, notre sensibilité à ces formes de violence elle-même a changé, toujours selon Yves Michaud, l'extension de l'incrimination dans le droit pénal. Dans un même mouvement, le droit pénal pense de plus en plus la violence comme n'étant plus de plusieurs facteurs tels que la scolarisation, la diffusion des codes de cour et, enfin, l'urbanisation. La ville est donc ici réputée à l'origine de l'intériorisation de sa violence par l'Homme : l'évolution au sein de masses lui a imposé plus de retenue dans ses actes.

Le refoulement de la violence à la marge des villes[modifier | modifier le code]

À la suite de Norbert Elias, l'historien Jean-Claude Chesnais a souligné à son tour la baisse tendancielle de la violence dans les sociétés modernes en n'étudiant cependant que la violence proprement physique3. Mais d'autres théoriciens sont venus contredire cette idée à la suite des travaux que l'historien américain Ted Robert Gurr a réalisés dans les années 1970-1980, et qui interprètent la violence en termes de privation : elle se développerait lorsque l'élévation des aspirations des individus ne s'accompagne plus d'une amélioration comparable de leurs conditions de vie. C'est ce qui se serait produit dans les sociétés occidentales à partir des années 1930, décennie au cours de laquelle Ted Gurr observe un retournement de tendance complet, c'est-à-dire désormais

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