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Une De Mes rédactions

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Par   •  10 Mai 2014  •  2 447 Mots (10 Pages)  •  937 Vues

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Quand le coup de feu retentit et que la bête s'écroula, faisant s'envoler une nuée d'oiseaux à travers les pins enneigés, Volk Adamovitch contempla son oeuvre, ravi : le cerf qui, il y a une dizaine de secondes, insouciant, reniflait un tronc du bout de son museau, gisait à présent au sol, le flanc troué d'une balle, d'où s'écoulait un flot de sang maculant la neige. Le pauvre animal agonisant poussait des cris de douleurs effroyables à en glacer la forêt, paralysant la nature. Trois hommes accoururent, se placèrent aux côtés du prédateur armé dont un cruel sourire déformait le visage. Il pointa le cerf du bout de son fusil, puis déclara en ricanant :

«-Et voilà mes chers petits frères, ce que l'on appelle "une bonne chasse" ! Regardez-moi ce spectacle, n'est-ce pas beau, ce combat entre la vie et la mort que se livre cette pathétique créature? Entendez ces hurlements : ils me font frémir de bonheur. Quel beau moment j'ai l'occasion de partager avec vous, seul le braconnage m'apporte pareille satisfaction. »

Les trois hommes acquiescèrent, les yeux pétillants d'admiration devant leur frère aîné. Puis, sans un mot, comme si cela était un rituel, ils prirent la carcasse et d'un pas lent, quittèrent la forêt assombrie par la nuit tombante. Lorsqu'ils eurent atteint leur modeste mais solide demeure à la lisière des bois, les quatre frères commencèrent leur ouvrage sur une large table tachée de sang prévue à cet effet : ils dépecèrent machinalement la bête, jetant la peau dans un premier seau, les muscles dans un deuxième, les os et les entrailles dans un troisième. Toute cette opération se déroulait dans un silence complice, les hommes penchés sur le cerf étaient animés d'une perfidie et d'une cruauté sans bornes qui brûlaient dans leurs regards : on eut dit qu'ils prenaient un plaisir infini à plonger leurs mains calleuses dans les boyaux encore chauds. De temps en temps, Volk Adamovitch rompait ce silence en corrigeant ses frères, leur montrant comment manier le couteau à dépecer, leur donnant des astuces et des conseils. Une fois leur travail achevé et leurs mains lavées, ils s'affalèrent dans leurs fauteuils respectifs afin de se réchauffer devant la cheminée crépitante, un verre de vodka à la main.

«-J'aime mon pays pour son alcool, déclara Volk Adamovitch en secouant le liquide incolore, vive la Russie ! »

Il but l'eau de vie d'une traite avant d'aller se coucher, précédé de ses trois frères. Pour Volk Adamovitch, la nuit fut agitée, parsemée de ces cauchemars troublants qui vous hantent longtemps encore après votre réveil.

Les rayons matinaux du soleil inondèrent la chambre du braconnier, le poussant à s'extirper périlleusement et fébrilement de son lit miteux. C'est avec les paupières lourdes et les membres fatigués que Volk Adamovitch s'arma de son fusil après s'être chaudement habillé et, pour une fois, alla sans ses frères se perdre dans la forêt. Il divagua ainsi une bonne heure à travers la nature qui émergeait elle aussi de son sommeil, laissant ses empreintes de pas dans la neige. Il s'arrêta de marcher. Une envie de tuer le prit. Il sonda l'horizon d'un regard de faucon à la recherche d'une proie potentielle. Il ne vit rien, n'entendit rien, ne sentit rien : il était tout seul. Dépité, il entreprit de rentrer et de manger un peu de viande de cerf. Il rebroussa donc chemin, luttant contre la fatigue et le froid qui ralentissaient sa marche, jusqu'à ce qu'un bruit lui fasse dresser l'oreille. Un animal n'était pas loin, il en était certain. Le fusil plus fermement empoigné, les genoux plus fléchis, Volk Adamovitch glissa silencieusement dans la forêt. Tous ses sens étaient en alerte. L'envie de tuer s'étant transformée en urgent besoin, le chasseur animé par une frénésie meurtrière scrutait les pins lorsque, derrière lui, il flaira une présence à une dizaine de mètres. Il fit volte-face et vit une masse brune énorme dressée sur deux imposantes pattes : un ours. Le monstre rugit avec une férocité incroyable, faisant trembler la forêt entière, puis s'élança sur l'homme tétanisé. Ses griffes acérées et sa puissante mâchoire étaient prêtes à broyer et à déchiqueter cet insignifiant être humain osant s'aventurer sur son territoire. En voyant la bête courir vers lui, Volk Adamovitch eut, pour la première fois, peur d'un animal. C'est d'un agile et rapide bond qu'il esquiva de justesse la patte de l'ours qui balaya l'air glacé. Les yeux écarquillés, le souffle court et les mains tremblantes, le chasseur se releva et braqua son fusil sur l'abdomen du monstre, prêt à tirer. Néanmoins, l'animal fut plus rapide que lui : un cri bestial déchira la forêt et cinq griffes tranchantes vinrent lacérer le visage de l'homme qui s'effondra brutalement dans la neige. Son crâne heurta une pierre. Le sang jaillit. C'est ainsi qu'il perdit connaissance.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, Volk Adamovitch fut d'abord frappé par l'intensité de sa douleur crânienne. Le sang avait séché sur son visage, le recouvrant d'épaisses croûtes brunâtres. Depuis combien de temps était-il allongé là? A en juger le profond engourdissement qui irradiait dans ses membres endoloris par le froid, la fatigue et la chute, plusieurs heures s'étaient écoulées depuis l'incident. Mais, quel incident? Volk Adamovitch fit un effort pour se remémorer la scène... L'ours ! Toujours paralysé au sol, le coeur battant , il sonda les alentours d'un oeil prudent. Par chance, la bête avait quitté les lieux, lui laissant la vie sauve. Le braconnier resta couché plusieurs minutes à fixer le ciel grisâtre, avant d'entreprendre de se relever. Il tenta de bouger les jambes, mais n'y parvint pas. La chute était-elle plus grave qu'il ne l'avait jugée ? Alors, il releva légèrement la tête afin d'inspecter son corps. Là, une vague de terreur le submergea lorsqu'il vit, à la place de son habituelle veste de trappeur, de la fourrure. Affolé, il regarda ses mains mais constata avec effroi qu'elles avaient disparu, remplacées par deux hideuses pattes. Il tenta de hurler, d'appeler à l'aide, mais seul un grommellement nasillard sortit de son groin... "Ce n'est pas la réalité, tu t'es cogné la tête, tu hallucines, ressaisis-toi !" se répétait-il en boucle. Mais rien n'y fit : il était bel et bien prisonnier d'un corps de sanglier. Ses pensées se bousculaient, il n'arrivait pas à établir

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