Étude de la pièce de théâtre Fragments De Mensonges Inutiles de Michel Tremblay

Au Québec, au cours de la première moitié du 20ième siècle, l’homosexualité était un sujet que l’on abordait avec beaucoup de retenue et ce, autant dans les œuvres littéraires que dans la vie courante. Malgré cela, il était quand même bien présent. Michel Tremblay, auteur de la pièce Fragments de mensonges inutiles (2009) entame ce sujet à sa façon. À première vue, dans cette œuvre théâtrale, les deux jeunes hommes vivent leur relation de la même façon. Cependant, l’étude des ressemblances sociologique et des différences psychologique révèle que ce n’est pas tout à fait le cas.

Tout d’abord, les deux personnages agissent avec pudeur par rapport à leur homosexualité. En d’autres mots, ils se montrent réservés et discrets lorsqu’il est question de leur relation amoureuse. La réplique suivante illustre bien cette affirmation.

-Pas du tout! J’ai pensé assez longtemps que j’étais tout seul de mon bord, qu’y avait juste moi qui voulais ce que je voulais, c’est pas parce que j’en ai trouvé un autre que ça veut dire que j’vas me mettre à imaginer que tout le monde est comme nous autres!

[L.23 à L.28. Je souligne.]

Ce que le soulignement met en évidence, c’est la manière avec laquelle Jean-Marc évite de parler de son homosexualité. De ce fait, il est possible de croire que celui-ci est embarrassé de dévoiler à voix haute son orientation sexuelle. La situation est la même pour Manu.

-C’est pas parce que je me laisse emporter pendant qu’on fait ça que…

[ …]

-Sûr! Mais sûr de quoi! J’aime ce qu’on fait ensemble, je l’ai voulu et je le veux encore et peut-être que j’vas le vouloir pendant encore longtemps… mais… t’es trop romantique, Jean-Marc…

[L.80 et L.84 à 86. Je souligne.]

Ce qui retient l’attention ici, c’est la réticence avec laquelle Manu s’exprime lorsqu’il est question de son homosexualité ou des rapports sexuels qui s’effectuent entre lui et Jean-Marc. Tout comme ce dernier, il semble incommodé par le fait d’être homosexuel. De plus, il n’utilise pas les termes «faire l’amour» ou «se caresser», ce qui est une preuve que le personnage est pudique. Bref, l’attitude de Jean-Marc et de Manu à l’égard de leur orientation sexuelle représente bien ce que plusieurs vivaient à cette époque. L’homosexualité était plus ou moins acceptée et fortement critiquée, ce qui obligeait les principaux intéressés à agir avec une certaine retenue.

D’autre part, les deux personnages n’affichent pas de la même façon le désir et l’amour qu’ils ressentent l’un pour l’autre. Plus précisément, Jean-Marc exprime davantage des sentiments d’affection et d’attirance sentimentale que Manu. Cette allégation est étayée par l’extrait suivant :

-Mais pourquoi y penser? Pourquoi gâcher c’qu’y a entre nous, là, là, aujourd’hui! C’est ça qui est important! J’t’aime, Manu, pis y a rien qui va m’empêcher de te le dire!

[…]

-J’t’aime, Manu...

[...]

-Mais ça fait tellement de bien! C’est la première fois que ça m’arrive de dire ça à quelqu’un d’autre que ma mère ou mon père! Même mon père, j’ai pas le droit d’y dire parce que c’est pas assez viril! C’est la première fois qu’y a quelqu’un au centre de ma vie, qui est planté au milieu de mon cœur, et qui fait pas partie de ma famille! C’est un premier amour? O.K., c’est correct! Je souffrirai quand viendra le temps de souffrir! Mais en attendant, je veux avoir le droit de l’exprimer, surtout à celui qui est concerné! Si tu penses que tu m’aimes pas vraiment, Manu, dis-le pas, c’est correct, j’vas comprendre, mais empêche-moi pas de te le dire!

[L.113 et 114, L.116 et L.118 à 124. Je souligne.]

Les mots ou expressions soulignés mettent en évidence les éléments syntaxiques qui constituent le champ lexical de l’amour, ce qui aide à démontrer à quel point Jean-Marc n’a aucune gêne lorsque le temps est venu d’exprimer à répétition son amour à Manu. Par conséquent, du fait qu’il ait autant d’aplomb, Jean-Marc donne l’impression d’être profondément

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