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Les mots cachent-ils les choses?

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Par   •  23 Avril 2018  •  Dissertation  •  1 715 Mots (7 Pages)  •  1 724 Vues

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Quand un homme dit « une table », il est peu probable que son voisin perçoive mentalement cet objet de la même façon que lui. De la même manière, dire « une lumière » peut trahir le réel au sens où l'on ne saura s'il s'agit d'un néon, d'une LED ou d'une ampoule à filament.

Les mots semblent donc être source de conflit et confusion, car pouvant masquer les choses telles qu'elles sont vraiment.

Ainsi, les mots cachent-ils les choses ? En d'autres termes, les mots empêchent-ils aux hommes de voir les choses telles qu'elles sont ?

Les mots sont en effet nécessairement généraux... face à un réel individuel, ils semblent devoir échouer à l'exprimer.

Néanmoins, sans les mots, impossible de l'exprimer également, car ils structurent la pensée. En définitive, sans eux les choses nous échappent.

Nous étudierons donc les mots dans un premier temps en tant que travestissement du réel, puis en tant que seul bon choix possible pour percevoir les choses, enfin nous nous demanderons si les mots ne sont après tout pas le reflet même, non pas d'un masquage de la vérité, mais de l'incapacité humaine à la saisir dans sa totalité.

Nous vivons dans un monde de choses individuelles : même avec les constants progrès d'une industrialisation uniformisante, il est impossible de trouver deux objets strictement identiques. Or, les mots rassemblent ces choses en de vastes catégories et sous-catégories, sans faire – ou très peu - de distinction au sein de ces dernières. Le mot arbre peut, dans le langage courant, aussi bien désigner un tilleul qu'un frêne, qu'un robinier ou qu'un palmier... pourtant ce dernier appartient aux monocotylédones, une famille botanique qui n'est pas rangée dans celle des arbres. Et encore, cela n'est que très général : si l'on se penche sur le mot palmier, il ne donne aucune indication quant à son apparence. On pourra donc aussi bien qualifier ainsi un palmier de 7m50 qu'un autre de 15m, malgré la notable différence de calibre. Faire une liste exhaustive des mots faisant douter sur les choses serait inutile, puisque tous le font, même ceux désignant les concepts les plus abstraits et universels : amour et justice n'ont pas la même signification pour un honnête homme et un violeur... Le langage morcelle donc insidieusement le réel, à la façon d'une montre qui fragmente le temps et trahit sa plénitude et sa continuité. Les mots sont par conséquent fondamentalement, structurellement voués à masquer l'individualité des choses, il ne tiennent ni compte des différences physiques des objets ni compte du vécu psychique de chacun. Même articulés entre eux ils divisent : une copie de philosophie pourra se voir attribuer un 14 comme un 18 selon l'interprétation des divers professeurs.

Ajoutons à cela que les mots semblent parfois cacher les choses de façon bien plus flagrante : lorsqu’ils manquent. Il reste dans le monde une part d'ineffable que les mots ne peuvent désigner, tout simplement car il n'en existe pas pour désigner ces choses. Il nous arrive souvent d'avoir des idées sans parvenir à les formuler convenablement.

Les mots cachent donc bien les choses, au moins en partie : ils leur retirent toute individualité et les banalisent. Le langage paraît, dans cette perspective, voué à la vacuité... cependant la dernière idée, celle de mots manquants, ne démontre-t-elle pas la thèse inverse ? En effet, si on ne met pas de mots sur une pensée, celle-ci s’évapore au bout de quelques heures. Ce qui impliquerait que l'on ne peut penser et réfléchir sans les mots, et donc qu'ils nous révèlent les choses plus qu'ils ne nous les cachent.

Il est clair que les mots structurent notre pensée : sans eux, impossible de se projeter au-delà d'un agglomérat de sensations et d'une masse confuse d'obscures pensées. Une vie sans mots serait une vie de chaos, car après tout c'est uniquement par eux que nous distinguons les choses, les comprenons dans leur forme, leur fond et leur altérité avec nous-même. Force est de constater que sans langage, une forêt serait impossible à saisir correctement : nous verrions, percevrions un amas de choses sans même être certains de ne pas nous voir. Ce sont les termes arbre, feuille, champignon, humus, mousse qui nous permettent de bien saisir les différents éléments de la chose avant de l'englober dans le mot forêt. Les mots sont donc ce par quoi les choses se présentent à nous, ils nous les révèlent. Un exemple concret et quotidien est celui de la rencontre avec un objet ou un animal nouveau. Presque spontanément on demande « C'est quoi? ». On voit bien que c' s'apparente à un singe, qu'il est noir et blanc, pourtant il n'y a que lorsque l'on nous apprend qu'il s'agit d'un maki catta que nous avons réellement la sensation de connaître l'animal, de le posséder intimement. On notera une forme de jouissance à acquérir de nouveaux éléments de vocabulaire : les mots nous font dominer les choses, nous permettent d'en faire des connaissances.

Demeure toujours ce problème de généralisation. Mais après tout, n'est-ce pas là la force même du langage ? D'avoir réussi à triompher de l'individualité ? Car, si certes certains sens se perdent dans le processus, il serait cauchemardesque d'imaginer un langage où la moindre aspérité de cette

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