Verlaine " Clair De Lune "

Verlaine, Fêtes galantes, « Clair de lune »

PRÉSENTATION DU TEXTE

Trois quatrains de décasyllabes associent l'âme d'une interlocutrice (ou celle du poète lui-même) à un paysage extérieur qui semble emprunté au contexte de la Commedia dell'arte. Le poète crée ainsi une corrélation, qui se précise dès la première strophe, entre la représentation de personnages ambigus dans en décor nocturne, et un état d'âme qui oscille entre deux sentiments, le bonheur et la mélancolie comme entre l'incertitude et l'assurance apparente. Le poème entier hésite entre deux tonalités : la première est triomphante, heureuse, mais elle est aussitôt tempérée par la seconde, nostalgique et amère. C'est là le ton général des Fêtes galantes.

1. STRUCTURE DU TEXTE

Le poème suit une évolution qui va de l'âme (paysage intérieur restreint de la première strophe) à une vision plus large (troisième quatrain), en passant par la présentation des personnages qui animent la scène. On peut donc voir successivement différents éléments.

• Strophe 1 : caractérisation du paysage par les personnages et leurs occupations.

• Strophe 2 : caractérisation des personnages par leur apparence et leurs sentiments.

• Strophe 3 : élargissement de la vision à tout un environnement nocturne. Les strophes 2 et 3 sont indissociables par suite de la ponctuation.

II EXPLICATION LINÉAIRE

Strophe 1

Ce quatrain constitue un ensemble dont la continuité est marquée par l'absence totale de ponctuation et la succession de coordinations. Ce mouvement est accentué par le nombre de participes présents qui accumulent les actions. Il commence par une caractérisation qui s'apparente à une définition (valeur ambiguë du verbe être) : celle-ci associe une âme (dont le possesseur est indéterminé) à un paysage. Le paysage est aussitôt caractérisé lui-même par un premier adjectif laudatif (« choisi » = élu, privilégié), puis par une subordonnée relative qui utilise une tournure archaïsante (verbe aller + participe présent insistant sur le déroulement de l'action et suggérant un mouvement). À partir de la fin du vers 2, le paysage s'anime grâce aux éléments humains qui y apparaissent et à leurs occupations. Le pluriel et les deux mots de sonorités très proches (« masques », « bergamasques »), dont le rapprochement relève du jeu phonique, suggèrent un groupe carnavalesque aussitôt précisé par ses occupations : musique et danse. L'allusion au luth accentue la tonalité archaïsante, la succession de « et » donne au vers 3 un rythme allègre et fantaisiste qu'accentue la présence inattendue de l'adverbe « quasi » à la rime. Il crée un effet d'attente et met en relief l'adjectif « tristes », première marque d'une tonalité sombre dans cet ensemble gai. Le quatrain se termine néanmoins sur une note fantaisiste (« déguisements fantasques ») et clownesque.

Ainsi se crée la première association entre le paysage intérieur, l'âme, et l'extérieur caractérisé par une double tonalité. On note cependant que la fantaisie, la joie et le mouvement dominent : ils sont mis en relief par le jeu des répétitions, les assonances et les allitérations en [s]. Il y a une impression de persiflage léger et sans importance.

Strophe 2

Elle évolue en deux étapes -dont la seconde ouvre sur la strophe 3. Les deux parties sont annoncées par l'expression « tout en » qui souligne la simultanéité de sentiments opposés, et construites sur une opposition entre une activité heureuse et une apparence de tristesse. Cette strophe est entièrement consacrée aux personnages et à ce qu'ils ressentent. Les vers 5 et 6 définissent une attitude heureuse (action de chanter). Il faut remarquer la construction du verbe chanter - le vers 5 oriente vers une construction intransitive, absolue, alors que le vers 6 vient préciser le contenu du chant. Le double

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