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Le Printemps arabe, contestation multiforme ?

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Par   •  12 Mars 2013  •  3 880 Mots (16 Pages)  •  1 473 Vues

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Introduction

Depuis le 17 décembre 2010, et jusqu’à aujourd’hui, ce qu’on a appelé le « Printemps arabe » vient placer au centre de l’attention internationale la région Nord-Africaine et le Moyen-Orient. Ce réveil démocratique, initié en Tunisie et ensuite étendu à tout le Monde Arabe, c’est-à-dire un ensemble régional partageant une langue commune (définition de l’Institut du Monde Arabe), ne regroupe pas à lui seul toutes les révoltes ou révolutions au XXIe siècle de cette partie du monde (révolution du Cèdre 2005, intifada palestinienne, etc.), mais c’est le seul bouleversement de cette ampleur.

Ecartons les équivoques linguistiques : le terme de « révolte » définie une action collective généralement accompagnée de violences, par laquelle un groupe refuse une autorité politique existante ou une règle établie et s’apprête à l’attaquer pour la détruire (Grand Robert) ; la « révolution » elle est synonyme de changement profond dans une société, de bouleversement qui conduit à un changement de régime, selon le philosophe Armand Abécassis. Cette distinction n’est pas sans être débattue, le manque de recul par rapports aux évènements de 2011 ne permet pas encore de trancher.

Les questionnements autour du Printemps arabe peuvent se réduire au comment de son apparition, alors que personne ne s’y attendait, et aux changements à plus ou moins long terme que les « révolutions » arabes peuvent apporter dans l’équilibre géostratégique de la région.

I. Le Printemps arabe, contestation multiforme ?

A. Un contexte favorable à la « révolution »

La « révolution » s’élève avant tout contre les régimes autoritaires, voire dictatoriaux, caractérisés par la longévité de leurs dirigeants (Ben Ali 23 ans en Tunisie, Moubarak 29 ans), leur clientélisme, la corruption qui y règne (élections truquées, Bachar Al-Assad reconduit avec 98 % des voix en 2007). On va jusqu’à parler de kleptocratie, népotisme et de « patrimonialisation du pouvoir » et de « monarchisation des Républiques » (G. Salamé : l’Etat est considéré comme la « chose » du dictateur qui peut la transmettre à ses héritiers). Les sociétés de ces régimes sont dépolitisées, il est d’ailleurs difficile de proposer une alternative politique entre les partis-Etats et l’opposition islamique radicale.

A noter cependant, comme le relève Ghassan Salamé, ex-secrétaire général de l’ONU, que certaines libertés individuelles ont été accordés par les dirigeants à leur pays, parce qu’elles leur avaient été imposées par la mondialisation, et notamment le tourisme (comme l’accès à Internet, mais à relativiser à cause d’une censure importante).

Il y a aussi eu une ouverture relative aux marchés financiers, qui s’est borné à enrichir les détenteurs du pouvoir (par leur mainmise sur l’économie), et a creusé les inégalités. En Tunisie par exemple, on estime, avant la contestation, la fortune cumulée du clan Ben Ali et du clan Trabelsi (proches de la famille présidentielle) à environ 17 milliards d’euros. Même chose pour Hosni Moubarak (Egypte) dont la fortune personnelle est estimée entre 50 et 70 milliards de dollars par The Guardian, alors que près de la moitié de la population (40 %) vit avec moins de 2 euros par jour.

Démographiquement parlant, au moment de la contestation, les pays du Monde arabe se trouvent généralement en fin de transition démographique, le taux de fécondité est d’environ 3 à 4 enfants par femme, la population reste donc particulièrement jeune, mais cette jeunesse est mieux éduquée, plus qualifiée, plus diplômée et plus ouverte au monde extérieur. On compte 75 % des jeunes scolarisés dans l’enseignement secondaire et le quart dans l’enseignement supérieur. La santé dans les pays arabes s’est aussi améliorée ; en Egypte par exemple, sur la fin du 19e siècle, l’espérance de vie a augmenté de 30 ans, et le taux de mortalité infantile est passé de 35 % à moins d’1 %.

En matière économique toutefois, le fort taux de chômage des jeunes (cf. C.1), et la hausse du prix des biens de première nécessité, particulièrement des biens alimentaires, sont à l’origine d’un appauvrissement des classes moyennes. Les économies nationales ont été durement touchées par la crise de 2008, de manière indirecte : les investissements étrangers, les aides internationales et les flux touristiques ont beaucoup baissé avec la récession économique.

B. Du processus commun aux particularismes nationaux

1) Le foyer tunisien du mouvement contestataire

« Nous n’y pensions plus… » sont les premiers mots de Fethi Benslama dans Soudain la Révolution ! : Au moment de la contestation, un renversement du régime de Zine el-Abidine Ben Ali paraît « inconcevable », dans un pays politiquement stable, où les populations sont réputées dociles et les opposants marginalisés. Le 17 décembre 2010, le vendeur ambulant Mohammed Bouazizi s’immole publiquement devant le gouvernorat de Sidi Bouzid, acte extrême qui devient le symbole de la grande « désespérance sociale » que connaît la population. Le mécontentement s’empare rapidement de tout le pays, et malgré les interventions télévisées répétées de Ben Ali, les manifestations enflent, réclamant son départ immédiat. Il s’enfuit en Arabie Saoudite le 14 janvier, alors même que les forces de l’ordre répriment durement les mouvements de révolte. Finalement un gouvernement d’union nationale est proclamé le 17 janvier, par le Premier Ministre Mohammed Gannouchi. L’expression « révolution du jasmin » est utilisée pour qualifier la contestation (synonyme de tolérance/en référence à la prise de pouvoir de Ben Ali en 1987).

2) Effet domino et modèle contestataire

Beaucoup de commentateurs pendant le processus contestataire ont voulu comparer l’expansion du mouvement au Printemps des peuples de 1848 (initié en France) d’où le nom Printemps arabe. Pour Yves Gonzalez-Quijano, chercheur à l’Institut français du Proche-Orient, l’expression de « contagion démocratique » est « exécrable » et ne rend pas compte des réalités. Il estime qu’à un moment donné, des facteurs convergents associés à l’étincelle tunisienne ont donné lieu aux mouvements de révolte, qui doivent cependant bien être distingués. Baudoin Dupret, directeur de recherche au CNRS, partage ce point de vue : il n’y a pas d’unité particulière dans le Monde arabe, et la contestation ne s’étend pas de manière « mécanique »

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