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Ultreia sur les chemins de compostelle

Dissertation : Ultreia sur les chemins de compostelle. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  2 Novembre 2014  •  2 628 Mots (11 Pages)  •  812 Vues

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U L T R E I A

Vénérable Maître,

Il est 21 heures, le téléphone sonne, c’est Gérard qui nous appelle pour nous avertir que dans l’émission « complément d’enquête » sur France 2, il y a un reportage sur Saint Jacques de Compostelle : le bonheur en marchant. Qui est Gérard ? C’est un Irlandais, vivant à Paris que nous avons rencontré sur le Chemin. Nous sommes partis à quatre et nous sommes arrivé à quatre à Santiago, mais pas avec le couple du départ; avec Gérard et Jean Pierre, deux personnages complètement diffèrents, le premier, Gérard ayant fait toute sa carrière à l’étranger sur les cinq continents et parlant plusieurs langues et Jean Pierre, ancien artisan paysagiste, pied noir déraciné en 1962, ayant refait difficilement sa vie et, comme nous hélas, ne parlant que le français, deux personnages donc, que rien ne rapproche et qui, pourtant, ont fait chemin commun pendant quatre semaines.

C’est cela le Chemin, tout le monde est à la même enseigne, ni pauvre ni riche, ni intelligent ni idiot, ni fort ni faible, ni gentil ni méchant. Comme l’a dit J.C. Ruffin à cette émission, le fait de marcher nous rend tous zen, voir un peu benêt, d’où cette facilité de contact, de rapprochement avec l’autre, qui parfois est très superficiel et parfois très profond, mais souvent qui change et peut changer notre regard sur autrui, voir sur l’étranger. Une petite anecdote me revient : Gérard a beaucoup vécu en Afrique et Jean Pierre est pied noir, lors d’un repas, un soir, Gérard parlait négativement des étrangers et Jean Pierre rentrant dans la conversation débute sa phrase en parlant des « melons » ce qui équivaut à « bougnoule » ou autres…J’interviens donc en disant que je ne peux accepter un tel mépris et que mes enfants s’appellent Sarah, Samir, Sélim….et Lucie. Cela jette un froid, très court, car sur le Chemin, les pèlerins se parlent et pour une fois, Hélène a pu parler de nos enfants avec des gens racistes mais ouverts. Quelque part, ces deux hommes se sont peut-être posés les bonnes questions et feront attention avant de juger et d’insulter d’autres hommes. Ce sera le premier message du Camino : Ce chemin est un chemin de partage, fraternité, respect, tolérance, acceptation de l’Autre.

Notre voyage s’annonçait sous les meilleurs auspices ; préparation pointue, entraînement non intensif mais sérieux, sac étudié au gramme près car nous portons nos affaires et nos habits pour cinq semaines et pourtant le sort ou la providence, allez savoir, en a décidé autrement. Partis le 7 septembre, après une première journée de marche, Roncevaux – Zubiri, la sœur de mon épouse nous avertit que l’hôpital l’a prévenue : Monsieur Amiot, mon beau père est mourant et risque de ne pas survivre à la nuit prochaine. Nous sommes donc remontés le lendemain, mardi, avec Bruce descendu courageusement dans la nuit. Mon beau père est mort le mercredi à 11 heures et nous sommes redescendu le dimanche, le lendemain de l’enterrement pour recommencer le chemin depuis Logroño. J’avoue, il nous manque environ 120 km, qui seront parcourus bientôt. Le deuxième message du Camino est donc le suivant : ne préjuger de rien, nous ne sommes pas maître de notre destin, apprenons à l’accepter et à vivre avec.

V.M., je vous ai envoyé un message précisant qu’il ne sert à rien de vouloir élever l’âme si le corps n’est pas à l’aise : « anima sana in corpore sano », le chemin nous apprend à être modeste et a nous accepter tel que nous sommes, avec nos forces et nos faiblesses, avec nos certitudes et nos doutes, avec nos joies et nos peines. Le début de notre pérégrination fut difficile, le temps de s’adapter au sac, mais pour Hélène, mon épouse, il y a eu le coté physique et le coté moral car en plus du deuil de son père, nous avons appris la naissance d’un cinquième petit fils prématuré lourd puisque ne pesant que 800 grammes. La fatigue et la tristesse ont fait qu’Hélène s’est refermée sur elle. Nous marchons sur le chemin du malheur et non sur le chemin du bonheur, j’envisage même le retour par avion en arrivant à Burgos, j’ai l’impression de n’être bon à rien, Hélène me dit être « décalquée », épuisée, on se fait « la gueule », aucune communication, chacun étant persuadé que l’autre le méprise, chacun voit tout en noir…L’esprit heureux du chemin est loin.

Et pourtant, le 21 septembre, après une discussion quelque peu orageuse, nous décidons de terminer le chemin ensemble. A chacun de faire un effort, à moi d’être plus à l’écoute et plus attentionné, à Hélène d’être moins en attente et tributaire des autres et d’apprendre à s’exprimer sans attendre d’être deviner, à défaut d’être comprise. Le ciel s’éclaircit, nous avons cheminé heureux jusqu’à Saint Juan d’Ortega à travers des forêts de pins et de chênes avant de débuter les 200 km de « méséta » , paysage à 900 m d’altitude sans ombre, sans végétation à part des champs de blé à perte de vue en plein soleil ou en pleine pluie et froid ; pour nous, cela sera sous la canicule. Est-ce le troisième message du Camino : nous rapprocher Hélène et moi, enfin se reconnaître dans la vie de couple et en accepter les contraintes en ce qui me concerne ; arrêter de se sous estimer et de croire que tout le monde la méprise en ce qui concerne Hélène. Je crois profondément que cette journée fut décisive pour le restant du chemin et pour l’avenir de notre couple, positif ou négatif.

A partir de ce jour, à part une fatigue normale, nous marchons entre 22 et 28 km quotidiennement, tout se déroule bien et dans une bonne ambiance entre nous mais pas entre le couple de copains et nous. Le chemin révèle aussi les diffèrents caractères. Nous nous détachons petit à petit de nos compagnons et marchons seuls la journée. Hélène ne supporte plus, à, juste raison, l’égoïsme et le coté superficiel et lisse de nos copains. Une multitude de détails rende la vie commune de plus en plus difficile. En résumé nous donnons beaucoup et avec plaisir, l’autre couple reçoit, ne donne rien et vit à sa façon sans tenir compte des autres. Nous décidons finalement de continuer seuls et c’est à ce moment que nous faisons la connaissance de Gérard et Jean Pierre, personnages pittoresques du chemin connus de tous et qui nous disent être heureux de marcher avec nous. Nous passons la semaine ensemble, la journée seulement car chacun est dans son hôtel ou son albergue. Cela pourrait être le quatrième enseignement du camino : Il faut partir seul ou en couple afin d’être disponible et s’ouvrir aux autres. A ce stade, le groupe, quelque

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