Étude d'un passage du roman Suppléments au voyage de Bougainville de Denis Diderot: Pleurez, malheureux Tahitiens

ce à ces valeurs tahitiennes connotées positivement, Diderot dresse un portrait négatif du comportement des Européens. Ainsi, le communautarisme des Tahitiens est confronté à l’individualisme caractérisant la société européenne et décrit par le Tahitien comme étant une « distinction du tien et du mien ». Le vieillard accuse d’ailleurs les Européens de vouloir corrompre les mœurs des Tahitiens et d’instaurer l’individualisme dans leur société. Les Européens se caractérisent en outre par une violence, exprimée à travers l’utilisation de termes explicites : « funeste avenir », « fureurs inconnues », « folles », « féroces », « esclaves » et « teintes de sang ». Plus grave, le désir de domination dont font preuve les Européens, animés d’une volonté de colonisation de la terre tahitienne et d’asservissement de ses habitants. Le ton est d’ailleurs donné, dès le début de l’extrait, par l’apostrophe accusatrice insultante « Et toi, chef des brigands », adressée à Bougainville. Les Européens sont ainsi assimilés à des personnes malhonnêtes, étant donné que Bougainville représente le peuple européen. L’injustice et l’immoralité se traduisent par l’application de la loi du plus fort, puisque les Européens s’approprient la terre tahitienne, matérialisant cette appropriation par un écrit : « ce pays est à nous », et suscitant l’indignation et la révolte du vieillard : « Ce pays est à toi ? Et pourquoi ? »

Cette opposition manichéenne entre deux sociétés totalement différentes fait en réalité partie de la stratégie argumentative de Diderot, désireux de faire passer un message critique à ses lecteurs européens.

La stratégie argumentative passe par le fait que c’est un vieux Tahitien qui est le porte parole de tout un peuple. Du fait de son âge, symbole de sagesse, son discours a plus de poids. Mais il s’agit également pour Diderot de mettre en évidence le ressenti du peuple tahitien, afin de toucher le lecteur européen. Ainsi, la colère et l’amertume des Tahitiens est mise en évidence par l’utilisation de phrases exclamatives comme « Tu es le plus fort ! » La dénonciation des valeurs européennes comme étant erronées est mise en évidence lorsque le Tahitien utilise l’expression marquant la distance : « ce que tu appelles », montrant par là une volonté des Tahitiens de ne pas se laisser faire. Ce Tahitien emploie en outre un registre hautement polémique ; il s’attaque violemment à Bougainville. [Argumentation + exemples ?]

Dans un souci d’efficacité argumentative, Diderot a également recours à l’analogie, permettant un renversement de situation : en suggérant aux Européens de se mettre à la place des Tahitiens, le vieillard cherche à leur faire prendre conscience du mal qu’ils font au peuple Tahitien. Il utilise également des questions oratoires à la fin de cet extrait c’est-à-dire des questions dans laquelle la réponse est comprise : ”qu’il gravât sur une de vos pierres ou sur l’écorce d’un de vos arbres : Ce pays appartient aux habitants de Tahiti, qu’en penserais-tu ? » ; « Tu crois donc que le Tahitien ne sait pas défendre sa liberté et mourir ? » ; « Vous êtes deux enfants d

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