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Théâtre d'avant-garde dans les années cinquante

Fiche de lecture : Théâtre d'avant-garde dans les années cinquante. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  6 Août 2014  •  Fiche de lecture  •  2 617 Mots (11 Pages)  •  993 Vues

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Un théâtre d'avant-garde dans les années cinquante

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la forme dramatique, comme la majorité des formes artistiques, traverse une période de remise en question. Les auteurs ressentent la nécessité de modifier profondément la forme théâtrale, tant au plan de l'écriture qu'au plan de la mise en scène. Sur la rive gauche de la Seine se créent de nombreux théâtres de poche, qui révèlent bientôt une nouvelle génération d'écrivains, au premier rang desquels Eugène Ionesco et Samuel Beckett.

L'Absurde

Dans les années quarante se développe en France la philosophie existentialiste, dont le représentant le plus connu est sans conteste Jean-Paul Sartre. Selon lui, en l'absence d'un Dieu, l'homme détermine lui-même son existence. Mais cette absence de Dieu, de croyance et de prédétermination, qui sous-entend à l'homme une totale liberté, peut également faire naître le sentiment de l'absurdité de l'existence. Albert Camus développe une réflexion sur cette notion dans Le Mythe de Sisyphe [1] : dans un univers privé de ses illusions et de ses lumières, explique-t-il, l'homme ressent une séparation entre son être et son existence, d'où naît le sentiment de l'absurde. Il observe trois attitudes de l'homme face à l'absurdité de la vie. L'homme croyant se réfugie dans la religion pour combattre l'absurdité. L'homme incroyant qui refuse d'accepter l'absurdité de la vie se suicide. Reste une troisième voie, que Camus explore à travers Sisyphe, celle de la révolte : pour lui, l'absurde ne prend sens que si l'on n'y consent pas. Pour mener sa réflexion, Camus s'appuie sur le mythe de Sisyphe, héros antique condamné par les dieux à pousser un rocher en haut d'une montagne. A chaque fois que Sisyphe est sur le point d'atteindre le sommet, le rocher tombe, et tout est à recommencer. Camus y voit à la fois un bonheur, parce que Sisyphe est totalement maître de son destin, et une tragédie, parce qu'il a pleinement conscience de l'absurdité de sa tâche.

Sartre et Camus écrivent tous deux une littérature qui reflète leurs positions philosophiques. La question de l'engagement de l'homme et de sa réalisation à travers une cause est centrale dans Les Justes de Camus, comme dans Les Mains sales, de Sartre.

Les Justes de Camus

[Format court]

Paul-Louis Mignon présente la pièce d'Albert Camus, Les Justes, et la mise en scène de Pierre Franck en 1965 au Théâtre de l'Oeuvre. Après un rapide résumé de la pièce, et la présentation des acteurs en scène, on peut voir un extrait de la pièce mettant en scène les personnages de Boris, Kaliayev et Stepan (Marc Cassot, Manuel Denis et Marcel Bozzuffi).

16 jan 1966

3m 12s

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Les deux auteurs conservent cependant une approche assez traditionnelle du théâtre, leurs pièces étant construites de manière relativement classique. Si la philosophie existentialiste et ce qu'elle peut véhiculer de théories de l'absurde y transparaît, c'est avant tout dans les thématiques et les paroles des personnages. Mais certains auteurs, s'appuyant sur les expériences fondatrices de Jarry et du théâtre surréaliste, vont développer une nouvelle manière d'écrire du théâtre, bouleversant profondément et durablement les codes de l'écriture théâtrale. Ces auteurs, Martin Esslin les a regroupés sous la bannière, devenue universelle, de « théâtre de l'absurde » [2].

[1] Albert Camus, Le mythe de Sisyphe, essai sur l'absurde, Gallimard, NRF, Paris, 1952.

[2] Martin Esslin, Le théâtre de l'Absurde, Buchet/Chastel, Paris, 1971.

L'absurde selon Esslin

Martin Esslin s'appuie lui aussi sur les théories de l'absurde de Sartre et Camus, mais constate que, si les auteurs s'inspirent du sentiment d'absurdité ambiant, ce n'est pas dans l'optique d'une révolte. Pour les auteurs de l'absurde, il semble qu'il n'y ait « rien à faire ». C'est sur ces mots emblématiques que s'ouvre l'une des deux pièces les plus connues de l'après-guerre, En attendant Godot. Face à l'absurdité du monde, les auteurs de ce qu'Esslin a appelé le « théâtre de l'absurde » développent un immobilisme, une attente désespérée. Ne parvenant pas à se contenter de la forme dramatique telle qu'elle existe à l'époque, et qui repose souvent sur des bases réalistes, ils poursuivent le travail entamé par les surréalistes sur une poétisation de la langue, et mettent la forme dramatique au service de ce constat d'absurdité.

Martin Esslin constate des points communs entre ces auteurs, au premier rang desquels Ionesco, Adamov et Beckett. En premier lieu, aucun ne fait plus confiance à la langue comme outil de communication. Le langage est l'outil du pouvoir, il est oppressant et absurde, le plus souvent figé dans des formes sclérosées. Ce sont ces formes qu'Ionesco place à la base de son travail de dramaturge, les utilisant en poussant à l'extrême leur absence de sens pour mieux les détruire. Chez Beckett, c'est la communication qui ne fonctionne plus : les personnages ne parviennent plus à dialoguer. Enfin, chez Adamov ou Audiberti, le langage est synonyme de manipulation et de tromperie. Leurs pièces se retrouvent également dans leur capacité à montrer, par des images poétiques et subjectives, l'absurdité de la vie, aussi bien dans leurs thématiques que dans leur construction. Le but du théâtre de l'absurde n'est ni de transmettre des informations, ni de présenter les problèmes ou destins de personnages : il ne repose pas sur l'imitation de la réalité (la mimésis d'Aristote). Son but est de présenter la situation fondamentale, particulière, d'un individu englué dans l'absurdité du monde.

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