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Étude de la pièce de théâtre Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand

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Par   •  11 Juin 2012  •  1 741 Mots (7 Pages)  •  4 600 Vues

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Vivant en pleine époque baroque, Cyrano de Bergerac offre un visage conforme au mouvement auquel son oeuvre appartient : déroutant et facilement en marge. De même, son oeuvre est inattendue, amusante et surtout nourrie de significations implicites. Ainsi, reprenant à Lucien de Samosate l’idée du voyage sur la lune, Cyrano de Bergerac fait paraître, en 1649, L’autre monde ou les états et empires de la lune, roman où un héros narrateur conte son périple et ses aventures sur l’astre lunaire. Cet ouvrage offre une perspective nouvelle sur l’Autre. En effet, la narration d’un voyage imaginaire permet, grâce à la fantaisie, de renouveler

le regard sur la différence. Nous verrons donc ici comment l’utopie permet de mettre en évidence la réflexion sur l’Autre. Après avoir mesuré tout ce que l’auteur emprunte à la relation de voyage, nous verrons qu’il

renverse habilement les perspectives pour finalement construire un discours critique sur la société de son temps.

1)L’extrait d’une relation de voyage

Ce passage témoigne de l’imitation effectuée par Cyrano de Bergerac :

a) La figure du narrateur

Comme dans une relation de voyage, le narrateur se distingue par deux caractéristiques majeures :

– son héroïsme : il arrive dans l’inconnu, seul : « Je restai bien surpris e me voir tout seul au milieu d’un pays que je ne connaissais point ».

Il s’en remet alors au Destin (comme Ulysse malmené par les dieux dans l’Odyssée, modèle premier) : « je résolus de marcher, jusques à ce que la Fortune me fît rencontrer la compagnie de quelque bête ou de la mort ». Cet héroïsme permet la dramatisation du voyage, qui éveille ainsi l’intérêt du lecteur ;

– son apparente neutralité : le narrateur s’exprime à la première personne et rapporte les faits avec une apparente neutralité, ce que révèle la juxtaposition des phrases aux trois premières lignes. En effet, il est en terrain inconnu et a donc un regard distancié sur ce qui l’entoure.

Cette position permet d’apporter au récit l’authenticité d’un témoignage, et, dans le cadre de l’utopie, de garantir la crédibilité d’un récit pourtant très fantaisiste.

b) L’image que donne le narrateur de ce nouveau monde : une merveille

La fantaisie s’exprime dans les détails apportés par l’auteur lorsqu’il décrit ce nouveau monde : sur la lune se trouvent les monstres ; sur la lune, ce sont des « bêtes-hommes » qui « avaient la taille, la figure et le visage comme nous » mais qui marchent à quatre pattes. C’est le deuxième topos de la relation de voyage, emprunté notamment à l’historien grec, Hérodote. D’ailleurs, le narrateur souligne que ces êtres lui rappellent les monstres de la mythologie : « Cette aventure me fit souvenir de ce que jadis j’avais ouï conter à ma nourrice, des sirènes, des faunes et des satyres ».

c) Un monde qui suscite l’étonnement

Une autre caractéristique de la relation de voyage réside dans sa faculté à souligner et susciter la surprise, la stupéfaction. Le caractère merveilleux des Sélénites est mis en relief par le lexique de l’étonnement : « je restai bien surpris », « je fus bien étonné », renforcé par l’hyperbole : « plus de sept ou huit cents... ».Cet étonnement provient de la position du voyageur qui découvre un monde totalement inconnu : le lexique du regard met en évidence cette découverte ; et, comme dans toute relation de voyage, la description va de l’aspect physique – dimension esthétique – au comportement – dimension éthique.

Le thème majeur, ici, est la diversité des moeurs, centrée sur la façon de marcher – à deux ou quatre pattes. Et comme dans toute relation de voyage, l’inconnu suscite l’interprétation : ce thème est développé par un champ lexical abondant, et par des modalisateurs exprimant le doute.

Le renversement des perspectives

a) Des jeux de symétrie

Le passage se fonde sur un jeu de symétrie entre les regards et les sentiments.

En effet, si le narrateur-héros porte un regard sur ce monde nouveau : « je le vis revenir », « je vis entrer « Quand je les pus discerner», il est aussi « contempl[é] » : « ce peuple me vit passer, me voyant si petit » ; la répétition du verbe voir est à cet égard fort parlante. De même, il est surpris par ce qu’il voit : « Je fus bien étonné », tout comme il est aussi un objet d’étonnement pour les Sélénites, qu’il s’agisse du peuple ou des Grands : « ils élevaient des huées si furieuses, causées sans doute par l’admiration de me voir », « Les grands me reçurent avec des admirations plus modérées ». Enfin, le renversement touche aussi à l’interprétation : le narrateur pense que les Sélénites sont des animaux, mais il est lui-même pris pour un animal. Ce jeu de miroir met en relief une idée forte : la différence perturbe les repères et balaie les certitudes.

b) Le jeu des discours

Cette perturbation se révèle aussi par le jeu des discours : nombreux sont les locuteurs dans ce texte ainsi que les propos rapportés. Le narrateur assume évidemment le récit, et tient le discours principal ; mais il fait aussi intervenir de nombreux locuteurs :

– le peuple : « ils disaient donc » ;

– les grands, c’est-à-dire les nobles proches du Roi : « Les grands me

reçurent [ ... ]. Leur conclusion néanmoins fut semblable… » ;

– l’Espagnol, dont la parole est rapportée

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