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Étude du livre de Gregory Clark: A Farewell to Alms, A Brief Economic History of the World

Cours : Étude du livre de Gregory Clark: A Farewell to Alms, A Brief Economic History of the World. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  14 Mai 2013  •  Cours  •  1 977 Mots (8 Pages)  •  1 273 Vues

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Gregory Clark, A Farewell to Alms, A Brief Economic History of the World, Princeton University Press, Princeton and Oxford, 2007, 420 p.

Pourquoi l’humanité est-elle en partie sortie d’une misère immémoriale et générale depuis environ deux siècles, c’est ce qu’essaye d’expliquer Gregory Clark dans ce livre qui a eu un retentissement immense dans le monde des économistes (« the next blockbuster in economics », comme l’annonçait le New York Times). La réponse donnée est culturelle et démographique, tirée d’une analyse minutieuse des archives britanniques. Les valeurs favorables d’une classe moyenne émergente, celles de non-violence, négociation, éducation, effort, travail prolongé, volonté d’améliorer, d’épargner et d’accumuler, se sont progressivement étendues et ont favorisé l’émergence de la révolution industrielle du XVIIIe siècle en Angleterre. Pourquoi se sont-elles généralisées, parce qu’en moyenne, révèle Clark, les gens plus riches avaient plus d’enfants survivants, qui ont pu ainsi diffuser ces valeurs capitalistes dans la société. En examinant les testaments, on s’aperçoit que plus le revenu et le patrimoine sont élevés, plus il y a dans la famille d’héritiers directs. La violence diminue, l’alphabétisation progresse, le temps de travail augmente, l’épargne également, tous les indicateurs disponibles montrent cette évolution à partir du XVIe siècle. Comme le dit l’auteur : « la population de l’Angleterre moderne est largement descendante des classes supérieures du Moyen Âge. » Du fait de la stagnation économique à long terme, cette diffusion ne signifie pas que le nombre de riches augmentait, au contraire il y avait une mobilité sociale vers le bas, où les enfants des riches descendaient dans l’échelle des revenus, tout en répandant leur mentalité.

Cette explication est nouvelle[1], parmi toutes les explications de la révolution industrielle, et elle constitue l’apport majeur de Clark. Son originalité explique le succès considérable du livre, on a là un renouvellement, en même temps qu’une contestation, des explications en cours, notamment institutionnalistes. Mais est-elle vraie, là est le problème. Car tout autant qu’à un concert de louanges, on a assisté aussi à un véritable tir de barrage contre sa thèse (voir par exemple Fukuyama, Friedman, Pomeranz, Solow, Wade, Subramanian, 2007/8).

Il s’agit en fait d’une reprise de Malthus et Darwin, ce dernier d’ailleurs ayant reconnu sa dette envers le sombre pasteur (« Here then I had at last a theory by which to work », Ch. Darwin), la survivance des plus adaptés (« the fittest »), la sélection naturelle qui entraîne un changement dans la nature même de la population. La survivance « of the fittest » devient la survivance « of the richest » chez Clark… Les qualités favorables au développement du capitalisme se seraient ainsi transmises, culturellement ou même jusque dans nos gènes envisage-t-il. Il y a un côté un peu réducteur dans cette explication, comme dans toutes les explications privilégiant un seul facteur, et on peut douter pour commencer que les riches à la fin du Moyen Âge et aux Temps modernes se distinguaient par les qualités décrites par l’auteur (voir McCloskey, 2007). En outre, le fait de descendre dans l’échelle sociale est difficilement un facteur encourageant pour diffuser ces soi-disant valeurs. Enfin, les exemples abondent de descendants qui ont perdu les valeurs initiales de leurs pères, la dégénérescence des fils, dans les générations d’industriels notamment, a été souvent décrite dans la littérature, par exemple dans les Buddenbrook de Thomas Mann.

Clark explique qu’en Asie, en Chine ou au Japon, les riches n’ont pas eu plus d’enfants que les pauvres, et donc le même phénomène de diffusion progressive n’a pas joué, mais il ne dit rien sur les raisons de cette situation différente. Qui est d’ailleurs contestée par les spécialistes, les riches en Chine ont eu beaucoup plus d’enfants que les pauvres, comme partout, voir Laura Betzig (2007) qui constate que si la fertilité légitime était faible en Chine, la fertilité réelle des riches (c’est-à-dire y compris les bâtards des nombreuses concubines) était très élevée. Clark affirme que la famille royale de Chine de 1644 à 1911 (Qing) avait par exemple plus d’enfants que la moyenne des Chinois, mais « only modestly so » (p. 11). Betzig démolit cette idée :

« Les empereurs chinois, comme tous les autres, avaient des héritiers de seulement une impératrice à la fois, leur femme légitime ; mais ils avaient des bâtards par vingtaines, ou centaines, de leurs favorites. Qui pouvaient transmettre, sinon les normes éthiques de leurs pères, au moins leurs gènes favorables à une éthique du travail. Autant pour les données de A Farewell to Alms. » (Betzig, op. cit., p. 736)

Pourquoi la révolution industrielle a-t-elle eu lieu en Angleterre, et pas ailleurs en Europe, la raison tiendrait à la rareté des terres, par rapport au continent (et également à l’Asie), qui rendait la contrainte malthusienne plus sévère et donc les revenus moyens plus étroitement contenus. Les enfants d’une famille aisée se trouvaient de ce fait plus facilement poussés vers le bas dans l’échelle sociale que dans des sociétés avec des terres en abondance. Une autre raison tient à une circonstance durablement favorable, l’exceptionnelle stabilité politique dont aurait joui le pays depuis environ 1200, permettant un lent accroissement démographique avec les substitutions évoquées :

« Les avantages de l’Angleterre ne furent pas le charbon, les colonies, la réforme protestante ni les Lumières, mais les hasards de la politique et de la démographie : en particulier l’extraordinaire stabilité depuis au moins 1200, la lente croissance de la population entre 1300 et 1760, et l’extraordinaire fécondité des riches et des gens ayant réussi sur le plan économique. »

La première explication est solide et originale, sur la rareté des terres, mais elle a une racine géographique, ce que Clark refuse par ailleurs. Elle évoque l’ancienne théorie de François Crouzet sur les pénuries relatives en Angleterre, expliquant la nécessité d’innover. La seconde est plutôt curieuse, d’abord parce qu’elle fait appel aux aspects institutionnels, que rejette également l’auteur, ensuite parce qu’elle ignore l’histoire agitée de l’Angleterre, de la guerre des Deux Roses au XVe siècle à la

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