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Entre Appartenance Et Exil de la condition naturelle de l'homme

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Par   •  10 Octobre 2013  •  6 391 Mots (26 Pages)  •  982 Vues

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ENTRE APPARTENANCE ET EXIL

DE LA CONDITION NATURELLE DE L'HOMME

Cette étude, centrée autour du concept de nature, a pour but d'expliciter les relations d'inclusion et d'exclusion qui, dans la pensée contemporaine, se nouent entre l'appréhension du réel physique et la compréhension que l'homme, cet être vivant doué de parole, s'efforce de produire à l'endroit de sa propre essence. Le titre que j'ai donné à cette leçon, “entre appartenance et exil", signale les pôles extrêmes entre lesquels l'intelligibilité de ces relations est traditionnellement conçue: c'est tantôt l'appartenance au réel physique qui semble fournir la clef d'une anthropologie lucide et prévenue contre les affabulations du mythe. C'est ce qu'enseignent, par exemple, l'atomisme des anciens, le naturalisme ou l'évolutionisme modernes. Tantôt c'est au contraire l'éloignement absolu ou l'exil de l'homme hors du monde de la nature qui constitue le préalable ontologique nécessaire à l'élucidation des possibilités et des finalités humaines les plus irréductibles. C'est dans cette direction plus ou moins ferme que s'engagent le néo-platonisme, la pensée augustiennne, le dualisme de Descartes et, dans une certaine mesure, le criticisme kantien.

Jusqu'à la fin de la modernité, dont Kant incarne le point culminant, cette oscillation interne à l'histoire de la pensée occidentale qui tour à tour articule ou dissocie le naturel de l'humain, fut toujours décidée sur la base d'une conception de la philosophie qui laissait intacte les présupposés de son institution première. Cette institution, héritée des Grecs élève la philosophie au rang d'activité théorétique suprême, dont la tâche est de remonter des phénomènes visibles et manifestes aux principes non-manifestes qui les gouvernent et les conditionnent. Grâce à ces principes, l'entreprise philosophique peut alors bâtir un système intégrateur de la réalité, capable à la fois de rassembler et de discriminer les différents modes d'être dont cette réalité se compose. Dans cette optique, la philosophie s'efforce, entre autres, de présenter une “vision” juste et adéquate du statut de l'homme dans le tout cosmique, que l'accent soit mis sur l'immanence ou sur la transcendance de l'être humain dans sa relation à ce tout. C'est pourquoi, chez Platon et chez Aristote, chez Descartes et chez Kant, toute considération éthique, politique ou plus généralement anthropologique, a nécessairement pour envers une pensée de la physique, qui dise la spécificité de l'esprit dans son rapport à la matière, la parenté ou l'écart entre l'étant naturel et le produit technique, l'intimité ou l'étrangeté qui marquent la rencontre de la parole humaine avec les lois qui régissent l'univers infra-langagier.

Néanmoins cette visée systématique de l'entreprise philosophique traditionnelle repose sur une conviction que la pensée contemporaine s'est employée à battre en brèche. Cette conviction est celle-là même que Parménide dans le célèbre énoncé du Fragment 8 situait au fondement de toute ontologie: ce qui se peut penser est aussi ce grâce à quoi il y a pensée. Situé dans son contexte, cet énoncé veut dire que toute pensée qui fait montre de connaissance, et qui se démarque en celà de la simple opinion, puise son autorité dans l'existence d'un ordre qui la précède, dans la pré-donation ontologique d'un horizon qui en esquisse déjà et la cohérence et la signification. C'est pourquoi, dans la lignée de cette tradition, la pensée du vivant doué de parole qu'est l'homme n'énonçe de vérité qu'à la faveur d'une confrontation avec un autre logos que le sien : le logos de la physis elle-même, logos qui déborde, excède, et en même temps provoque ou convoque la pensée.

Or, qu'advient-il de ce logos de la physis- ou plus précisément de la relation de celui-ci à l'humanité de l'homme - dans un contexte où la philosophie décline son propre pouvoir de théorisation? Telle est la question qui nourrit l'argument de la première partie de ce texte Dans cette partie, je rendrai compte en quelques mots du phénomène que Gilbert Hottois nomme “la forclusion du réel cosmique” - forclusion corrélative à l'inflation du langage dans la philosophie contemporaine et à l'acosmisme fondamental de cette philosophie lorsqu'il s'agit de l'homme . Dans une seconde partie, en revanche, je chercherai à montrer comment la question du sens anthropologique de notre situation dans le tout cosmique refait surface à l'intérieur même de la physique, motivant par là même la philosophie à réassumer ses responsabilités à l'égard des sciences et à réinvestir nouvellement sa fonction théorétique.

La forclusion du réel cosmique

Aujourd'hui, en effet, la conception de la philosophie comme activité théorétique est de plus en plus contestée par d'autres positions, où la problématique du langage prend une place dominante, et pour laquelle le travail du concept se propose essentiellement comme une activité critique de déconstruction des énigmes, des mirages, des phantasmes et des questions prétendues profondes que la spéculation philosophique avait cru devoir poursuivre, après l'avènement de la science moderne. A cet antithéorétisme virulent - j'entends, à ces mouvements philosophiques qui visent à la destitution de la philosophie comme connaissance - appartiennent des figures de pensée curieusement aussi divergentes que celles de Ludwig Wittgenstein, de J. Derrida, ou de John Ayer. Ces trois auteurs, qui sont à l'origine de débats philosophiques passionnés, partagent le soupçon selon lequel la prétention cognitive de notre tradition de pensée, qui charrie avec elle l'idée d'un savoir de type supérieur, s'alimenterait d'une méconnaissance plus ou moins délibérée quant à la nature et au fonctionnement du langage humain. Les multiples formes de cette méconnaissance varient selon les systèmes incriminés, de même qu'elles s'éclairent différemment selon la stratégie utilisée pour les dénoncer. Pour Wittgenstein, les discours philosophiques bâtissent leurs constructions de sens prétendûment extra-ordinaires sur la base d'un mésusage pathologique des médiations langagières qui conditionnent grammaticalement la communication; elles sont le résultat des distorsions et des dérèglements

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