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Les révisions de la Constitution : la norme fondamentale entre stabilité et réformes

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Par   •  16 Octobre 2013  •  4 464 Mots (18 Pages)  •  1 053 Vues

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Les révisions de la Constitution : la norme fondamentale entre stabilité et réformes

« Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures » : c’est en ces termes que l’article 28 de la Déclaration des droits précédant la Constitution du 24 juin 1793 posait le principe des révisions constitutionnelles. Est ainsi traduite en droit une philosophie politique « qui fait de la nation souveraine l’origine de tout et qui postule, en conséquence, sa totale et permanente liberté : la nation n’est pas faite pour la Constitution, c’est elle qui fait la Constitution et reste constamment maître de son contenu »

La révision de la Constitution n’est donc pas une idée neuve en Europe. Pourtant, paradoxalement, malgré son affirmation ancienne, la révision de la Constitution est une pratique relativement récente en France : longtemps, notre Histoire politique a en effet davantage été marquée par des changements de Constitution que par des modifications de la Constitution. « Avant 1875, la révision était quasiment inconnue, les mutations institutionnelles procédaient d’un changement de Constitution plutôt que d’une révision de celle-ci. Le coup d’Etat tenait lieu de révision » . Régimes politiques et textes constitutionnels se sont ainsi succédé jusqu’à l’entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958. « Les convulsions de l’Histoire politique française ont donc contribué à relativiser l’importance en la matière de la règle de droit » .

Depuis 1958, au contraire, et singulièrement en période récente, le recours à la révision est devenu courant. Au cours de ses cinquante années d’existence, la Constitution a été révisée à vingt-trois reprises, avec une accélération au cours des quinze dernières années : cinq révisions entre 1958 et 1992, dix-huit depuis cette date. De plus, les modifications apportées au texte touchent des domaines de plus en plus essentiels, pour ne pas dire proprement régaliens. Enfin, de nouveaux projets de révision pourraient être rapidement à l’ordre du jour, notamment pour concrétiser certaines propositions formulées par le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, dit « comité Balladur » et pour tenir compte, le cas échéant, des conclusions de la Commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d’immigration . Près de cinquante ans après l’entrée en vigueur de la Constitution, ces révisions peuvent s’interpréter alternativement comme un signe de vitalité de la norme fondamentale ou, au contraire, comme la marque de son inéluctable banalisation.

D’un strict point de vue juridique, les procédures de révision de la Constitution de 1958 ménagent un équilibre entre exigences de stabilité et d’adaptabilité de la norme fondamentale (I). Les vingt-trois révisions intervenues depuis 1958 peuvent faire l’objet d’une esquisse de classification (II). Enfin, si la fréquence accrue des révisions constitutionnelles a fait l’objet de critiques, elle s’interprète aussi comme un signe de vitalité de la Constitution (III) .

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I – Les procédures de révision de la Constitution de 1958 ménagent un équilibre entre exigences de stabilité et d’adaptabilité de la norme fondamentale

A – La Constitution prévoit une procédure de révision rigide, protectrice de la norme constitutionnelle

1 – Les révisions suivent des modalités spécifiques, distinctes de la procédure normale d’adoption d’une loi

Il est usuel, en droit constitutionnel, de distinguer les Constitutions selon leur caractère souple ou rigide. Dans cette summa divisio, la Constitution de 1958 s’inscrit sans conteste dans la seconde catégorie. Elle prévoit en effet des modalités spécifiques pour sa propre révision. Ces spécificités répondent à l’objectif de stabilité de la norme constitutionnelle : norme fondamentale de l’ordonnancement juridique, mais aussi matérialisation juridique du pacte social, celle-ci doit bénéficier d’une protection spécifique, de nature à la mettre à l’abri de révisions inconsidérées. Selon une lecture littérale de la Constitution, la révision est exclusivement régie par l’article 89 de la Constitution , article unique du titre XVI intitulé « De la révision ».

Cet article interdit en premier lieu la révision dans certaines circonstances. Aux termes de l’alinéa 4, « aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ». De plus, aux termes des dispositions du dernier alinéa de l’article 7 de la Constitution, « il ne peut être fait application […] de l'article 89 de la Constitution durant la vacance de la Présidence de la République ou durant la période qui s'écoule entre la déclaration du caractère définitif de l'empêchement du Président de la République et l'élection de son successeur ». A cela, il convient d’ajouter l’interdiction, posée en 1992 par le Conseil constitutionnel, de réviser la Constitution pendant l'exercice des pouvoirs exceptionnels prévus par l’article 16 de la Constitution .

En second lieu, l’article 89 prévoit une procédure lourde pour la révision constitutionnelle. En effet, elle ne peut aboutir qu’en cas de « large accord des principales institutions du pays pour opérer la révision » : il doit y avoir un triple consensus, au sein de l’exécutif, au sein du législatif, et entre ces deux pouvoirs. L’initiative de la révision appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier Ministre et aux membres du Parlement. La procédure de droit commun se déroule en deux phases : d’abord, le projet ou la proposition de révision doit être voté par les deux assemblées en termes identiques. Ensuite, la révision est définitive après avoir été approuvée par référendum. La procédure normale prévoit donc un double verrou procédural : un vote identique par les deux chambres, donnant ainsi à chacune d’entre elles un droit de veto sur la révision ; l’approbation du peuple par le biais du référendum. Toutefois, l’alinéa 3 de l’article 89 prévoit la possibilité de ne pas présenter un projet de révision au référendum, mais de le soumettre au Congrès. Le projet de révision n’est alors approuvé que s’il réunit la majorité

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